Exclusions des loups, exclusion de tout…

La surréaliste proposition de loi visant à créer des zones d’exclusion des loups, y compris dans les espaces protégés, provoque bien des réactions, dont celle-ci. Il s’agit de la lettre adressée par François Arcangeli, maire d’Arbas et Conseiller régional de Midi-Pyrénées, aux sénateurs Françoise Laborde et Jean-Pierre Plancade, telle qu’il nous l’a communiquée.

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par Marc Giraud

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« Madame la Sénatrice,
Monsieur le Sénateur,
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J’ai été alerté par les associations environnementales au sujet de la proposition de Loi que vous co-présentez avec 13 autres de vos collègues « visant à créer des zones d’exclusion pour les loups » [1].

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Je ne sous-estime pas les difficultés des éleveurs qui sont confrontés à la présence du loup mais le texte que vous défendez présente à mon sens plusieurs problèmes :

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– pour travailler régulièrement sur la question des prédateurs avec d’autres pays en Europe et dans le monde, je sais que la France va encore passer à la fois comme donneuse de leçons sur les questions environnementales tout en étant incapable de cohabiter avec sa poignée de prédateurs. Pendant ce temps les pays autour de nous comptent des populations de loups par milliers sans connaître de véritables problèmes de cohabitation et en assurant une valorisation économique et/ou touristique de cette richesse qu’est la biodiversité ;

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– le principe du développement durable est de concilier les enjeux, pas de les opposer. Créer un zone d’exclusion pour les loups est la première étape d’une logique qui entraînera d’autres interdictions, et pourquoi pas en toute logique des zones interdites… aux éleveurs ! De plus, le loup ne pouvant pas être exclu de tout le territoire, je vous laisse expliquer aux éleveurs qui n’auront pas la « chance » de travailler dans des zones d’exclusions pourquoi ils n’ont pas cet « avantage ». Ce texte attisera donc les conflits plutôt que de les réduire ;

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– l’application de la Loi que vous proposez est compliquée. Les loups ne sachant pas lire les panneaux ni comprendre les limites autorisées, ce principe ne règlera pas le problème mais le compliquera : il induira à la fois l’élimination d’une espèce strictement protégée (donc avec toutes les limites prévues par la Loi, notamment européenne) tout en confortant l’éleveur dans son intention de ne pas protéger ses troupeaux. Quand on sait que les pertes sur les troupeaux liés aux prédateurs ne sont qu’une faible partie des pertes constatées, encourager un éleveur à ne pas protéger ses troupeaux entraînera mécaniquement une augmentation de ses pertes ;

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– ce texte va entraîner une rafale de contentieux inévitablement et logiquement engagés par les associations. Le plus probable est qu’in fine, le texte soit retoqué (au moins par l’Europe), et qu’il n’ait finalement conduit qu’à dresser les uns un peu plus contre les autres, tout en confortant l’illusion que le retour du loup n’est pas inéluctable et que les éleveurs peuvent se permettre de ne pas protéger leurs troupeaux dans ce milieu hostile qu’est la montagne ;

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– enfin, il crée un précédent qui pourrait être décliné à d’autres espèces,  comme pour l’ours dans les Pyrénées. Ce serait dommage au moment où les tensions retombent et où la plupart des éleveurs ont intégré que l’ours est durablement présent dans les montagnes et que les actions de protections fonctionnent finalement plutôt très bien. Pour l’ours, sur la chaîne pyrénéenne française et sur une année, les ours font de 150 à 200 dégâts quand dans un même temps, il meurt environ 50.000 brebis d’autres causes (environ 1.000 bêtes par semaine !). Quand on sait combien fonctionne le trio berger / chien de protection / clôtures électriques, on mesure à quel point il est pertinent de promouvoir ces mesures qui peuvent réduire ces immenses pertes !!!

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Les difficultés du monde agricole et plus encore de la filière ovine ne peuvent justifier que la France soit discréditée par des textes principalement dictés par des lobbies agricoles ou politiques qui préfèrent désigner un bouc-émissaire plutôt que de regarder lucidement les conséquences d’une politique agricole qui a sacrifié ses éleveurs de montagne.

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Je me tiens bien sûr à votre disposition pour en discuter de vive voix.

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Vous souhaitant bonne réception, je vous prie d’agréer, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, l’expression de mes respectueuses salutations.

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François Arcangeli,
Conseiller régional de Midi-Pyrénées
Maire d’Arbas

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[1] http://www.senat.fr/leg/ppl12-054.html »

 

Le site de François Arcangeli : http://francois-arcangeli.com

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