Le cheval, c’est l’avenir par Jean-Louis Gouraud

Pour Jean-Louis Gouraud, la fin de l’exploitation d’une espèce animale entraîne forcément sa disparition. Cela demanderait quelques nuances. Pourtant, dès la lecture de la 4e de couv, on ne peut qu’applaudir aux préceptes de l’auteur : les chevaux ont droit à notre respect, à notre bienveillance, etc. On se réjouit aussi qu’il rappelle notre appartenance à la nature dès l’introduction, ou cite Baptiste Morizot sur nos relations au vivant. Ce petit livre de 80 pages rappelle les rapports magiques entre « l’homme » et les animaux, chevaux en tête, qui représentent notre part de sauvage, avec de belles pages sur l’équitation d’extérieur.

Constatant la diminution globale des activités liées aux chevaux, l’auteur néglige des explications telles que les dures conditions financières imposées aux centres équestres par exemple (hausse de la TVA), pour accuser un peu rapidement les animalistes et autres antispécistes, car il craint jusqu’au fantasme que ces derniers n’interdisent toute activité équestre. Nous en sommes loin. Certains défenseurs des chevaux ne connaissent rien à leurs besoins, c’est indéniable, et on comprend son agacement. Mais pour justifier l’exploitation des animaux, Gouraud glisse doucement vers des généralités pas très objectives. Par exemple, cette certitude que les chevaux aiment le travail demanderait à être plus étayée et nuancée. Certains animaux mis à la retraite au pré s’ennuient, certes, mais est-ce le travail lui-même qui leur manque, ou les soins qu’on leur portait quotidiennement, voire l’affection, et tous les stimuli auxquels on les avait habitués ? Des chevaux de course montrent un réel plaisir à galoper, mais désirent-ils vraiment, pour cela, avoir un cavalier sur le dos et un mors dans la bouche ?

L’existence de l’animal ne serait donc liée qu’à son utilité pour les humains. Cette conviction va jusqu’à quelques contre-vérités : l’auteur affirme même que le cheval n’a survécu que grâce à la domestication. C’est oublier que si les chevaux sauvages ont disparu, c’est justement à cause des destructions qu’on leur a infligées, c’est oublier encore l’extraordinaire résilience des chevaux du désert du Namib, des Brumbies en Australie, ou des Prjevalski à Tchernobyl. Et quand l’auteur cite avec admiration Jocelyne Porcher (qui s’est attaquée de façon si malsaine aux vidéos de L214 en les assimilant à du voyeurisme), ou à Sylvie Brunel (pro-pesticides et anti-écolo notoire), là je décroche : « l’homme n’est pas l’ennemi de la nature. Il la met au contraire en valeur, il l’entretient, il la soigne, parfois même il la sauve ». Sans tomber dans un grossier clivage humain/nature, il y aurait beaucoup à dire sur cette lecture anthropocentrique de l’histoire naturelle. Elle paraît en contradiction avec les réflexions sur l’animisme qui concluent l’ouvrage, et sur lesquelles nous préfèrerons rester.


Éditions Actes Sud, 80 pages, 8 € – www.actes-sud.fr
Contact presse: Sophie Patay. Tél.: 01 55 42 14 43 – s.patey@actes-sud.fr
(Marc Giraud)