Linky, ce n’est pas cuit

Non, le compteur électrique Linky, qui se consulte à distance, n’est pas obligatoire, et oui, il peut servir à surveiller les abonnés.

par Marie-Paule Nougaret

Le nier, c’est oublier le règlement européen sur la protection des données (RGPD). La société Enedis doit installer des filtres pour empêcher le courant qui porte les signaux d’entrer dans le logement de treize personnes électro-sensibles, sous peine de 500 € par jour de retard. La presse locale n’en a dit mot – peut-être pour ne pas perdre les pleines pages de publicité d’EDF – mais le 19 novembre 2020, la Cour d’appel des référés de Bordeaux en a jugé ainsi.

C’est Enedis, elle-même, filiale d’EDF à 100 %, qui avait fait appel d’un référé la condamnant à la pose de ces filtres à environ 100 € pièce, et elle aurait pu s’abstenir, car du coup, les juges ont creusé le dossier. En référé, ils ne pouvaient prendre que des mesures d’urgence pour les malades, sans condamner la société pour d’autres motifs. Mais ça lui pend au nez tôt ou tard devant un tribunal normal, affirment les avocats des plaignants.
Enedis assure désormais qu’elle posera les filtres et note que la plupart des mécontents dans cette affaire ont été déboutés. En effet, ils étaient 200, et la Cour de Bordeaux n’a retenu que les treize qui à la fois, détenaient la preuve de leur handicap, reconnu par la Sécurité sociale, et subissaient déjà le compteur Linky – qu’aucun texte légal, notent les magistrats, n’autorisait à leur imposer.

L’arrêt cite un document officiel (ANSES, de 2009) sur les effets inconnus des courants de 35 000 à 90 000 Hz. Il s’agit, bien sûr, des fréquences du courant informateur de Linky. Le réseau électrique normal vibre lui, à 50 Hz, et empêche déjà certains sensibles de dormir.

Quant à l’espionnage des usagers, c’est une thèse universitaire, publique, financée par le service de recherches et développement de Linky, qui vend la mèche : au démarrage, chaque appareil émet une signature électrique qui permet de l’identifier.

Me Arnaud Durant, avocat de Mysmartcab (en anglais : mon cabinet malin), qualifie l’affaire de colossale, en français, sans trop de modestie. Le cabinet représente selon lui 5000 personnes dans diverses villes contre Enedis, et a obtenu en référé à Grenoble, l’enlèvement d’un compteur Linky sous pression de l’Agence régionale de santé. A le croire, le but caché de l’Etat, actionnaire d’EDF, donc d’Enedis, serait de pouvoir identifier la recharge chez soi de voitures électriques, et la taxer sélectivement comme les carburants à la pompe qui rapportent au fisc 37 milliards € par an. Colossal, on vous dit.