Scénario catastrophe numéro dix : les nouvelles épidémies

Un adhérent « historique » des JNE nous envoie le texte qu’il avait consacré aux virus et aux nouvelles maladies épidémiques dans son livre L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! (première édition 2006 ; édition « revue et aggravée » 2013 ; chez Arthaud). C’était (sur treize possibles) la dixième solution par laquelle il imaginait que notre espèce pouvait s’éteindre et se faire définitivement oublier du reste des vivants.

par Yves Paccalet

La forêt du Guatemala…

Odeur d’humus et d’orchidée. Je marche au hasard des temples de Tikal. Je foule une pierre plate qui (mon Dieu ! protégez-moi de mes doux rêves : mes cauchemars, je m’en charge…) fut un autel où les prêtres aztèques arrachaient le cœur palpitant des jeunes vierges. Une guêpe me vrombit autour du crâne, tel un prêtre aztèque armé de son poignard. Le dieu du Soleil rend fous ceux qu’il veut perdre.

Je contemple le fouillis d’arbres, de fleurs, de fougères, de mousses et de champignons qu’arpentent, croquent, lèchent ou sucent des légions d’insectes, d’araignées, de mollusques… Encore n’aperçois-je que les grandes créatures. Mille milliards de fois plus nombreuses sont les petites : acariens, amibes, bactéries, mycoplasmes… Jusqu’aux virus !

Voici un demi-siècle, peu de touristes visitaient les temples mayas. De nos jours, les avions atterrissent à deux pas. La population humaine explose, vaque, brasse et se mêle. Les migrations s’accélèrent. Les guerres et les glorieux assassinats jettent sur les routes des cortèges de réfugiés. Dans le même temps, nous saccageons les milieux naturels. Nous rasons les forêts. Nous draguons les océans. Nous nous installons dans les lointaines oasis ou au sommet des montagnes.

Je ne suis pas le seul à redouter que nous n’ouvrions ainsi une boîte de Pandore bien plus dangereuse que celle de la mythologie. Nous avons appris à vivre avec une cohorte de parasites qui nous veulent du mal, mais que notre système immunitaire contrôle à peu près. Notre espèce pourrait devoir affronter bientôt d’impitoyables tueurs, qu’elle s’ingénie à déterrer dans les recoins de la planète. La première cause de mortalité des Indiens du Nouveau Monde, qui amena en un siècle leur population de quatre-vingts à quatre millions d’individus, ne fut pas la barbarie des Européens (pourtant inspirés par ce noble massacre), mais les maladies introduites par les colons, y compris par les missionnaires et les amis des « bons sauvages ». Les Indiens trépassèrent en masse de grippe, variole, rougeole, syphilis ou poliomyélite.

Nous nous retrouvons, aujourd’hui, dans la situation des Hurons, des Aztèques ou des Quechuas du XVIIe siècle. Les envahisseurs sont parmi nous et nous l’ignorons. Ils ne descendent pas d’une autre planète et n’ont pas le petit doigt en l’air. Ils sont invisibles. Là, au coin de la rue, dans l’autobus, au café, à l’hôpital, au ministère de la Santé… Nous en connaissons quelques-uns. Le VIH du sida nous a agrippés dès les années 1950, probablement à partir d’une souche de singes d’Afrique centrale. D’autres surgissent. Les virus du singe vert, de la fièvre de Marburg et de la maladie du légionnaire. Ceux de Junin, de Machupo et de Sabla, apparus en Amérique du Sud, et que les microbiologistes surveillent d’un œil nerveux. Le hantavirus, exalté par le collapsus de l’Union soviétique et la prolifération concomitante des souris. Les agents de la fièvre d’Ebola, de la fièvre West Nile, de celle de Lassa… L’étrange « virus X » a tué des milliers de personnes au sud du Soudan, avant de disparaître. Totalement ? N’en croyons rien… Je glisse sur les souches pathogènes du SRAS (le syndrome respiratoire aigu sévère). Ou sur les sueurs froides que donne aux spécialistes la perspective d’une recombinaison des caractères épidémiques et morbides des virus de la grippe des oiseaux, des cochons et des hommes…

Je ne veux effrayer personne, mais je regarde les microbes avec de moins en moins d’humour. Je n’oublie pas les bactéries du choléra, de la tuberculose ou de la syphilis, ni les protozoaires comme ceux du paludisme : tous ces micro-organismes « classiques » semblent animés d’une énergie nouvelle. Ils résistent aux antibiotiques. Ils sont plus virulents et plus teigneux que leurs pères.

Je me demande si, au-delà des vieilles querelles écologiques, la première raison de lutter contre le saccage de la Terre ne va pas devenir un pur souci de santé publique. Les scientifiques ont établi, par exemple, qu’il existe, dans les profondeurs du sol, à plus de trois mille mètres, d’incroyables grouillements de bactéries. Certains de ces anaérobies, peut-être aussi vieux que la vie même, ont reçu le nom de Bacillus infernus. On en trouve dans des poches de pétrole très profondes.

Réveillerons-nous ces monstres endormis pour quelques barils de future marée noire ?

Au XVe siècle, la population humaine atteignait cinq cents millions de sujets. En quelques années, de l’Extrême-Orient à l’Asie mineure, à l’Afrique du Nord et à l’Europe, d’abominables pestes tuèrent quatre-vingts millions d’individus. Une personne sur six ! Si une épidémie aussi féroce et fulgurante frappait l’humanité actuelle en y causant la même proportion de victimes, on dénombrerait plus d’un milliard de cadavres !

Je ne veux paniquer personne, mais cela pourrait se produire bientôt. Mettons : l’année prochaine !