Les COP se succèdent et délivrent leur lot de déceptions au cœur des médias


par Dominique Martin Ferrari

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Que de titres négatifs ! Certains vont jusqu’à parler de calamité ! Il est clair que les Etats sont en déphasage complet avec les attentes du monde. Cela s’explique par leur impuissance à gérer l’accélération du réchauffement climatique.

Une question se pose face à la lenteur des négociations : cette COP marquerait-elle une nouvelle étape dans les débats mondiaux ? Face au retard pris, à l’impuissance de la négociation multilatérale, l’Europe n’est elle pas en train de jouer une carte indépendante pour le futur ?

L’effort actuel est insuffisant et nous nous enfonçons de plus en plus dans une crise dont nous sommes incapables de mesurer la gravité. Il n’avait pas été prévu de faire de la COP 25 un moment important puisque c’est à Glasgow l’an prochain que devraient se signer les accords. Mais on devait avancer et comme toutes les COP, Madrid était un test de volonté politique, « d’état d’esprit du monde ».

Deux dossiers étaient sur la table : le marché carbone et la révision des engagements. Echec dans les deux cas, et à entendre les participants, c’est la désespérance générale. Alors ? Pourquoi ont-ils tous signé s’ils sont si mécontents ? Peut-être aurait-il fallu faire ce qui s’est passé à Copenhague en 2009, n’adopter aucun texte plutôt qu’un mauvais texte ?

De toute évidence, personne n’a révisé à la hausse ses efforts, à part 73 pays qui se sont engagés à présenter des plans climatiques plus ambitieux d’ici à la fin de l’année 2020. Cinq pays de plus donc, dont le Mexique, le Chili, la Maroc et le Pakistan, ainsi que 14 régions, 398 villes et 786 entreprises se sont également engagés à la neutralité carbone en 2050. Ils représentent malheureusement une part très faible des émissions.

L’autre attente concernait le marché international du carbone. La COP 24 de Katowice en Pologne avait laissé en plan cette question. Depuis le protocole de Kyoto et 2006, les mécanismes d’échange de quotas d’émission de CO2 existent. Ils permettent de vendre des réductions d’émissions d’un pays à l’autre. En 2006, seuls les Etats les plus développés avaient obligation à réduire et jouaient de ce mécanisme. Aujourd’hui, tout le monde est concerné, mais les émergents bloquent et refusent d’entrer dans le système : le Brésil refuse, comme la Chine et l’Arabie Saoudite. Position prévisible. Plus étonnant a été de voir se joindre à eux des ONGs (le RAC par exemple) craignant de voir les mécanismes d’échange de quotas d’émissions sans réel contrôle, comptabilisés par le pays qui l’achète et par celui qui le vend (double comptage).

On comprend donc les déceptions. Mais le « COP bashing » est plus grave : il souligne la difficulté du multilatéralisme. Les COP ne sont pas un outil magique qui permettrait du jour au lendemain de mettre le monde au rythme de nos désirs la plupart du temps européens. Pour régler un problème d’ordre mondial, il faut que le monde soit d’accord. Or le Brésil, l’Australie, le Japon, le Canada, l’Inde et la Chine sont à la peine. Il est à craindre que le multilatéralisme ne soit plus capable d’imposer quoi que ce soit aux émergents dont les sociétés civiles ont encore peu de possibilités de s’exprimer. La Chine devient, avec le retrait prochain des Etats-Unis, le principal pollueur (28 % des émissions) Elle fait face à une croissance exponentielle et compte 1400 usines à charbon, même si les fermes solaires se multiplient. Elle a mené une politique environnementale très autoritaire, mais au seuil de la récession, l’économie reprend la main, les enjeux climatiques passent au second plan.

Alors, l’Europe tente de maintenir le cap. On a beaucoup reproché à la France de ne pas défendre les intérêts de la COP 21 à Madrid, mais d’être à Bruxelles. C’est vrai. Mais l’Europe a avancé (sans la Pologne) avec l’annonce du « new green deal », accord de neutralité carbone pour 2050, dont 50 actions pour 2020. Un accord largement dénoncé par Greta Thunberg : « C’est une tromperie, Parce que la plupart de leurs promesses n’incluent pas l’aviation, le secteur maritime, et les biens importés ou exportés, mais incluent la possibilité pour les pays de compenser leurs émissions ailleurs. »

Certes. Mais ce grand plan historique donne la couleur de l’ambition de la nouvelle Commission pour placer l’Europe comme premier continent à prendre ses responsabilités face aux enjeux sociétaux de notre siècle. L’avenir nous dira s’il ne s’agissait que d’une déclaration, ou si réellement l’Europe maintiendra son objectif de réduction à – 55 % et doublera sa contribution au fonds vert climat.

Comme le souligne le Comité 21, « les jalons sont posés pour acter le développement irréversible de la responsabilité du secteur privé européen ».

Faut-il lire également que l’Europe prend les devants, se sépare d’une machine en panne pour un long moment, affichera un effort qui la dédouanera de ses responsabilités quand les effets irréversibles du réchauffement vont commencer à se faire sentir et que les pays touchés revendiqueront des compensations (cf. les décisions du mécanisme international de Varsovie)  ? Peut-être, seul l’avenir le dira. Mais il est certain que l’Europe replie son effort sur ses territoires.

En conclusion, il y a un sacré travail à faire d’ici Glasgow. Si au finish la date butoir de 2020 a été conservée pour les révisions alors que de nombreux pays demandaient encore trois ans de plus, le secrétaire général de l’ONU craint de recevoir les chiffres trop tardivement pour dresser un bilan global, seul capable de conduire juridiquement les Etats à réviser leurs engagements. Nous avons un an pour faire valoir la clause de transparence décidée à la COP 21. Rien ne sert plus vraiment de vociférer en Europe. C’est ailleurs que les choses se passent.

A trop vouloir courir devant, nous risquons de perdre le reste du monde.