Pourquoi je n’irai pas à Madrid

Un vétéran des conférences internationales sur l’environnement et le climat nous explique pourquoi il n’ira pas à la COP 25 de Madrid.

par Claude-Marie Vadrot

Ayant suivi sur place avec tous leurs acteurs, officiels ou officieux, la plupart des conférences sur l’environnement et sur le climat depuis Stockholm, Rio, Johannesburg, Berlin, Kyoto, Bali, Paris, Katowice, ou Copenhague, je n’irai pas à Madrid ; même pas par le train comme l’ont fait beaucoup de responsables d’associations d’écologistes. Tout simplement parce que je n’y crois plus. Emmanuel Macron, qui n’a jamais porté le moindre réel intérêt à l’environnement, ne sera pas, même brièvement, présent en Espagne pour y proférer les « beaux » mensonges verts dont il est coutumier.

A lire les nouveaux avertissements des Nations Unies et des climatologues, je comprends, enfin penseront certains, que toutes les négociations n’ont servi et ne servent plus à rien. La planète se réchauffe, les catastrophes se multiplient et l’évolution plus rapide des températures dans les zones polaires est angoissante. Crispés sur leurs intérêts et sensibles aux pressions du monde économique et industriel, les experts et diplomates viennent de reprendre leurs discussions oiseuses sur les nouveaux textes à venir. En se battant à coups de virgules, de parenthèses, de conditionnels savamment dosés qui serviront ensuite aux politiques surgissant dans les derniers jours pour interpréter de vagues promesses et les transformer en « victoires ».

Ce n’est évidemment pas vraiment nouveau, mais le ballet des diplomates s’est aggravé depuis quelques années proportionnellement à la montée des menaces qu’il faut faire semblant d’écarter tout en proclamant « l’urgence climatique ». En reportant les décisions « à la prochaine conférence ». Les centaines de « petits messieurs » qui traînent leurs valises à roulettes d’une conférence à l’autre pour masquer les renoncements de leurs « patrons » sont devenus des spécialistes de l’embrouille climatique. Et d’une conférence à l’autre ce sont souvent les mêmes. Bien cravatés et discutant à des années lumière des aléas qu’ils examinent. Quant à ceux que délèguent les pays du Sud, ils sont trop peu nombreux pour porter la parole de leurs gouvernements inquiets, en courant d’une réunion à l’autre ; surtout, quand ils ont constaté les dégâts en train d’affecter leurs territoires. Quand l’expert du Bangladesh explique que depuis le début de 2019, le dérèglement climatique a déjà contraint 7 millions de ses concitoyens à se déplacer dans son pays parce que la mer monte et que les terres cultivables se gorgent de sel, il ne rencontre au mieux qu’une sympathie plus ou moins attristée.

Cette « cuisine » mitonnée par les pays industrialisés s’impose de plus en plus brutalement aux pays « victimes ». Elle est favorisée par une réalité souvent ignorée par les citoyens : toutes les discutions et marchandages se déroulent à huis-clos car les journalistes et les ONG environnementales n’ont absolument pas de droit d’y assister. Les vigiles des Nations Unies y veillent avec efficacité. Car dans l’univers de l’ONU, les écolos accrédités, la presse, le diplomates, le public, tous dûment munis d’un badge distinctif ,ne peuvent ni ne doivent se mélanger. Sauf dans les couloirs…

Sans doute mus par la force de l’habitude, les représentants des associations sont toujours présents. Mais, curieux mimétisme, ils parlent désormais comme les diplomates, attentifs aux virgules et aux analyses officielles. La plupart sont progressivement devenus « des idiots utiles » relayant le jargon des délégués officiels de pays. Ce qui rend leurs commentaires incompréhensibles aux citoyens.

Donc je n’irai pas à Madrid pour ne plus m’associer au théâtre d’ombres que sont désormais les conférences sur le climat, dont trop de figurants ne rêvent que de la prochaine…