Hommage à Benjamin Dessus, précurseur de la transition énergétique

C’est par un message de son ami Bernard Laponche que nous avons eu la tristesse d’apprendre le décès de Benjamin Dessus, précurseur de la transition énergétique en France, survenu le 6 octobre 2019.

par Laurent Samuel

Voici le message de Bernard Laponche.

« C’est avec une grande tristesse que je vous écris.
Benjamin Dessus est mort ce dimanche matin, à l’aube, chez lui, après de longs mois alternant souffrances et améliorations.
Il a écrit jusqu’au bout de beaux textes, originaux et recherchant toujours à expliquer, déchiffrer, proposer de nouvelles approches de problèmes complexes. »

Né en 1939, Benjamin Dessus était le président de l’association Global Chance. Ingénieur et économiste, il a raconté son parcours dans une interview réalisée par Fabrice Nicolino (JNE), publiée en 2016 dans Charlie Hebdo. Après avoir été confronté aux essais nucléaires français lors de son service militaire en Algérie en 1964, il entre en 1970 dans un labo d’études et recherches d’EDF à Chatou. Avec Bernard Laponche et quelques autres pionniers, il milite à la CFDT qui, dès cette époque, dénonce l’ampleur du « programme Messmer » de construction de centrales nucléaires et travaille avec les Amis de la Terre sur les manquements à la sécurité dans les réacteurs. La suite, Benjamin Dessus la raconte à Fabrice Nicolino :

« Je me suis précipité sur le projet Thémis de centrale solaire, lancé par le CNRS et EDF dans les Pyrénées, où j’étais chargé du champ d’héliostats de la centrale. D’autre part, en 1978, j’ai rédigé avec Philippe Courrège, Philippe Chartier et François Pharabod un vaste plan énergétique – le projet Alter – qui imaginait fort sérieusement une France sobre en énergie et entièrement renouvelable à l’horizon 2050. Ce projet Alter a eu un succès totalement inattendu et il a fait ensuite l’objet d’une série de plans régionaux fondés sur une limitation des besoins énergétiques et une décentralisation de la production à base de renouvelables. Comme de juste, il a également déclenché des réactions extrêmement brutales de la part des nucléaristes. J’étais encore bien innocent, et ces critiques – certains nous comparaient à des fascistes voulant faire le bonheur des gens malgré eux! – m’ont en fait aidé à me poser de nouvelles questions. Je ne suis donc pas né antinucléaire, mais je le suis devenu par l’expérience et le travail. »

 

En 1982, Benjamin Dessus fait partie des créateurs de l’AFME (Agence française pour la maîtrise de l’énergie) – ancêtre de l’actuelle ADEME – dont il dirige les services techniques. En 1987, il rejoint le CNRS où il prend en charge un programme interdisciplinaire consacré aux problèmes d’énergie et d’environnement, avant de diriger le programme Ecodev (programme interdisciplinaire de recherche sur les technologies pour l’écodéveloppement). En 1992, il est l’un des fondateurs de l’association Global Chance, qui se donne pour but d’apporter une expertise indépendante sur la transition énergétique. En 2000, il publie avec Jean-Michel Charpin et René Pellat la toute première étude économique indépendante sur la filière nucléaire française, qui est remis au Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin.

Benjamin Dessus était l’auteur de nombreux livres, dont un Que Sais-je ? sur L’énergie solaire (1996) et Déchiffrer l’énergie (2014). En mars dernier, il avait dénoncé l’insuffisante prise en compte des émissions de méthane dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) du gouvernement. Son dernier article, consacré à l’abandon du projet de réacteur nucléaire Astrid, avait été publié le 24 septembre sur le site du mensuel Alternatives Economiques. Benjamin Dessus y dénonçait « l’effondrement brutal d’un mythe, le recyclage des déchets radioactifs ».

Les JNE adressent toutes leurs condoléances à son épouse Catherine, à sa famille et à ses proches.

Pour en savoir plus, lisez l’article de Valéry Laramée de Tannenberg sur le site du Journal de l’environnement. Ci-dessous, quelques messages postés sur Twitter.