Bananes publicitaires

Lors du Salon de l’Agriculture, une publicité enthousiaste traitait de l’« exception française ». Laquelle, me demandais-je ? Nous sommes si exceptionnels ! L’art de balancer sa trottinette au milieu du trottoir ? De rouler sur un passage clouté réservés aux piétons ? De laisser un cabot décorer la rue publique d’excréments tachistes ?

par Jane Hervé

Erreur, l’exception française, c’est sa façon de… produire des bananes. Certes, dit la publicité, « les règles sont radicalement différentes d’un pays à l’autre », certes « l’usage des produits phytosanitaires peut varier de 1 à 10… et l’écart de salaires de 1 à 30 ». La pub fait quand même preuve d’un sens de la relativité ; savoir que certains produits « interdits en Europe » sont « autorisés ailleurs ».

Mais…. Il y a un Mais. Il faut que tous apprennent par le biais de cette pub que « la banane de Guadeloupe et de Martinique est unique au monde ». Ni plus, ni moins. « Elle respecte les normes sociales et environnementales les plus élevées du monde », les normes françaises et européennes. Pourtant, le « Manifeste pour un projet global », rédigé par Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau (janvier 2000), rappelle déjà que « le scandale de l’utilisation du chlordécone et de l’épandage des cultures bananières aux Antilles n’a pas encore éclaté » (épandage interdit aux Etats-Unis depuis 1976). Edouard Glissant, à la conscience écologique, promeut déjà « les cultures biologiques à large échelle ». Dans La cohée du Lamantin (2005), Glissant précisait : « la banane est à l’agonie, les nappes phréatiques sont atteintes par les épandages de pesticides ». Des cancers se développent. Le chlordécone est classé « cancérigène possible » par le CICR, avec un risque de cancer de la prostate.

En 2019, une étude va être enfin menée par l’Institut National du Cancer sur les liens entre l’exposition au chlordécone et la survenue du cancer de la prostate. Bref, l’urgence écologique est toujours là, pour tous, même si la publicité semble l’oublier. Rappelons que le Manifeste propose une éthique véritable : « Agis dans ton lieu, pense avec le monde ». Ce qui se passe en Guadeloupe et en Martinique nous concerne tous.