Visite des JNE à l’éco-centre du Bouchot 

La visite du Bouchot (prononcer « Bouchote » en version locale) a été un temps fort des deux journées dédiées par les JNE à la découverte de la permaculture dans le centre de la France.

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par Jean-Claude Noyé

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Le centre agro-écologique en Sologne – photo Anneli Airaksinen

C’est au Bouchot que nous avons posé notre besace, dormi et mangé. Et pris du temps pour rencontrer nos hôtes, Anne et Jean-Philippe Beau-Douëzy, dans des échanges fraternels (osons le mot), animés, marqués du sceau de la passion et de l’esprit de contradiction chers aux JNE. JNE dont Jean-Philippe est un membre de longue date. « Ma famille de coeur », « une association à laquelle je suis très attaché », a-t-il rappelé à plusieurs reprises. Non sans évoquer telle ou telle figure historique auprès desquelles il a, dès la première heure, forgé sa conscience « insurrectionnelle ». Les discussions à table lors du dîner – dans la véranda aménagée par Jean-Philippe lui-même, comme, du reste, la totalité des bâtiments de ferme – auront ainsi été l’occasion de confronter des visions différentes, contradictoires pour les uns, complémentaires selon les autres, de l’engagement écologique, entre pragmatisme-réalisme ou refus du compromis. Au menu, entre autres : que fait Nicolas Hulot au gouvernement ? Est-il, oui ou non, un écolo-traître ? Faut-il, comme le propose Maxime de Rostolan, créer un corps de « paysculteurs » ou nouveaux intermédiaires entre ceux-ci qui travaillent la terre et ceux qui les aident à en vivre ? J’en passe et des meilleures. L’occasion, en tout cas,  pour Jean-Philippe et Anne, de réaffirmer cette conviction : ce n’est tant par les opérations médiatico-politiques que les choses bougeront, que par la multiplication des actions locales, anonymes, à l’initiative de personnes qui se retroussent les manches.

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Une opinion forgée … sur le terrain. Terrain que le maître es céans nous a fait visiter le lendemain, avec enthousisame, après un petit-déjeuner copieux lui-même précédé, pour quelques courageux, d’une séance de yoga animée par Noriko dans le zôme :  une structure de forme circulaire, composée de losanges en bois agencés en double spirale, d’une surface de 60 mètres carrés. Aménagé au centre d’un jardin mandala baptisé Séligonia, il sert de salle polyvalente où se retrouvent les nombreux stagiaires qui fréquentent ce lieu situé en plein coeur de la Sologne, à Pierrefitte-sur-Sauldre. Stagiaires en agroforesterie, géobiologie, permaculture formés par des spécialistes devenus au fil du temps des amis d’Anne, Jean-Philippe et leurs deux filles Mathilde et Lucille. Mais, tout aussi bien, stagiaires en yoga et autres disciplines apparentées au développement personnel car ici la permaculture est clairement réaffirmée comme une approche tout autant culturale que culturelle, un mode relationnel doux et résilient qui inclut notre rapport à la terre et notre relation aux autres. Ou, plutôt, à l’ensemble du vivant. La ferme tricentenaire du Bouchot rachetée par nos hôtes en 2002 est ainsi rebaptisée « F.E.R.M.E = faire ensemble dans le respect mutuel avec la permaculture ». Et présentée comme « un lieu d’expérimentation, de partage, d’ouverture d’esprit et de convivialité autour des principes de la permaculture ».

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Le Bouchot : cueillette dans le jardin mandala photo Carine Mayo

Force est de constater qu’en l’espace de 15 ans, Anne et Jean-Philippe ont su transformer ce « désert agricole » en une terre souriante où poussent une multitude d’arbres et de légumes anciens ou nouveaux. Comment transformer une terre sableuse, pauvre en humus comme en minéraux, en un sol vivant et pérenne ?  Equation délicate, solutionnée par eux à force d’ardente patience, en mariant savamment les plantes et en multipliant les couches de substrats divers pour créer un nouvel humus. Quitte à récupérer ici et là tout ce qu’il est possible de branchages et autres structures végétales en décomposition. Une expérimentation concluante si l’on s’en réfère à l’aspect luxuriant, presque tropical, des deux jardins forestiers en forme de mandala qui fournissent l’essentiel de la production locale. Et qui « présentent de nombreux intérêts comme communautés de plantes ». L’objectif  ? Atteindre, à terme, l’autonomie alimentaire pour ce qui est des légumes et des fruits (cuisinés et consommés directement sur place). L’acquisition récente d’un terrain adjacent, qui porte désormais la superficie totale du Bouchot à 4 hectares, devrait permettre un redéploiement de l’activité et de réaliser cette ambition.

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Au centre du Bouchot, Jean-Philippe Beau-Douézy répond aux questions de Myriam Goldminc, tandis que Jean-Claude Noyé (à dr.) prend des notes – photo Anneli Airaksinen

Prendre racine. Cette métaphore ne s’applique pas seulement aux mille et un végétaux que ce baroudeur au long cours et cette avocate ont réussi à faire pousser sur une terre ingrate. Elle s’applique à eux-mêmes. En clair : comment se faire accepter dans un lieu d’où on n’est pas originaire et où on a choisi de faire son « recours »  à la terre ? Equation encore plus délicate.

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C’est avec un humour jovial, où perçait parfois, dans sa voix de stentor, une pointe d’amertume, que Jean-Philippe nous a confié ses démêlés avec les propriétaires des grandes fermes voisines dont l’hostilité, jointe à un manque récurrent de moyens, a compliqué l’installation de ces néo-ruraux.

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En réponse, ils n’ont eu de cesse de créer une « tribu » composée des amis, stagiaires, woofers qui viennent vivre et travailler ici  quelques jours, quelques semaines ou quelques mois.  En somme, une illustration de la résilience permaculturelle. Et, en ce qui me concerne, un coup de coeur.

 

 

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