« Etre un élément à part entière du monde » : entretien avec Michka 

Nous avons posé quatre questions à Michka, membre des JNE, à propos de son livre autobiographique De la main gauche (Mama Éditions).

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Propos recueillis par Jean-Claude Noyé

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Michka sur son premier voilier dans le sud de l’Angleterre (années 1960) – photo D.R.

Michka, tu te livres sans fard dans cette auto-biographie, ne cachant rien, par exemple, de ta vie amoureuse. Pourquoi as-tu choisi de t’exposer ainsi ?

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J’ai toujours eu le goût de partager mes découvertes par l’écrit. Pour moi, c’est fondamental.

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Au fil du temps, je suis arrivée à la conclusion que ce que j’ai de mieux à partager, c’est ce que je suis au plus profond. Que c’est là que réside le meilleur enseignement.

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Pourquoi ? Parce que plus on va vers l’intime, plus on va vers une vérité profonde et, finalement, plus on rejoint l’universel.

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Tu as vécu de longs séjours en pleine immersion dans la nature sauvage. Peux-tu les évoquer à grands traits ?

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C’est vrai que j’ai vécu plusieurs années à bord d’un voilier avec mon premier compagnon, puis plusieurs autres années dans la forêt canadienne, en Colombie Britannique, avec le père de mes deux enfants, dans une cabane en bois que nous avons agrandi d’année en année jusqu’à ce qu’elle devienne un vrai petit chalet. La vie y est vraiment sauvage, et, en te promenant, tu tombes parfois sur des ours. Cette forêt abrite également des cervidés de grande taille, des coyotes et des cougars.

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La vie qu’on y menait, et que j’y mène encore quand j’y retourne l’été, est on ne peut plus rustique. Quand la neige tombe par gros paquets, on est coupé du monde comme si on était sur une île. Il faut prendre les skis de randonnée pour rejoindre la voiture ou rendre visite à nos voisins les plus proches. Avant l’arrivée de l’hiver, on faisait des provisions en quantité en ville et on montait au chalet tout ce dont on aurait besoin.

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Quant à la période de ma vie où j’ai vécu sur l’eau, à bord du voilier que nous avions construit de nos mains, c’est le côté nomade de l’existence, dans une maison mobile, qui me motivait le plus.

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Que t’a apporté cette vie dans la nature et comment l’articules-tu avec ta vie parisienne ?

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Michka dans la foret canadienne (années 1970) – photo D.R.

Le sentiment intime et puissant de faire partie intégrante de la nature, d’être un élément à part entière du monde, d’habiter la dimension cosmique des choses.

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Je suis convaincue que pour la plupart des Occidentaux, c’est un vrai soin, au sens noble du terme, de pouvoir retrouver ce contact avec la nature, d’être habité par le sentiment d’appartenance au grand cycle de la vie.

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Je dois dire que c’est très agréable de simplifier à l’extrême ses besoins et d’y pourvoir soi-même car on éprouve un sentiment d’autonomie sans pareil.

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Quant à l’articulation entre cette vie sauvage et ma vie parisienne, elle va de soi dans la mesure où j’ai le goût des contacts et parce que j’aime la richesse et la diversité humaine qu’offre la ville. J’ai toujours vécu à Paris, et j’y suis heureuse, du moins tant que je peux équilibrer mes plages de vie citadine avec des plages suffisamment longues et nombreuses de vie au contact des éléments.

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Tu décris longuement le patient travail thérapeutique que tu as entrepris après avoir éprouvé des symptômes de tremblements et de difficultés de mouvements. Malgré le recours à des voies médicales différentes (homéopathie, acupuncture, soins chamaniques, ayurvéda, nouvelles psychothérapies, etc.), ces symptômes se sont installés dans la durée. Comment la femme très libre que l’on découvre dans ton autobiographie le vit-elle ?

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Pour moi, il a été clair, dès les premiers instants où ma main gauche, puis ma jambe gauche, ont commencé à me «lâcher», que ma démarche ne serait pas d’effacer ces symptômes, ce en quoi la médecine occidentale classique aurait pu m’aider dans le meilleur des cas, mais à suivre une démarche de guérison intérieure qui se manifesterait, le cas échéant, par la guérison physique.

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Cela m’a conduit à explorer «l’espace du dedans », pour reprendre l’expression d’Henri Michaux. Plus tu rencontres de difficultés, et plus tu es obligé de te tourner vers tes ressources personnelles, de t’élever intérieurement. En cela, c’est un chemin de spiritualité. Ce qui est en jeu n’est rien d’autre que le fameux lâcher-prise. Chaque fois qu’on accepte ce qui est, on progresse.

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A lire : De la main gauche, Mama Éditions, 376 pages, 24 € .

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Michka a également écrit Le Dossier vert d’une drogue douce (avec Hugo Verlomme, Laffont, 1978), Le cannabis est-il une drogue ? (Georg, 1993), Le Chanvre, renaissance du cannabis (Georg, 1995). Editrice et traductrice (Les livres de Seth), elle a co-fondé en 2000 les Mama Éditions.

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