Le biogaz  : quel avenir ??

Jean-Pierre Camp est ingénieur ENSG et expert consultant. Il nous a aimablement autorisé à reprendre cet article sur le site des JNE.

par Jean Pierre Camp

Le biogaz est le gaz produit par la fermentation de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène. C’est la définition la plus large. Malheureusement, on la restreint trop souvent à la suivante : « Mélange de dioxyde de carbone, de méthane et de gaz à l’état de traces, qui résulte de la fermentation anaérobie contrôlée des biodéchets. »

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Ce qui induit la notion certes valable, mais insuffisante, du seul traitement des déchets. Le biogaz est, dans la nature, largement répandu (gaz des marais par exemple) et concerne donc toutes les matières organiques qui se dégradent naturellement en l’absence d’oxygène (méthanisation). C’est un mélange gazeux, constitué principalement (environ 99 % en volume sec) de gaz carbonique CO2 et de méthane CH4, et de traces d’autres gaz indésirables pour les équipements de valorisation (hydrogène sulfuré H2S, ammoniac NH3, …) et de vapeur d’eau.

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Il peut être utilisé directement comme combustible ou traité pour être comprimé et commercialisé après stockage ou injection dans les réseaux de distribution de gaz.

L’originalité de ce gaz est qu’il peut être produit de différentes façons suivant la provenance des matières organiques utilisées : en effet, depuis plusieurs dizaines d’années, les lisiers, les déchets de distilleries, boues de stations d’épuration, même les déchets ménagers fermentescibles, ont fait l’objet d’études, de pilotes, d’unités de traitement pour réduire les nuisances engendrées par ces productions en masse issues de la forte demande animale et humaine.

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Les résultats obtenus sont essentiellement liés à la qualité des intrants, trop souvent variables dans le temps et aussi fonction de paramètres extérieurs comme les fluctuations de la production sujette aux demandes économiques, même si la croissance alimentaire reste toujours positive dans le monde dit civilisé !

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Ce premier volet de production de biogaz génère des utilisations dans différents secteurs, essentiellement dans la cogénération (production d’électricité et de chaleur ou de froid), le gaz étant brûlé directement dans des moteurs adaptés qui font tourner des alternateurs. C’est une des manières , encouragée depuis assez longtemps par les instances internationales et nationales, pour réduire les nuisances engendrées par l’activité humaine, c’est donc de la valorisation des déchets bien comprise. Par exemple, le projet Agrobiogas («An integrated approach for biogas production with agricultural waste») financé au titre du sixième programme-cadre (6e PC) de l’UE ou  « Le biogaz en tant que ressource vitale » : le Parlement européen reconnaît que le biogaz constitue une ressource énergétique vitale qui contribue à un développement économique, agricole et rural durable ainsi qu’à la protection de l’environnement, souligne la contribution que le biogaz peut apporter à la réduction de la dépendance énergétique de l’Union européenne; s’est fixé pour objectif de développer cette technologie, qui offre un moyen efficace de traiter les déchets agricoles tout en constituant une option réaliste pour les agriculteurs.

Cette approche est nettement insuffisante car elle ne prend pas en compte le fait, universellement avéré, que l’énergie produite par les combustibles fossiles doit être assez rapidement remplacée partiellement par celle des combustibles renouvelables comme le biogaz, énergie renouvelable au même titre que l’électricité produite par le photovoltaïque ou l’éolien.

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Il faut passer à une autre échelle, celle de la production intégrée et renouvelable d’énergie à partir de produits agricoles et cela à l’échelle nationale si ce n’est européenne. Certes, cette production ne doit pas empiéter sur la production alimentaire des populations mais bien assurer un complément de revenu aux agriculteurs. C’est donc une politique agricole adaptée qui doit être mise en œuvre pour assurer à cette énergie renouvelable la place qu’elle doit avoir dans la politique européenne et mondiale

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Déjà, l’Allemagne l’a développée avec la mise en place depuis plusieurs années d’une politique agricole orientée vers la production de biogaz (plus de 5.000 unités), d’abord pour de la cogénération, maintenant pour l’injection directe de gaz dans les réseaux de distribution. Elle n’a pas fait le choix du nucléaire et a donc été obligée de rechercher tant dans l’éolien, le photovoltaïque et la méthanisation des solutions pour générer de l’énergie afin de s’affranchir autant que possible des centrales au charbon (lignite) qu’elle a.

Les agriculteurs sont à la recherche de plantes industrielles spécialement adaptées à la methanisation pour assurer le meilleur rendement dans la fermentation et la production de méthane. Ils utilisent leurs déchets, mais aussi des plantes comme le maïs, le sorgho, d’autres intrants ayant une masse végétale importante. Contrairement à ce que l’on pense souvent, les cultures dites industrielles permettent une rotation, intéréssante et très favorable à l’environnement, des cultures, avec la possibilité de planter des espèces qui jouent un rôle de nettoyage et de régénération des sols.

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Par ailleurs, dans les pays en développement, la mise en place de cultures à grande échelle avec de forts rendements comme celle du sorgho (cultivé depuis des millénaires) doit permettre, d’une part, de satisfaire en partie l’alimentation des hommes et du bétail et, d’autre part, de fabriquer du biogaz qui, une fois mis en bouteille, assurera l’énergie dans les foyers familiaux et l’éclairage, même une certaine autonomie pour les moteurs des tracteurs et des pompes. C’est un élément économique structurant fort et un moyen de lutter contre la déforestation tout en aidant au développement des populations rurales.

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Malheureusement, les catastrophes naturelles actuelles comme celle que vient de connaître le Japon montrent que notre activité économique, mondiale maintenant, est très fragile et que la production locale d’énergie renouvelable doit être fortement encouragée pour pallier d’éventuelles coupures d’approvisionnement. La production de biogaz est un des moyens qui doit être encouragé.
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En France, cela doit passer par une politique d’incitation économique, avec un prix d’achat du biogaz comparable à celui pratiqué en Allemagne, en Italie et dans les pays scandinaves, Cela relève d’une politique agricole et énergétique sans faux semblants comme la profession agricole le ressent actuellement. Aucun pays ne peut être exempté d’innover dans le domaine de la production d’énergie renouvelable.

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Pour l’intérêt des futures générations, nous devons être civiquement responsables.

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