Une interview exclusive de Brice Lalonde sur les négociations climat

En avant-première pour la nouvelle formule du site des JNE, voici une interview de Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique.

Cet entretien a été réalisé par Dominique Martin Ferrari de Gaia Network. Il sera publié dans un  » leaflet » de 14 pages de Cop à Cancun, qui sera inclus dans le coffret « Nuit du climat », en vente à partir du 23 septembre : 6 h d’archives et de débats et un inédit « Copenhague, un espoir déçu ».

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Brice Lalonde, vous avez été en tant qu’ambassadeur du climat pour la France, l’un des négociateurs de Copenhague. Quelle leçon peut-on tirer de son « échec » ?

Nous avons dû faire face à une mauvaise organisation, mais surtout, nous nous sommes heurtés à d’immenses problèmes impossibles à résoudre en une seule conférence. Par exemple, comment gérer la rareté écologique ? ou encore la gouvernance mondiale. L’ONU date de l’après guerre et son mode de fonctionnement n’est peut-être plus adapté. Enfin, il faut changer l’économie mondiale, apprendre à ne plus consommer de charbon ou de pétrole. Ce n’est pas une mince affaire ! On a présumé de nos forces, de nos moyens, du temps qu’il faut pour résoudre ces questions.

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A Copenhague, des décisions ont malgré tout été prises, comme celle d’attribuer un fonds de 100 milliards de dollars aux pays les plus démunis, et ce, en fonds additionnels ?

C’est l’objet d’intenses discussions autour de l’idée d’une fiscalité internationale. Taxes sur les transports maritimes et aériens ? Taxes sur les transactions financières  (proposition française), taxe carbone appliquée au niveau international ?
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En attendant, des initiatives s’organisent sur le terrain avec des financements précoces volontaires. La France a décidé d’affecter 20 % des financements précoces qu’elle met sur la table à la préservation des forêts tropicales. La négociation principale s’accompagne donc d’actions concrètes : on avance petit à petit, on montre que c’est possible. Chaque pays s’inscrit dans des partenariats comme celui que la France a annoncé au sommet de Nice avec le Kenya : équiper l’Afrique d’énergies renouvelables.

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Comment voyez-vous le sommet de Cancun au Mexique en décembre 2010 ?

J’espère qu’il confirmera l’accord de Copenhague et le complètera d’une série de décisions sur les forêts, la coopération technique, l’adaptation, le financement. Un accord sur les objectifs de réduction d’émissions interviendra en dernier.

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Comment capturer l’effort de réduction proposé par chaque pays à Copenhague dans un accord général ? Il faudra auparavant régler la question d’un système de mesures et de vérification des efforts. En définitive, tous les pays doivent « apprivoiser » leur avenir sans carbone. L’Europe pourra considérer de son côté l’idée de pousser à moins 30 % son effort de réduction.

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C’est le début d’une coopération de longue durée dont les outils sont à inventer En 1992 à Rio, nous étions dans un moment de grâce après la chute du mur de Berlin. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Tout est plus difficile.
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Et nous souffrons d’une situation inédite : il n’y a plus de pays leader, mais une coalition de réticences diverses dominée par un couple difficile à ébranler, les Etats-Unis et la Chine, qui ne paraissent guère désireux d’avancer, alors qu’ils représentent 40 % des émissions mondiales.

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Propos recueillis par Dominique Martin Ferrari
1er septembre 2010