Corinne Lepage, l’alouette démocratique

Devant l’Association des journalistes environnement (AJE), Corinne Lepage était ce matin 21 février « sur le gril » pendant deux heures, brillante, avec force propositions. Un programme sans doute trop complexe pour le temps accordé aux petits candidats.

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par Dominique Martin Ferrari *

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Corinne Lepage - photo Florence Faucompré

Toujours de bleu vêtue, la candidate est arrivée avec son fidèle Directeur de cabinet François Damerval.

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Selon la règle rappelée par Valery Laramée, président de l’AJE, elle avait cinq minutes pour se présenter : « qui êtes-vous, d’où venez-vous, où allez-vous ? ». Ce à quoi elle a d’abord répondu par une boutade : « je suis chez moi, je viens de chez moi et je retourne chez moi ».
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A suivi un long historique de son engagement et de ses actions, un bilan qui réaffirme résolument « son engagement dans l’environnement et contre la corruption ».

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Quelle différence alors avec Eva Joly ? 

Son programme est novateur. Autant le programme égréné par Eva Joly suit pas à pas la bible verte des années passées, autant le programme de Corinne Lepage, très politique (même si certains regrettent qu’il ne soit pas plus environnemental), écrit des solutions pour le monde de demain : « Je suis pragmatique, la seule chose qui m’intéresse c’est l’efficacité. Nous avons eu raison trop tôt et nous n’avons pas su donner envie. Je partage cette responsabilité politique…. Nous sommes dans un changement de monde. Nous ne somme plus dans un monde à aménager, mais dans un monde nouveau. La question est : comment s’y adapter ? Qu’est ce qu’on propose pour que cela marche ? » Et reprenant à son compte le questionnement de Jeremy Rifkin « comment entrons-nous dans la 3e révolution industrielle ? Comment passons nous à la société post-pétrolière et post-nucléaire ? Comment on la finance ? Comment prévient-on les dégâts ? »
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Quel programme ?

Il tient en 70 propositions. « Il y aurait pu y en avoir 90, mais il fallait faire des choix ». L’international par exemple a la part très maigre : « les Français s’en moquent » (ndlr : sauf quand les lois du FMI, de la Banque mondiale et des agences de notation leur tombent dessus !).

Voir ici les soixante dix propositions, en particulier le projet SOLEIL

avec un corrigendum

Le chiffrage est ici.

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Ce programme n’est pas un inventaire à la Prévert, mais une suite de moyens pour arriver à changer les choses sans toucher à la justice sociale :

–  Comment imposer les énergies renouvelables ?

Comment s’attaquer à la dette en verdissant la comptabilité ?

– Comment s’obliger à repenser la loi plutôt que de faire du raccommodage de l’existant ? « Toute loi votée doit aller de pair avec deux lois supprimées ».

– Comment engager la responsabilité des ordonnateurs et pas seulement celle des comptables ?

– Comment diminuer les dépenses ?  « En analysant grâce au rapport de la cour des comptes le zéro efficacité, en supprimant les doublons (Etat, région, département). Mais pas selon la règle de la suppression d’un fonctionnaire sur deux, sur la base de l’inutilité et du renforcement des zones fragiles : éducation, santé, justice.. » 

– Comment faire les bons choix de recherche et développement, en y associant le tissus PME et en focalisant sur l’entreprenariat. Valoriser de plus en plus l’économie circulaire comme le suggère le plan REDUCE européen. En matière de santé, « mettre l’enfant au début du système ».

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 Comment parvenir à ce beau programme ?

En changeant les rapports de force :

Renforcement du pouvoir associatif ; protection des lanceurs d’alerte ; renforcement du pouvoir économique pour les secteurs que nous voulons développer ; modification du droit des consommateurs avec mise en place de la class action ; changer le droit des clients par rapport aux banques. Mettre en place le Conseil des Générations Futures à la place du CESE et pour les grands dossiers passer par une série de referendums. « Ce sont des leviers qui existent sur le terrain, qu’il faut faire fonctionner. Il faut par exemple mieux utiliser la justice. Mon programme, c’est une succession de leviers. »
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Avec qui ?

« J’apprécie le fonctionnement du PE (Parlement européen) au consensus. Dans mon groupe, au centre, je suis très libre. Bien sûr il y a le cheval libéral, mais je suis l’alouette démocratique et je vote avec les Verts ou les socialistes européens sans que personne ne s’en froisse. Une telle liberté n’existe pas au Parlement français ». Tout en reconnaissant également, que le système parlementaire européen est à consolider, « on vote sur les boutons de guêtre, on est en action de législation constante, sans prise sur le grand débat et sans droit d’initiative ».
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Dans la campagne ?  « L’intérêt de mon positionnement ? je suis écolo, femme du centre, je n’enlève aucune voix à Eva Joly : je suis là où elle n’est pas, j’ajoute des voix à l’écologie. J’aimerais que nous retrouvions l’élan donné par Daniel Cohn-Bendit, mettre l’écologie au centre de l’échiquier… Le paysage politique français fait que je ne peux pas soutenir la droite, c’est mon seul choix possible. »

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* Membre des JNE et de l’AJE

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Cet article est également publié sur le site de l’AJE.

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Sur ce petit déjeuner avec Corinne Lepage, voir aussi ici l’article de Florence Faucompré.

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