L’année de la forêt, qui vient de s’achever, fut surtout celle de la déforestation. Mais comment concevoir une gestion forestière capable de produire du bois, mais de qualité, d’accueillir le public, mais avec des limites, et de protéger la nature, mais sans artifice ?
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par Jean-Claude Génot, écologue, membre des JNE
On peut se questionner sur la portée de ces années dédiées à des causes souvent perdues. 2010 fut l’année de la biodiversité, alors que la situation mondiale s’aggrave. L’année des forêts, en 2011, a eu pour contexte mondial la déforestation pour planter du soja ou des palmiers à huile, la transformation de forêts en plantation d’arbres OGM, la pression sur la ressource pour le bois énergie et des compagnies asiatiques qui lorgnent sur les forêts de Sibérie, tandis que chez nous le Grenelle de l’environnement nous conduit gentiment à la surexploitation pour le développement durable…
Il est intéressant de noter que de nombreux organismes ont accompagné l’année internationale des forêts d’un slogan, à savoir « des forêts pour les hommes ». Ce titre en dit long sur l’anthropocentrisme arrogant des hommes et notre incapacité à reconnaître également les forêts comme milieux de vie d’autres communautés vivantes que la nôtre. Le slogan éthiquement acceptable aurait dû être « des forêts pour les hommes et pour la nature ». Mais voilà, la forêt n’est vue que comme une pourvoyeuse de ressources et les autres espèces qui en dépendent n’ont qu’à bien se tenir et s’adapter ou disparaître, d’ailleurs n’est-ce pas la dure loi de la nature, comme le disent les néo-libéraux ? Cette vision utilitariste de la forêt peut certes conduire à de la mesure dans les prélèvements pour cause de gestion en bon père de famille. Mais l’absence de reconnaissance de l’autre, la nature non citée dans le slogan, n’incline pas à sa préservation.
Mais au fait, des forêts pour quoi faire ?
Un grenier à grumes pour les scieurs ? Un enclos de chasse pour les notables ? Un centre de loisirs pour les citadins stressés ? Un puits de carbone pour les technocrates de l’environnement ? Un jardin pour la biodiversité ? Seule une poignée de naturalistes revendique une forêt sauvage, libre et peu visitée, source d’émotions et de valeurs spirituelles*. Mais la forêt laissée à elle-même n’est manifestement pas d’actualité dans notre société obsédée par la rentabilité économique. Voyons, il faut être réaliste et laisser l’horrible zonage aux Américains, avec d’un côté des forêts naturelles dans les parcs nationaux et de l’autre des forêts rabotées par les compagnies « sylvo-minières ».
Chez nous, l’exception française a créé la forêt multifonctionnelle. C’est en fait un zonage déguisé, à savoir 98 % de forêt de production, 1 % de forêt d’accueil (les tables, parkings, bancs et autres équipements si « naturels ») et 1 % de forêt de protection (les réserves). Mais est-ce que l’on souhaite un autre zonage à l’échelle du pays avec d’une part, des champs d’arbres pour la production intensive sans trop se soucier des impacts sur la nature et, d’autre part, des forêts pour la détente, la chasse et la protection de la nature dans lesquelles la production n’est pas l’objectif principal, bref une sylviculture à deux vitesses ?
La gestion doit être multifonctionnelle quel que soit l’endroit, répètent en chœur les forestiers publics et certains gestionnaires privés. Il ne reste plus qu’à donner du contenu à ce qualificatif. Il faut donc essayer de concevoir une gestion forestière capable de produire du bois, mais de qualité, d’accueillir le public, mais avec des limites, et de protéger la nature, mais sans artifice.
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Il existe une sylviculture qui permet de prendre en compte ces trois aspects sans schizophrénie, elle est dite à couvert permanent et pratique la futaie irrégulière. Mais s’il apparaît difficile à certains d’appliquer une telle gestion, ce n’est pas tant pour des raisons techniques ou économiques que culturelles et psychologiques. Car cette gestion « douce » et globale demande un comportement éthique, à savoir moins maîtriser la forêt et plus s’insérer dans la dynamique naturelle. On retombe donc toujours sur la question de la confiance en la nature et plus encore sur l’amour de cette nature, l’amour vu comme Sylvain Tesson le définit : « Aimer, c’est reconnaître la valeur de ce que l’on ne pourra jamais connaître ».
* Forêts Sauvages est une association de loi 1901 née en 2005. Son objectif principal est la préservation des écosystèmes à fonctionnement naturel au travers des principaux objectifs suivants : protection de façon intégrale des surfaces forestières conséquentes par la maîtrise foncière , promotion de la naturalité à tous les niveaux et édition d’un périodique diffusé par voie électronique : Naturalité, la lettre de Forêts Sauvage.
Le site de Forêts sauvages, Fonds pour la naturalité des écosystèmes : www.forets-sauvages.fr