Franz Weber, le poète écolo

« Il faut croire en l’Humanité ». À 83 ans, Franz Weber n’a perdu ni la candeur ni l’optimisme qui l’ont animé toute sa vie.

Franz Weber en Finlande
Franz Weber en Finlande © Danièle Boone

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Élégamment et inébranlablement, ce grand enfant de Suisse poursuit d’un pas ferme le chemin qu’il se fixait il y a tant d’années : protéger la nature, sa féerie, ses richesses en réveillant la part d’innocence, d’humilité et de sagesse tapie au fond de chacun de nous.
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Une triste jeunesse dans un orphelinat de Bâle après la mort prématurée de sa mère, la haine du régime nazi grondant à la frontière toute proche, auraient pu étouffer sa flamme dès le plus jeune âge. Mais voilà ! Tandis que des tanks prêts à riposter à la menace allemande martelaient les rues de sa ville natale, le petit Franz cavalait en forêt, jouait avec les animaux rencontrés, puisant déjà dans la nature force et réconfort pour faire face aux épreuves et imaginer un monde meilleur. « J’étais émerveillé par la beauté, c’était mon échappatoire. Régulièrement, je me rendais aussi à la gare centrale pour demander aux conducteurs de trains de me décrire les paysages qu’ils avaient vus. Et je rêvais. »
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Cette même soif d’idéal le conduit en 1949 à abandonner le projet de carrière d’homme d’affaires à laquelle sa formation paraissait le destiner. Attiré par l’écriture, il songe à s’installer dans la ville intellectuelle de Munich. Mais la proximité du camp de concentration de Dachau l’en détourne. Admirant les Alliés, il choisit plutôt de se rendre à Pais avec le désir de s’épanouir à travers le journalisme et la poésie, « cette porte vers l’absolu ». Aspirations réalisées. Durant 25 ans, ce passionné d’art, de musique et de littérature rédige des contes, raconte la vie de la capitale française dans des journaux allemands et suisses, fonde la revue « la voix des poètes » avec Simone Chevallier, côtoie une pléiade de grands : Paul Fort, Jules Supervielle, Georges Duhamel, Jean Cocteau, François Mauriac, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan, Francis Carco, Eugène Ionesco, Charles Vildrac, Daniel-Rops, Jean Anouilh, Pierre Emmanuel mais aussi Maurice Chevalier, Michèle Morgan, Salvador Dali, Jean Gabin, Pablo Picasso, Farah Diba, Jacques Brel, Jane Fonda, Charles Aznavour…
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Son intérêt pour la culture n’exclut pas pour autant son amour de la nature. Au contraire ! En un temps où la défense de l’environnement est encore balbutiante, lui, en a déjà compris les enjeux et se mobilise. Lorsqu’il apprend en 1965 que le magnifique site de la Haute Engadine, chanté par Nietzsche, est menacé par des promoteurs immobiliers milanais, il signe dans Genossenschaft, le plus important hebdomadaire suisse de l’époque, un reportage proprement explosif, puis se lance dans une campagne internationale visant à démanteler le projet. Ses efforts payent : le gouvernement cantonal des Grisons finit par édicter une mesure de protection des lacs engadinois.
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Ainsi encouragé et appelé au secours des quatre coins de l’Europe puis du globe, il réitère, devenant l’empêcheur de tourner en rond. 1971 le voit intervenir dans les Alpilles pour empêcher les industriels de défigurer les Baux de Provence. En 1972, il part en croisade pour sauver du bétonnage le vignoble de Lavaux, en Suisse, et la ville d’Asolo, en Italie. En 1973, c’est la guerre contre une autoroute risquant de traverser les jardins de Lausanne-Ouchy… En 1974, débordé par son engagement écologique, il renonce au journalisme « normal » pour un journalisme « appliqué ». Il quitte Paris, s’établit à Montreux et crée l’année suivante, la « Fondation Franz Weber » dans laquelle il mettra son cœur, son âme et tous ses deniers.
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Dès lors, on le verra combattre sur tous les fronts : contre la chasse aux bébés phoques au Canada, la vivisection, le massacre héliporté de chevaux sauvages en Australie, aussi bien que pour la sauvegarde du site de Delphes, des rives du Lac Léman, des forêts sénégalaises, des éléphants togolais… Il est aussi à l’origine de la création à Genève de la Cour Internationale de Justice des Droits de l’Animal et, avec Denis de Rougemont, des Nations Unies des Animaux (United Animal Nations). Quelques actions parmi tant d’autres… Plus d’une centaine de campagnes à son actif, quasiment toutes couronnées de succès. Car Franz Weber a deux secrets : il sait les rouages de la presse et donc parler aux journalistes et, surtout, son charisme et sa sincérité ne peuvent que toucher ses interlocuteurs. Intègre dans sa démarche, il a pu entraîner l’adhésion de l’opinion publique et des dirigeants internationaux. Sa fondation compte aujourd’hui plus de 230 000 adhérents.
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Évidemment, il ne s’est pas fait que des amis… Si aller à l’encontre d’intérêts financiers où des milliards sont en jeu était chose aisée, ça se saurait. Mais ni les diffamations, ni les aspersions de purin, ni les effractions de son domicile, ni les arrestations abusives, ni les menaces de mort de la mafia n’ont eu raison de sa ténacité. « Cela n’a fait que me renforcer».

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Aujourd’hui donc, plus résolu que jamais, Franz continue de marcher. Avec sa femme et sa fille Véra, prête à reprendre le flambeau, à ses côtés. Défenseur acharné de la nature, il a su garder la sienne intacte. C’est toujours la fleur au fusil qu’il se bat. Guerrier de la paix convaincu que « malgré les horreurs du monde et l’imbécilité des hommes, la beauté et la bonté l’emporteront sur le mal ». Et prophète d’annoncer : « Le prochain siècle sera celui de la lumière. La science est en train de se spiritualiser et, grâce à ces études, nous trouverons un jour les clés de la vie, du respect de nos semblables et des autres créatures. Cela favorisera de nouvelles prises de conscience. L’Humanité se libérera alors de ses entraves, se réconciliera avec elle-même et avec la nature. Vous allez voir… ». Verrons-nous ? Que l’on ait foi ou non dans la providence, rien ne se fera sans nous. Le parcours exemplaire de Franz Weber en est témoin.
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Marie-Sophie Bazin

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Plus d’infos ici sur le site de la Fondation Franz Weber.
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A lire :
Des montagnes à soulever, Autobiographie. Ed. Jean-Jacques Pauvert, 1976
Franz Weber. L’homme aux victoires de l’impossible, biographie par René Langel. Ed. Pierre Marcel Favre, Lausanne, 2009
Entre chien et loup, 28 contes entre rêve et réalité. Ed. Xenia, 2010

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