Le petit déjeuner des JNE avec Brice Lalonde : compte-rendu détaillé

De passage à Paris, Brice Lalonde, coordonnateur de la Conférence Rio+20 aux côtés de Liz Thompson, est venu rencontrer les JNE. Objectifs : faire le point des avancées sur fond de crise et rappeler à nos médias que la valse de la planète ne s’arrêtera pas avec la présidentielle française…

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par Marie Hellouin

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Brice Lalonde - Photo Paulo Filgueiras

 

« Rio + 20 n’est pas 1992 + 20. C’est 2012 + 20 », martèle d’emblée notre ancien ministre, comme il l’avait fait lors de la Conférence du Comité 21 le 4 juillet dernier. En perspective d’ici 2035, l’arrivée d’1 milliard d’habitants supplémentaires sur notre planète.

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Pour lui, cette conférence sera essentiellement portée par les pays émergents et par l’Europe, dans la limite de ses difficultés internes. Ainsi qu’il l’avait souligné en juillet, les 27 Etats membres s’exprimeront via l’Europe, alors sous présidence danoise. Pour sa part, la France sera mobilisée par les élections puisque la Conférence se tiendra entre les 2 tours des législatives. Notre pays finance néanmoins une équipe pilotée par deux ambassadeurs : Serge Lepeltier, concernant la Convention Climat, Jean Pierre Thébault au nom des ministères des Affaires étrangères et de l’Ecologie.

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De leur côté, les USA n’accepteront aucune décision contraignante car d’ici la prochaine législature, tout engagement du Président Obama serait immédiatement contré par le Congrès, en majorité républicain.

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« L’objectif de Rio 92, c’était l’Agenda 21 pour le développement durable. Le sommet intervenait peu après la chute du mur de Berlin. Tous les chefs d’Etat y ont participé en présence du Commandant Cousteau », rappelle Brice Lalonde. Aujourd’hui, le contexte a changé.

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L’objectif Rio + 20 sera le développement, point. Le budget des Nations-Unies est en berne. Comment assurer le nécessaire aux plus démunis quand les caisses sont vides? Les pauvres de la planète sont « très remontés contre l’écologie », considérée, au mieux comme un luxe de riche, au pire comme un alibi protectionniste.

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Souhaitable, certes, le verdissement de l’économie reste conditionné à la justice sociale élevée au sommet des priorités. Base des revendications : un filet de sécurité pour tous, l’égalité des sexes et l’autonomie des femmes défendu par l’entité ONU femmes et l’emploi des jeunes (rappel : déjà 50 % de moins de 30 ans de la population mondiale).

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Du côté de l’agenda, la négociation intergouvernementale a commencé. Les soumissions arrivent à un rythme soutenu. Nationales, institutionnelles ou civiles, toutes les contributions doivent être transmises au Secrétariat de la Conférence avant le 1er novembre. Les coordonnateurs en extrairont un « zéro draft », avant-projet des déclarations finales, qui sera présenté en janvier 2012 pour amendement et finalisation fin mai.

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La Conférence se déroulera du 4 au 6 juin. Elle sera précédée de « 4 jours d’effervescence », où la société civile est invitée à s’exprimer sans modération.

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D’ores et déjà, le document final est balisé. Il reprendra les principes de 1992. Certains voudraient même introduire « un cliquet de non retour » pour prévenir un blocage en cas de contestation des acquis.

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De son côté, le Secrétaire général des Nations Unies veut faire le point des « Objectifs du millénaire pour le développement » qui devaient être évalués en 2015. C’est là que le développement durable pourrait refaire surface. En premier lieu, Ban Ki Moon veut obtenir à l’horizon 2030 le droit à l’électricité pour tous, en majorité d’origine renouvelable, avec une amélioration de 40 % de l’efficacité énergétique.

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La sécurité alimentaire vient à égalité sous la forme du nexus (nœud) eau-énergie-nourriture.

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Viennent ensuite l’urbanisation, priorité des Brésiliens, la protection des océans, la réponse aux catastrophes naturelles et/ou technologiques.

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Les uns voudraient déboucher sur une feuille de route, d’autres se contenteraient de simples pistes (pass way dans le vocabulaire onusien). Le débat est en cours.

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Faut-il rémunérer les services de la nature ? La question a émergé. Certains pays ont construit sans attendre une économie homme-nature à bénéfice mutuel. C’est le cas du Costa Rica avec la biodiversité ou de Singapour dans la gestion de l’eau. Leurs expériences ne sont pas forcément adaptables à tous.

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Pour inciter les autres, Brice Lalonde croit beaucoup aux plateformes collaboratives liant les différents acteurs, partenariats publics/privés face aux donateurs, y compris les bilatéraux et les investisseurs de long terme comme les fonds de pension.  « Ce chapitre est fondamental sous peine de décourager les pauvres », insiste-t-il. Quant à la taxe sur les transactions financières, il y a fort à craindre qu’elle soit finalement votée pour renflouer les caisses des Etats les plus avancés au lieu de financer le développement des pays pauvres !

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Pause café pour l’orateur et salve de questions/réponses dont voici quelques « bâtons rompus » .

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Le projet d’OME (Organisation Mondiale de l’Environnement) proposé par la France a-t-il une chance d’aboutir ?

Réponse : ce projet reçoit des soutiens, mais il supposerait une réforme complète des institutions onsiennes étant donné la dispersion des officines liées à l’environnement : le PNUE à Nairobi, la FAO à Rome, l’Unesco à Paris, la Convention Climat à Bonn, la CBD à Montréal, etc. Chacune travaille pour sa paroisse sans se soucier des autres (parfois même en concurrence !). Au plan de la gouvernance, la situation n’est pas plus claire. L’Assemblée générale des Nations Unies n’est qu’une chambre d’enregistrement des politiques de 192 Etats. Elle n’a pas de pouvoir et dans tous les cas, ecomme le souligne Brice Lalonde, « une somme d’intérêt nationaux ne fait pas l’intérêt de la planète ». Le Conseil de sécurité a le pouvoir, mais pas l’argent. La Banque mondiale a l’argent, mais ne peut pas veiller à la cohérence des programmes. A défaut d’OME, un Conseil du Développement durable pourrait en être chargé. Un groupe de haut niveau sur la durabilité est également à l’étude.

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La lutte contre la corruption sera-t-elle abordée ?

Réponse : un groupe de travail pourrait être créé.

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Quelle place tiendra la politique familiale ?

Réponse : le contrôle des naissances se heurte de plus en plus aux fondamentalismes de tous bords.

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Le G20 pourrait-il se substituer à l’ONU ?

Réponse : non, le G20 s’occupe des finances.

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Le Brésil peut-il accueillir ce Sommet avec la vague de corruption et la nouvelle Loi forestière qui mine son gouvernement ?

Réponse : « no comment », le coordonnateur est tenu au devoir de réserve. Il rappelle que c’était le voeu du Président Lula. Pour lui, délocaliser la Conférence semble peu vraisemblable.

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Où en sont les projets de la société civile ?

Au plan international, les entreprises et les municipalités sont les plus avancées.

Le Global compact organise une foire des technologies (rien pour nous surprendre !). Il fera des propositions pour améliorer la gouvernance des entreprises, dont un cahier des charges commun à toutes pour unifier les rapports de RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises).

Dans le même esprit, les villes présenteront « la Mairie Globale »…

En guise d’appréciation, Lalonde nous livre ce descriptif du monde selon Pascal Lamy  « Le local est solide, l’Union Européenne liquide et l’ONU gazeuse ! ».

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La Conférence sera-t-elle relayée par internet ?

Réponse : la décision n’est pas tranchée. Certains pays y sont favorables, notamment les Etats-Unis. D’autres s’y opposent en raison de la fracture numérique.

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Quelles perspectives pour l’économie et la croissance verte ?

Cette question est revenue à différents stades et les réponses étaient éparpillées.

La Chine multiplie les déclarations, mais refuse toute contrainte.

L’OCDE, la Banque Mondiale, le PNUE ont chacune produit leur rapport sur la croissance verte. La recherche agronomique progresse sur la voie d’une agriculture écologique intensive pour l’alimentation et la chimie verte. En dépit des frémissements de l’auditoire, notre invité considère qu’au Brésil, l’agro-industrie de la canne à sucre est un véritable succès. Pour lui, ces voies nous ouvrent beaucoup de possibilités, mais elles se heurtent aux multinationales des industries pétrolières qui veulent « garder la main ».

 

Voir ici un autre éclairage sur ce petit déjeuner.

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