Depuis un peu plus de cinq ans, le média indépendant dolois (39) Libres Commères publie chaque mois un journal papier et alimente son site internet de nombreuses chroniques et pamphlets. Pour la 264e émission des Autres Voix de la Presse, nous avons donné la parole à Christophe Martin, un de ses principaux animateurs.
par Jocelyn Peyret
A l’origine du journal, Lucien Puget, un ancien mineur qui avait participé au mouvement des Gilets Jaunes. A la fin du mouvement, il se demandait ce qu’il serait possible de mettre en place pour continuer la lutte. « On sentait que le mouvement allait retomber et qu’on allait retourner finalement dans notre routine habituelle. Lucien, qui est informaticien, a créé un site et avec Baptiste, un des fondateurs, ils m’ont sollicité pour écrire dans le journal. »
Christophe, correspondant local pour le quotidien régional Le Progrès, était réticent. Il se demandait « où on pouvait aller avec un site qui n’avait pas encore de nom ». Il a néanmoins accepté de rédiger de courtes chroniques mensuelles avant de se retrouver pris dans l’engrenage en décembre 2019 dès la publication de sa première contribution.
« Un jeune, Eli, qui était de la partie, proposa « Libres Commères » comme nom du journal en référence à une statue présente sur la place aux Fleurs à Dole. On a commencé à écrire un peu chacun de notre côté uniquement pour le site au démarrage, la première édition papier paraissant en mars 2020. »
A ses débuts, le journal n’avait pas vocation à avoir une ligne éditoriale. « C’est quelque chose qui n’est peut-être pas toujours facile à expliquer. Cela ne veut pas dire que l’on prend le tout venant, mais l’idée c’était de faire participer les Dolois. Issus du mouvement des Gilets jaunes, on savait qu’un certain nombre de gens avaient beaucoup de choses à dire, mais n’étaient pas toujours capables de prendre la plume. Notre idée, c’était d’être porteurs de ce message et d’aider les gens à rédiger. »
De quatre pages, le journal est rapidement passé à huit. « Cela peut paraître peu et beaucoup. Ça peut se remplir très très vite, auquel cas il faut faire des choix, mais on peut aussi avoir des mois où peu de gens ont des choses à proposer parce que honnêtement on n’a pas de réunion de rédaction pour dire : bon toi, tu travailles là dessus. C’est vraiment quand les gens le sentent sans aucune pression de notre part. Il y a des moments de creux et c’est là que le vieux briscard que je suis, parce que non seulement je suis formateur, mais je suis également pigiste, je peux produire pas mal d’écrits. J’ai toujours des articles en réserve. Quoiqu’il en soit, dans « Libres Commères », on n’est pas tout à fait dans le journalisme, les gens écrivent plutôt du ressenti, on n’a pas vocation à sortir des scoops. Je ne dis pas qu’on en a pas eu quelques fois mais c’est pas le côté le plus fréquent. »
Libres Commères est en effet plus un journal d’expression libre qui n’a pas prétention à produire de longues enquêtes. « Cela demande beaucoup de métiers d’une part et, d’autre part, il y a un risque politique. »
Aujourd’hui, Lucien et Eli ont pris de la distance et Christophe se retrouve avec « le bébé sur les bras ». Involontairement, il est devenu le rédacteur en cher alors qu’il n’était rentré dans l’équipe « pour être chroniqueur. Lucien s’occupe encore de la partie informatique, et j’essaye d’animer et de relancer des gens qui m’entourent qui maintenant collaborent régulièrement. On a une dizaine de personnes qui écrivent régulièrement pour nous, pas forcément chaque mois mais qui trouvent doucement leur place. On a un philosophe marxiste de service, des gens qui sont un petit peu plus spécialisés sur les affaires locales à l’instar d’élus de l’opposition. »
A Dole, c’est la droite qui est au pouvoir, « avec une mainmise sur tout ce qui peut se faire sur la vie en général. On peut obtenir quelquefois des informations, mais sous couvert d’anonymat. C’est pour ça qu’on se lance rarement dans les grandes enquêtes, parce qu’on n’a pas les reins pour résister à une attaque, on craint toujours le judiciaire. On peut lancer quelques pics même, mais ça s’arrête là. Notre journal a le mérite d’exister, mais on n’est pas « le Canard Enchaîné » avec des scoops à longueur de temps. Après, nous avons une diffusion assez limitée puisqu’on a 100 exemplaires papier, pas toujours facile à écouler. On a un problème de dépositaires, seulement deux endroits en ville où on peut se procurer effectivement le journal. Il y a le site bien sûr libre, mais je pense que le problème de toute la presse indépendante, c’est faire venir les gens sur le site sans passer par les réseaux sociaux. On utilise Facebook, mais j’aimerais bien pouvoir l’éviter. Mais fidéliser le lectorat, c’est très très très compliqué. »
Pour cela, les articles imprimés ne sont pas accessibles sur le site tout de suite, « on laisse quinze jours trois semaines avant de les publier sur le site. On ajoute quelques liens éventuellement de façon à étayer les sources. »
Il n’y a pas d’abonnement à la version papier, on peut la trouver uniquement sur Dole. Il est par contre possible de s’abonner à la lettre d’information qui est envoyée tous les quinze jours avec une sélection de textes. Christophe recommande de s’y abonner : « ça permet d’avoir au moins les titres et un résumé rapide. »
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