L’engagement écologiste du mathématicien Alexandre Grothendieck à l’honneur dans un colloque à la BnF

Le colloque consacré à Alexandre Grothendieck, organisé le 22 janvier dernier  à la Bibliothèque nationale de France (BnF) par la Société mathématique de France (SMF), a réservé une large  place à l’engagement écologiste de cet illustre mathématicien.

par Laurent Samuel

Cette journée avait été précédée la veille par la projection à la BnF de deux films – Bugey Cobayes du groupe Vidéo 00 sur la manifestation antinucléaire du 10 juillet 1971 qui contient la seule interview filmée d’Alexandre Grothendieck (ainsi qu’un rare entretien avec Pierre Fournier de Charlie Hebdo, adhérent de l’AJEPNE, aujourd’hui JNE) et L’Espace d’un homme, documentaire d’Hervé Nisic sur Alexandre Grothendieck.

Après un mot de bienvenue de Gilles Pecout, président de la BnF, la sociologue Céline Pessis, auteure du livre Survivre et vivre, Critique de la science, naissance de l’écologie (éditions l’Echappée), a raconté de manière très vivante la création de ce mouvement par Alexandre Grothendieck lors d’un congrès de mathématiques à Montréal en juin 1970, puis en France le mois suivant avec deux de ses collègues, Pierre Samuel (père de l’auteur de ces lignes, ancien président des Amis de la Terre et membre des JNE) et Claude Chevalley (membre dans les années 1930 du mouvement l’Ordre nouveau aux côtés de personnalités comme Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou Denis de Rougemont).

Conçu au départ comme un groupe de lanceurs d’alerte scientifiques (mais pas seulement, Grothendieck insiste d’emblée sur son caractère « interprofessionnel ») sur les périls écologiques et nucléaires, Survivre est rapidement devenu un mouvement écologiste plus « généraliste », adoptant en 1971 le nom de Survivre et Vivre pour ne plus être taxé de « catastrophisme «. Survivre est porté par un journal qui tire jusqu’à 10 000 exemplaires (pionnier de la presse écologiste avec la Baleine des Amis de la Terre lancé en 1970, avant la création de la Gueule Ouverte par Pierre Fournier en 1972 et du Sauvage par Alain Hervé, autre membre des JNE, en 1973). Mais les divergences entre scientifiques critiques, libertaires, antimilitaristes, gauchistes et autres adeptes de la vie en communauté entraînent bientôt un éclatement du mouvement, que Grothendieck quitte en 1973 et qui s’auto-dissout en 1975.

Cette conférence passionnante de Céline Pessis a été suivie par la projection d’extraits des deux films précités, avec une nouvelle interview exclusive de Gordon Edwards qui avait participé à la création de Survival en juin 1970 au Canada.

Après la pause déjeuner, les mathématiciens Sébastien Maronne et Jean Malgoire nous ont livré des exposés très documentés et jamais ennuyeux sur l’oeuvre mathématique d’Alexandre Grothendieck. La comédienne Anouk Grinberg a ensuite lu avec grand talent et émotion des extraits du livre d’Alexandre Grothendieck Récoltes et Semailles, avant que la mathématicienne Leila Schneps ne nous livre en conclusion de ce colloque un riche exposé sur le concept du mal dans l’oeuvre de Grothendieck.

Bravo et merci à la BnF et à la SMF pour l’organisation de ce colloque.