Bilan de la COP29 : à peine un quart des besoins couverts

 

 

 

par Anne Henry-Castelbou

 

Les 198 pays et l’ UE ont trouvé un accord à l’arraché le 24 novembre 2024, avec 44 heures de retard, pour accompagner les pays vulnérables dans l’action climatique. Si le montant de l’aide déçoit, cette COP a néanmoins permis de renouveler le soutien aux plus faibles, dans un contexte géopolitique très tendu.

Trois cent milliards de dollars par an, voici le montant de l’enveloppe qui doit être alimentée d’ici 2035 par les pays développés (selon les critères de l’OCDE définis en 2009), pour financer la transition et l’adaptation des pays en voie de développement. Ce nouvel Objectif collectif quantifié (NCQG) était le coeur des négociations entre le 11 et 24 novembre derniers. Un montant qui a triplé par rapport à la première mouture de 2009, mais insuffisant aujourd’hui au regard des besoins qui se chiffrent à 1300 milliards de dollars par an. Pour le Réseau Action Climat, « c’est une trahison pour les populations vulnérables et les générations futures. Après 3 ans de discussions techniques, les pays les plus responsables n’ont pas su, ni voulu prévoir en amont des sources de financements qui permettaient de répondre aux réels besoins ».

Des manifestants lors de la COP29 à Bakou © COP29

Défiance Nord-Sud

Espérons maintenant que l’enveloppe sera constituée plus rapidement que la précédente (13 ans pour atteindre les 100 milliards de dollars annuels en 2022), et que l’argent sera redistribué efficacement (mais quid du bilan du fonctionnement du précédent fonds ?). Mais ce compromis au rabais a renforcé la défiance des pays du Sud à l’égard de ceux du Nord ; une défiance qui monte de COP en COP. Pour Sarah Cleaver, chargée de campagne climat chez Greenpeace France, « les gouvernements des Etats du Nord choquent par leur posture néocolonialiste. En prétextant des contraintes budgétaires sans bouger le petit doigt pour mettre à contribution les profits indécents des compagnies pétrolières et gazières, ces gouvernements font preuve d’un mépris insupportable : ils préfèrent préserver des intérêts privés, quitte à mettre en danger la vie des populations du Sud ».

A la COP29 de Bakou, mobilisation des peuples autochtones © COP29

Pas de nouveaux contributeurs

Les pays développés ont tenté d’élargir la base des contributeurs à cette enveloppe annuelle, en faisant appel notamment aux grande puissances comme la Chine, l’Inde ou les pays du Golfe, mais en vain. L’UE a en effet pâti durant ces négociations du faible soutien américain, et ce à quelque semaines de la prise de pouvoir par Donald Trump, figure emblématique des climatosceptiques. A la clôture de l’évènement, les leaders des pays en développement repartent juste avec un appel à apporter des contributions volontaires, par la coopération Sud-Sud. La COP30 à Belém au Brésil aura en charge d’évaluer les progrès vers l’objectif du 1,3 milliard de dollars annuels, avec des rapports en 2026 et 2027. La décision de Bakou sur ce NCQG sera réexaminée en 2030.

Evolution du système financier mondial

La communauté internationale peut tabler aussi sur une légère inflexion de la position financière du G20, qui s’est tenu au Brésil en même temps que la COP29.  Ses membres, qui représentent 85 % du PIB mondial, sont prêts à adapter le système financier mondial pour le flécher davantage vers l’aide aux pays les plus vulnérables en matière d’action climatique. Les pays pollueurs devraient être également davantage taxés. Mais pour l’Iddri (Institut du développement durable), « la COP29 a mis en évidence les lacunes des pays du G20 en matière de leadership climatique ».

Sortie des énergies fossiles retardée
Si la négociation sur l’enveloppe des 300 milliards de dollars illustre la stratégie des petits pas, celle sur la stratégie de l’atténuation est quant à elle au point mort. Certains pays producteurs de pétrole comme l’Arabie Saoudite ont bloqué les progrès sur les textes de la COP28, qui appelaient de leurs voeux à une sortie des énergies fossiles. Tout repose maintenant sur les ambitions nationales de chaque pays dans ce domaine, via les plans climatiques (NDC) qui doivent être présentés en février 2025. Chacun doit annoncer ses efforts en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine énergétique. Notons enfin un accord sur les marchés carbone (articles 6.4 et 6.2), bien que certains spécialistes doutent de son efficacité en raison de son opacité.

Forte pression des pays du Golfe lors de la COP29 à Bakou © COP29

Pression des économies fossiles

Une fois de plus, la COP a pâti d’être organisée dans un pays producteur de pétrole comme l’Azerbaïdjan. Le pays avait été choisi par les membres de l’ONU avant la guerre en Ukraine. L’UE (qui préférait Sofia en Bulgarie) avait alors cédé à la pression de la Russie en pleine période de rapprochement. On a compté durant cette quinzaine 1800 représentants du secteur fossile, contre 450 ONG écologistes. Les observateurs sur place ont senti une forte pression des économies centrées sur les énergies fossiles pour fragmenter la mobilisation mondiale en faveur de l’action climatique.

Bertrand Piccard présente son avion à hydrogène à Bakou lors de la COP29 © Solar Impulse

Temps des solutions

En-dehors des négociations climatiques, la COP est aussi un espace où se rencontrent élus, associations, entreprises pour partager des expériences et des outils pour lutter contre le changement climatique. Le Suisse Bertrand Piccard avait notamment fait le déplacement pour présenter son nouveau projet d’avion à hydrogène liquide, en construction en France, et de nouveaux outils de financement développés par sa Fondation Solar Impulse avec la Banque européenne d’investissements : « il s’agit d’aider les PME en Europe en leur fournissant les outils nécessaires pour décarboner leurs activités en acquérant des solutions technologiques propres sans avoir à assumer le coût total de la propriété ». A noter une tendance de fond : le monde investit aujourd’hui deux fois plus dans les énergies propres que dans les énergies fossiles.

COP30

Le président Lula souhaite faire l’année prochaine de la COP30 au Brésil, la « COP du tournant ». Un projet ambitieux eu égard aux incertitudes qui pèsent sur la sortie ou non des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, mais aussi de la Convention Cadres des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), avec un risque de contagion. Et espérons que le choix du pays hôte pour la COP31 (Australie ou Turquie) sera le fruit des réflexions au regard des précédentes expériences de réunions onusiennes dans des pays producteurs de pétrole aux régimes autoritaires.

Lien de mon interview sur RCF avec Bertrand Piccard depuis Bakou : https://www.rcf.fr/articles/ecologie-et-solidarite/cop29-des-solutions-audela-des-negociation-etatiques

Photo du haut : des chefs d’Etat le 12 décembre 2024 à Bakou pour la COP29 © COP29