Créé en ligne en 2017, Dijoncter est un média indépendant local dijonnais qui publie une version papier annuelle. Nous profitons de notre rencontre avec Camille (1), pour proposer une histoire incomplète de la presse dijonnaise.
par Jocelyn Peyret
Dans les années 1970, la France est submergée de journaux indépendants. Dijon est alors chatouillée par La Côte d’Alerte, un irrégulomadaire satirique qui existera le temps d’une quinzaine de numéros de 1972 à 1975. Hors quelques obscures tentatives (2), il faudra attendre le mois de novembre 2006 avant que n’émerge un autre titre : Blabla. D’obédience libertaire, il sera suivi par la création du premier site d’information en ligne dijonnais : Brassica Nigra, ou « moutarde noire ». Ce « site contributif et dissident », proche d’Indymedia (3), est une « plateforme de publication ouverte à diverses expressions dissidentes, paroles en lutte, récits d’actions, d’initiatives, rédigés directement par les parties prenantes des évènements évoqués. Privilégiant ce qu’on ne lit pas ailleurs dans l’optique de créer un contre-pouvoir médiatique. La modération se fera d’après des critères politiques : pas de contenus à visées électoralistes, à but lucratif, à connotation sexiste, raciste, homophobe ou autrement discriminatoire, ou plus largement de défenses des politiques antisociales en vigueur ».
Quant à Blabla, journal à prix libre, « sans code barre, sans rédacteur en chef et sans pitié », il se définit comme une « parution apériodique dijonnaise offensive d’informations locales et globales ». De 2011 à 2013, ils partageront un bout d’actualité avec La mère en gueule, le « journal d’expression libre de la Bourgogne », qui souhaitait « amener les gens à agir, à donner leur avis sur des sujets, des faits, des projets qui les concernent. […] « La Mère en Gueule » préfère l’information à la communication, la satire à la prudence, l’indépendance au léchage de bottes des élites politiques et économiques locales ».
Après leur disparition (4) il faudra patienter jusqu’en avril 2018 avant que ne survienne Dijoncter, un « site coopératif d’informations locales animé par un collectif de militant-es bénévoles ». Membre du Réseau Mutu (5), Dijoncter se définit comme un site participatif qui a « besoin de toutes celles et ceux qui sont en lutte pour devenir un relais, un outil d’organisation et de réflexion collective ! » Mutualiste et composé de bénévoles, il « fonctionne avec des tours de modération. Il y a une ou deux personnes par semaine qui sont aussi épaulées par tout le reste de l’équipe. C’est effectivement une charge importante. »
Camille précise que la volonté de créer un média est née en 2017 « pendant un mouvement social assez important dans les facs, les gares et une période d’expulsion à Notre-Dame des Landes. Il y avait un besoin de site internet qui permette de soutenir les luttes sociales, syndicales, écologistes, féministes, antiracistes et j’en passe, en gardant une ligne anti-capitaliste et anti-autoritaire ».
A partir de 2018, la version imprimée de Dijoncter prolongera « une des ambitions du site qui était de sortir un peu des défauts qu’avait jusque-là la communication des luttes à Dijon, c’est-à-dire de passer par les réseaux sociaux qui, en plus de ne pas nous laisser la main sur ces outils qui sont possédés par des milliardaires, ont le défaut de constamment écraser le fil d’actualité et de n’avoir aucune mémoire. Il y avait donc cette ambition, et dans le site et dans la version papier, d’avoir une archive des luttes ».
Le premier numéro couvrira la période d’avril 2018 à avril 2019 et reprendra des articles publiés dans l’année. « C’était une année avec une actualité très chaude puisque il y avait eu les Gilets jaunes. C’est le dossier principal, mais il y a aussi d’autres événements comme la lutte autour d’un squat de migrants, une lutte anti-fasciste contre l’organisation d’une rencontre du Bastion social et la venue de Génération identitaire à Dijon. Et puis aussi des interviews de collectifs, de lutte écologistes, d’un collectif queer, etc. »
A partir du n°5, il y aura la volonté de proposer « quelque chose qui se détache de l’année passée pour être plus dans l’actualité. Au centre de ce numéro, le grand mouvement qui a eut lieu au printemps 2023. Nous étions en plein dans les manifs, au moment du 49-3 et tout. Il y a aussi des articles sur les luttes féministes, sur l’urbanisme, sur les territoires en lutte, sur l’anti-fascisme, et sur la surveillance des lieux de lutte à Dijon ».
Mais c’est le n°66, paru en mai 2024, qui confirme la mue de Dijoncter papier avec moins d’articles et plusieurs interviews. « Une de PDA (7) qui est une association de travailleurs et de travailleuses du sexe basée à Besançon (Doubs). Une autre du collectif Anti-CRA (Centre de Rétention Administrative) de Dijon qui s’est monté l’année dernière, article qui revient sur toutes les luttes des personnes exilées. Il y a un CRA qui doit être construit dans la métropole dijonnaise… qui ne le sera pas puisqu’il y a une lutte qui va gagner ! Et puis il y a aussi des tutos, des jeux, et même des recettes. Enfin, voilà, on a encore fait évoluer la formule. »
Pour aller plus loin
Dijoncter
Les Autres Voix de la Presse
(1) Prénom d’emprunt, membre de Dijoncter depuis sa création – Interview complète ici
(2) Pour nos archives, nous recherchons des exemplaires du journal La Côte d’Alerte, de Blabla et de tout titre de presse de contre-information locale.
(3) https://nantes.indymedia.org/posts/13554/ouverture-dun-site-dinfo-contributif-et-dissident-a-dijon-brassicanigra-org/
(4) Blabla disparaît courant 2012.
(5) https://reseaumutu.info/Presentation-du-reseau-Mutu-001)
(6) De la couverture duquel disparaît la mention « un an de lutte à Dijon ».
(7) Putains dans l’âme