Nous sommes tous Paul Watson 

 

 

 

par Allain Bougrain Dubourg *

 
 

Avec sa tête d’ange et son sourire toujours prêt à se dessiner, Paul Watson cache une incroyable puissance. Il incarne non seulement la force tranquille, mais surtout la détermination tranquille. Ne jamais rien lâcher ! Voilà près d’un demi-siècle que nous nous sommes rencontrés sur la banquise veinée du sang des blanchons, les bébés phoques à côté de Terre Neuve. Il plantait les racines de Greenpeace, avant de s’en éloigner plus tard, car l’ONG élargissait trop son champ d’action. Le nucléaire effaçait les mammifères marins agonisants. Inébranlable, Paul Watson a choisi son combat qu’il assume encore avec fidélité. Il y a tant à faire !

En 1982, la Commission Baleinière Internationale décrétait un moratoire sur la chasse commerciale à la baleine. Quatre ans plus tard, il entrait en vigueur. Mais le peuple de la mer n’a rien d’un phénix, il lui faut du temps pour espérer la résilience. L’interdiction de la chasse à la baleine bleue, le plus grand animal de la planète, a été actée en 1960 après l’abattage de 330 000 victimes. Aujourd’hui, il en resterait 1 700 au maximum. Lors du rassemblement qui s’est tenu le 4 septembre dernier, place de la République, en faveur de Paul Watson, une litanie de chiffres tout aussi effrayants a été égrainée par les intervenants pour souligner la juste cause.

Pendant longtemps, les bateaux de Sea Shepherd ont croisé dans les eaux antarctiques. La France n’a pas démérité. Très présente dans ces territoires de l’extrême, elle a toujours été attentive à la protection de l’Antarctique. Il était logique que les chemins se croisent avec Paul Watson. Durant la période 2009-2019, le Japon faisait pression pour que la flotte de Sea Shepherd quitte les lieux. La France a apporté son soutien. De même, j’étais intervenu pour que les TAAF ravitaillent le bateau de Paul. Ce fut fait. Grâce aux bases scientifiques, la solidarité s’est affirmée. En retour, la France a mesuré l’aide que Paul Watson pouvait apporter. Impossible de surveiller l’immensité des mers antarctiques qui se comptent en plusieurs dizaines de millions de km². L’équipe de Sea Shepherd se positionnait en donneuse d’alerte, singulièrement à l’égard des navires pêchant illégalement. La pêche à la légine, une espèce vivant proche du fond, développe des lignes atteignant les 40 km avec des hameçons tous les 1 m 50. Paul Watson a contribué à en réduire les effets dévastateurs. Mais la pêche illégale reste un fléau dans cette zone.

Taxé trop souvent d’écoterroriste, Paul Watson a, en réalité, travaillé de concert avec de nombreuses nations, faisant de la préservation de la vie marine une priorité. Mieux, il collaborera étroitement avec Interpol lorsqu’il fallut traquer le Thunder, un navire de pêche illégal battant pavillon nigérian, depuis l’Antarctique jusqu’en Afrique de l’Ouest. Cent dix jours de poursuite ! Admettons le paradoxe quand on sait la situation inacceptable d’aujourd’hui.

Plus de 500 000 personnes ont signé une pétition initiée par Hugo Clément en faveur de Paul Watson. Tandis que de nombreuses personnalités ont affiché leur solidarité, le président Emmanuel Macron est également intervenu auprès du gouverneur danois en demandant sa libération. L’idée d’extradition vers le Japon semble désormais repoussée, mais Paul Watson reste incarcéré dans le centre pénitentiaire de Nuuk jusqu’au 2 octobre, date d’une nouvelle audience qui décidera de son avenir. En attendant, l’affaire révèle une ferveur internationale à l’égard de Paul Watson.

L’ « écoterroriste » n’est plus seulement indispensable pour la cause qu’il défend, mais pour le modèle qu’il nous offre.

* Journaliste, auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, producteur, réalisateur, président de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux), Allain Bougrain Dubourg est un membre de la première heure des JNE.

Photo : l’arrestation de Paul Watson au Groenland par la police danoise le dimanche 21 juillet suite à un mandat d’arrêt international émis par le Japon © Sea Shepherd