Quels choix pour l’écologie ? Parti, ou mouvement associatif, ou les deux ? A l’occasion des Journées d’été du parti « Les Écologistes », l’un de nos adhérents revient sur cette question posée dès les années 1970, notamment lors de la campagne de René Dumont à la présidentielle de 1974, dont l’AJEPNE (aujourd’hui JNE) fut l’une des chevilles ouvrières.
par Michel Sourrouille
Aux Journées d’été du parti devenu récemment « Les Écologistes », j’ai été accrédité en tant que journaliste au titre des JNE. Trois jours au milieu des ateliers et différents forums d’un rassemblement pour lequel il y avait 3 600 inscrits pour un budget de 200 000 euros. Atmosphère sympa, des tipis et des yourtes comme salles de réunion (facture de 45 000 euros), des toilettes sèches et, pour les urinoirs, récupération immédiate de l’urine. Ambiance à la fois studieuse et conviviale, beaucoup de jeunes et de vieux militants, monnaie locale (le tournesol), mais uniquement pour la buvette. Cadre enchanteur, l’île Balzac, au milieu du Cher. Un des panneaux relatant l’origine de l’écologie politique faisait bien mention que les JNE et les Amis de la Terre avaient été à l’origine de la candidature de René Dumont lors de la présidentielle de 1974. Faisons donc un retour sur le passé pour mieux envisager l’avenir.
Jean-Philippe Beau-Douëzy, membre des JNE dès avant la présidentielle de 1974 (NDLR : et toujours adhérent aujourd’hui), estimait que l’association était un lieu d’intenses débats entre conservationnistes et « écologistes politiques », un espace unique dans lequel la communication, le journalisme, l’activisme, le militantisme, étaient liés dans un vortex humaniste. Mais la présidentielle 1974 fut la seule occasion pour laquelle l’association se mêla officiellement à la politique. Cinquante ans plus tard, j’essaye d’aborder le problème de fond, les relations entre parti écolo et associations environnementales. Symbiose, séparatisme ou interrelation ?
Si les associations environnementalistes découlent des inquiétudes de l’écologie scientifique, l’écologie politique découle historiquement de l’action associative. Tout a commencé en France au début du mois de décembre 1973 (1), au cours d’une réunion de ce qui s’appelle alors l’Association des Journalistes et Écrivains pour la protection de la nature et de l’environnement (AJEPNE) : « Et si on présentait un candidat aux présidentielles de 1974 ? » Après la mort de Georges Pompidou le 2 avril 1974, l’idée se concrétise au sein des Amis de la Terre, de l’AJEPNE et d’autres associations, débouchant sur la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle. Voici quelques associations signataires pour cette candidature : Comité antinucléaire de Paris ; Combat pour l’homme ; Droits du piéton ; Écologie et Survie ; Fédération des usagers des transports ; Association pour la protection contre les rayonnements ionisants ; Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin ; Nature et Vie ; Maisons paysannes de France ; Défense et protection des animaux ; Front occitan, etc. (2). Tout au long de sa campagne électorale, Dumont sera le représentant des associations écologiques qui le soutiennent. Les présupposés de la campagne de René Dumont étaient clairs, le simple résultat d’un constat : « à chaque élection, des écologistes en colère vont trouver les candidats des divers partis politiques. Ils sont reçus avec… une certaine condescendance. Voilà pourquoi le mouvement écologique devient politique. » Il fallait écologiser les politiques, mais aussi politiser les écologistes.
Pour le système marxiste, les syndicats étaient la courroie de transmission du Parti communiste, association et parti étaient indissociables. Mais il s’agissait d’un lien de subordination, le politique dicte sa loi. Pour la cause écologique, c’est le contraire : le mouvement associatif veut peser sur les décisions politiques, que ce soit en 1974 ou aujourd’hui. Il en a souvent les compétences, mais aussi le poids du nombre. Les Écologistes en tant que parti politique avaient 11 106 adhérents en octobre 2023, WWF France compte 220 000 donateurs et des milliers de bénévoles, Greenpeace a pu compter jusqu’à plus de 240 000 adhérents, etc. La synergie paraît nécessaire, elle est actuellement absente.
Un parti politique qui veut porter la cause écologique ne peut que s’appuyer sur le mouvement environnementaliste global. Il semble logique qu’un parti écolo soit en symbiose avec les associations qui œuvrent sur le terrain. Ce genre d’obligation est d’ailleurs inscrit dans les statuts du PS : « Les membres du Parti doivent appartenir à une organisation syndicale de leur profession et au moins à une association, notamment de défense des droits de l’homme »… (article 2.4). Le socialisme est issu d’un mouvement dont la classe ouvrière est à l’origine. Par analogie, une participation à une association environnementaliste devrait être obligatoire quand on se veut militant de l’écologie politique. Attention, cela ne veut pas dire que si on est membre d’une association, on est obligé d’appartenir à un parti ! Personnellement, je suis depuis longtemps membre d’un parti politique, mais aussi adhérent de différentes associations écolos. Dire et faire devraient à mon avis être en concordance. Pour la petite histoire, quand j’étais membre d’un groupe de réflexion sur l’avenir d’EELV. j’ai proposé d’instaurer à l’image du PS cet engagement double dans les statuts ; on m’a asséné : « Cette double appartenance, on n’en veut pas, notre liberté avant tout » !!!
Quant au contenu même de ces Journées d’été 2024, je ferai un autre article… « Les Écologistes » en tant que parti, plutôt libertaire ou plutôt écolo, pas facile de trancher !
(1) NDLR : dès les législatives de mars 1973, un candidat écologiste, Henri Jenn, s’était présenté à Mulhouse sous les couleurs du mouvement Ecologie et Survie, avec Solange Fernex comme suppléante. On a déploré récemment le décès de cette figure de la défense de la nature en Alsace.
(2) A vous de choisir : l’écologie ou la mort. La campagne de René Dumont et ses prolongements, Editions Pauvert, 1974.