Dans le réseau du RAF (Réseau des Alternatives Forestières) Gaëtan du Bus de Warnaffe n’est plus à présenter puisqu’il est initiateur de tout ce courant émergeant. Dès lors, cet ouvrage mérite d’autant attention qu’il synthétise les connaissances condensées dans ce réseau, l’expérience de l’auteur, et celles de plusieurs associations et professionnels concourants. Il s’agit d’un livre de synthèse étayée pour ceux qui accompagnent la forêt (propriétaires, gestionnaires, riverains, militants écolos…). À entendre par « accompagnement de forêt », des acteurs prenant le contrepied de toutes exploitations « extractivistes » du bois selon des logiques exclusives de marché industrialisé. Dès lors, leurs initiatives s’engagent à moduler la ressource-bois en fonction de la forêt à pouvoir s’autoréguler, et se déployer qualitativement selon ses rudiments écosystémiques et sa valeur paysagère.
Ce livre très nourri en illustrations et schémas gagne en valeur pédagogique et encyclopédique. Notoirement documenté, il est très avenant pour répondre à l’envie de nous instruire. Il retourne en solutions et en contrepropositions nombre d’alertes et de questionnements d’actualité concernant nos inquiétudes sur le devenir de nos forêts. On le conçoit dans notre bibliothèque, ressorti pour être consulté régulièrement selon l’à-propos du jour. Mais ce n’est pas seulement un livre reposant sur le savoir d’écologue, de techniques alternatives ou de méthodologies forestières avec leurs avantages et inconvénients relatifs. Par plusieurs témoignages de professionnels, nous sommes appelés à constater la nécessité du libre arbitre de terrain rendu au forestier, la valeur de sa maturité expérientielle, sa relation de jointure entre la forêt, son propriétaire et la société… Toute la vocation du forestier, non réduite à la seule fonction de sylviculteur exécutant est ici restituée. A travers le témoignage des uns et des autres, on devine selon leurs réactions intimes et sensibles comment nous penserions et agirions à leur place, et cela ouvre un lien d’empathie dans l’enseignement qui ramène l’esprit de compagnonnage dans l’art d’un métier.
Sans doute ne saurait-on mieux résumer l’esprit vocationnel de cet ouvrage que par la déclaration de son auteur : « je ne crois pas à l’État protecteur, ni à l’imaginaire positif d’une forêt sans propriétaires. L’État n’est plus le reflet des « citoyens » et est vite instrumentalisé… Je crois plus à la force des intentions personnelles et collectives, à l’importance de changer le regard de ceux qui influencent les forêts aujourd’hui… Lorsque consommateurs, élus, professionnels et associations se mettront d’accord, aucun État ne pourra les forcer à instrumentaliser les forêts pour des buts marchands ».
La vocation du forestier est une ouverture d’esprit au-delà des objectifs commerciaux, qu’elle n’exclue pas mais qu’elle régule dans la régulation écosystémique, climatique et psychologique des sociétés. A ce titre la remarque d’un des forestiers (Mathias Bonneau) invité à prendre parole dans ce livre me touche : « Et je ferai bouger constamment ma conception d’une forêt idéale, afin d’être certain de ne jamais l’atteindre ». Ce livre nous induit à penser que dans notre relation au Vivant, le rapport entre le savoir, l’intention et l’expérience, nous ramènera toujours à l’humilité. L’humilité, quand elle n’est pas feinte, sera toujours le signe des professions où la vocation a dépassé la fonction, et ce livre rassemble les apports qui en sont issus pour nous le rappeler. Cet ouvrage apporte sa contribution pour mûrir notre place dans une vision de la forêt par-delà toutes visées que nous pourrions avoir sur elle.
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Éditions Terre vivante, 288 pages, 30 € – www.terrevivante.org
Contact presse : Agathe Béon. Tél.: 04 76 34 26 60 – agathe.beon@terrevivante.org
(Bernard Boisson)
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