par Carine Mayo
Les trois activistes qui avaient entamé une grève de la faim et de la soif pour demander une suspension des travaux de l’autoroute A69 ont cessé leur mouvement le mardi 10 octobre 2023. Cela fait suite à l’annonce de l’arrêt de l’arrêt du défrichement jusqu’au vendredi 13, jour où devaient être reçus les élus et les associations par la préfecture de l’Occitanie. Mais le faible écho médiatique donné à ce sujet est révélateur de l’absence de prise de conscience du caractère emblématique de cette situation.
Depuis le 01 septembre, seulement un reportage sur France 2 évoque l’A69 et la lutte des grévistes de la faim et des “écureuils”. Silence radio sur TF1. Rien non plus sur la tribune de plus de 1500 scientifiques contre le projet d’autoroute de l’A69.https://t.co/zYwEV6DMvl
— Climat Medias (@ClimatMedias) October 9, 2023
Si les médias régionaux et les journaux écologistes ont consacré plusieurs sujets aux débats suscités par la création de cette autoroute et aux grévistes de la faim (ils étaient 15 le 9 octobre), il n’en va pas de même dans nombre de médias nationaux. Le 9 octobre, alors même que trois grévistes de la faim allaient entrer le lendemain dans une grève de la soif qui pouvait leur être fatale, l’association Plus de climat dans les Médias notait que France 2 n’avait proposé qu’un seul reportage sur le sujet dans ses JT depuis le 1er septembre et que TF1 ne l’avait même pas évoqué. Et pourtant, ce n’est pas un sujet uniquement régional : cette mobilisation contre l’A69 nous concerne tous. D’abord parce qu’il s’agit de la vie de plusieurs êtres humains qui ont accepté de se mettre en danger pour agir contre le changement climatique qui nous menace tous.
Ensuite parce que la France métropolitaine, comme de nombreux pays à travers le monde, connaît des records de chaleur, alors que le mois de septembre 2023 a été le plus chaud jamais enregistré et que l’A69 va contribuer à augmenter les émissions de gaz à effet de serre de notre pays, tout comme nombre de projets autoroutiers en passe d’être mis en œuvre.
Enfin parce que ce sujet touche à de nombreux aspects de la vie quotidienne des Français.
Comme nous l’avons écrit dans la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, dont notre association a été partie prenante dès le début, « il appartient à l’ensemble des journalistes d’être à la hauteur du défi que représente l’emballement du climat pour les générations actuelles et à venir ».
Alors que plus de 1500 scientifiques ont pris leurs responsabilités en appelant à renoncer à cette autoroute dans une tribune publiée dans l’Obs, à quand une mobilisation massive des journalistes pour porter ce sujet à la une des médias ?
Cette lutte contre la création de l’autoroute A69 est l’occasion de rappeler que « chaque dixième de degré compte », ainsi que le dit le GIEC, et que chaque action pour limiter la hausse des températures compte.
C’est aussi l’occasion de montrer combien le climat, le vivant et la justice sociale sont liés. Quelles seront les répercussions de l’abattage des arbres et du trafic de cette autoroute sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la hausse locale des températures, sur la biodiversité ?
Qui aura les moyens d’utiliser cette autoroute payante (17 euros pour un aller-retour Castres-Toulouse, ce qui la classe selon le journal Le Monde, parmi les autoroutes les plus chères de France) ? Et quels sont les besoins en matière de transport dans cette région et à l’échelle du pays ?
C’est enfin l’occasion de questionner le modèle économique, les acteurs financiers et politiques impliqués dans la création de cette autoroute ainsi que le projet alternatif du collectif La Voie Est Libre, qui propose de renforcer la ligne ferroviaire et le covoiturage et de créer la première véloroute nationale !
Reste une question plus philosophique et sociétale : jusqu’où aller dans les luttes et les résistances pour qu’enfin les Etats prennent en compte l »urgence écologique ? Qu’est-ce qui pousse des militants à mettre ainsi leur vie en danger ?
C’est l’objet du débat proposé par notre association, avec l’Institut Momentum, le jeudi 12 octobre à 19 heures à l’Académie du Climat à Paris, sur le thème : « engagement écologiste : quelles radicalités ? » dans le cadre de nos Jeudis de l’écologie. Un événement auquel vous pouvez assister sur place (inscription recommandée en cliquant ici), en visioconférence ou en replay sur notre chaîne YouTube.
Et cela à la veille de la rencontre des militants contre l’A69 avec les acteurs régionaux et une semaine avant la grande manifestation programmée par La Voie Est Libre, Extinction Rébellion Toulouse, la Déroute des Routes, le Groupe de Lutte Anti Macadam, La Confédération paysanne, Attac Tarn et Les Soulèvements de la Terre pour bloquer le chantier de cette autoroute les 21 et 22 octobre.