Il s’agit d’un essai éclairant et sans concession, très bien documenté et argumenté, sur une « fiction politique » : celle de l’utilité publique, ou, celle, très proche mais plus consensuelle, d’intérêt général. L’historien de l’environnement Frédéric Graber (CNRS) en fait essentiellement la démonstration avec les enquêtes publique obligatoires, mais aussi, avec moins de détails, avec les débats publics.
Les grands projets d’infrastructures, notamment, constituent l’un des repoussoirs des mouvements écologistes. Dénoncés comme « inutiles et imposés », ces projets font l’objet de multiples résistances. Pourtant, la notion d’utilité publique est au cœur de leur légitimation par les pouvoirs publics français. Car aux yeux de l’administration, l’utilité publique ne renvoie pas à l’idée générale de bien commun, mais prend un sens bien plus spécifique : c’est un principe au nom duquel le consentement ne peut être que l’issue. A défaut, par la force.
Frédéric Graber propose dans ce livre remarquable un décryptage minutieux de ce rouage central de l’économie des projets dans laquelle nous vivons. Retraçant l’histoire longue de la fiction juridique qu’est l’utilité publique, il montre comment la référence à ce principe, formulé sous l’Ancien régime pour favoriser certains intérêts tout en se prévalant d’une forme de justice, a été maintenue après la Révolution, jusqu’à nos jours. Il en résulte un éclairage saisissant sur l’aversion au débat, caractéristique de la culture politique française, et sur l’état de la démocratie dans ce pays. On peut évoquer une véritable « mise en scène du consentement ».
En éclairant l’origine et les objectifs de ces outils « conçus pour l’intensification de l’exploitation de la nature », l’ouvrage dresse le constat argumenté d’une procédure qui, loin de relever d’une démocratie participative, demande à revoir les principes et modes de la concertation sur les projets controversés, pour en faire un véritable outil de démocratie environnementale.
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Éditions Amsterdam, 192 pages, 18 € – www.editionsamsterdam.fr
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(Gabriel Ullmann)
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