À l’heure où les principales formations de l’écologie politique se retrouvent englobées dans une coalition nettement marquée à gauche, ce livre vient à point nommé pour nous montrer que l’écologie n’est pas « naturellement » de gauche, mais prospère aussi – quoique de façon moins visible – du côté de l’extrême-droite. Le peu de place accordé aux thèmes écologistes par le Rassemblement national ne doit en effet pas occulter la persistance de courants, notamment autour de la « Nouvelle Droite » d’Alain de Benoist, prônant une écologie localiste, ruraliste, décroissante et surtout « ethnodifférentialiste ». Les partisans de cette approche « défendent l’origine multirégionale des hommes modernes : la vraie écologie consisterait à préserver cette diversité par le maintien des grandes « races » dans leur environnement naturel, comme nous le ferions avec des animaux… », écrit l’auteur, Stéphane François, professeur de science politique à l’Université de Mons (Belgique) et chercheur à la George Washington University (Etats-Unis). « Cette écologie des populations postule l’incompatibilité des cultures entre elles », et repose sur des « assises foncièrement différentialistes et anti-modernes, terme à prendre dans le sens d’un rejet violent des Lumières et de leurs valeurs philosophiques et politiques ».
Au fil des pages de ce livre très documenté, on croise deux membres des JNE, aujourd’hui décédés, dont les parcours illustrent les différentes formes de cette écologie identitaire. D’un côté, Henry Coston, ancien du journal collaborationniste Je Suis Partout, et auteur de nombreux ouvrages antisémites, qui avait des liens avec des fondateurs de l’agriculture biologique en France et l’équipe de La Vie Claire. De l’autre, Edward Goldsmith, fondateur du magazine The Ecologist, que sa fascination pour les sociétés « vernaculaires » (autrement dit traditionnelles) avait conduit à se rapprocher d’Alain de Benoist et de sa « Nouvelle Droite ».
En conclusion de cet ouvrage qui n’évite pas toujours les répétitions, Stéphane François insiste sur les « effets de contagion et d’emprunt » et la porosité entre les différents « milieux » de l’écologie politique. Il souligne aussi « une convergence intellectuelle entre une certaine droite radicale et une gauche tout aussi radicale, toutes deux phobiques de l’Etat, pour reprendre une expression de Michel Foucault, et des valeurs républicaines ». Toutes deux ont ainsi « élaboré des discours intellectuels promouvant une commune critique de la modernité occidentale et un anti-utilitarisme, une même volonté d’un retour du spiritualisme, un identique éloge du communautarisme, du localisme et des sociétés enracinées ».
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Éditions du Bord de l’eau, 216 pages, 20 € – www.editionsbdl.com
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(Laurent Samuel)
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