Le dangereux casse-tête national et international de la viande de brousse

La viande de brousse résulte de la chasse d’animaux sauvages. Même si cette pratique existe également en France, le terme de « brousse » fait référence essentiellement à l’Afrique, l’Asie ou à l’Amérique du Sud.

par Christine Virbel Alonso

Sur ces continents, cela concerne aussi bien la consommation de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens que de reptiles. En effet, chauve-souris, éléphants, rats, écureuils, pangolins,lézards, singes… sont tout aussi appréciés là-bas que le sanglier, la grenouille ou la biche ici, à la seule différence que la viande de brousse est parfois le seul apport ou presque de protéines animales pour des populations particulièrement démunies. Dans les villes, elle peut également être appréciée par une population plus aisée qui la considère comme un « met délicat traditionnel ».

Pourtant, le phénomène de la viande de brousse devient de plus en plus problématique et dangereux pour plusieurs raisons :
– sur place, il contribue à la disparition d’espèces déjà en danger et altère gravement l’équilibre écologique d’écosystèmes entiers. Ce sont, par exemple, les singes qui sont chassés dans certains pays d’Afrique sans aucun quotas ni données sur les effectifs encore existants, mais dont le rôle de renouvellement de la forêt est primordial grâce à la dissémination des graines des fruits qu’ils consomment par le biais de leurs déjections;
– la diminution des animaux chassés entraîne aussi celle de leurs prédateurs carnivores qui se tournent alors vers les animaux d’élevage des villages qu’ils ne fréquentaient pas quand la nourriture était suffisante en pleine forêt;
– autre souci, la transmission de parasites ou de virus très dangereux qui peuvent toucher l’homme, ou zoonoses. Les risques proviennent aussi bien de virus très virulents, comme certains coronavirus ou l’Ebola, que de maladies plus communes, comme la rougeole ou la rubéole, mais parfois fatales dans des pays plus pauvres. La transmission de certains virus serait également à l’origine de cancers comme la leucémie. sans oublier le saturnisme dû au plomb contenu dans les cartouches pour tuer les animaux, pour les adultes et les enfants qui consomment presque uniquement de la viande chassée.

Dans les pays vers lesquels la viande de brousse est ramenée, comme la France, les problèmes sont tout aussi graves. Les douaniers des aéroports qui contrôlent les trafics sont les premiers à en subir les désagréments ou les dangers en se faisant parfois piquer par des animaux à l’ouverture des bagages ou en se retrouvant face à de la viande en putréfaction possiblement porteuse de pathogènes. Dans de telles conditions, il est également difficile pour ces douaniers de reconnaître les espèces protégées par la loi, notamment par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), et d’interpeller les propriétaires des bagages contrôlés. Enfin, le manque d’effectifs et de formation des agents pour reconnaître les espèces exotiques fait que les mailles du filet de la loi sont bien trop larges et laissent passer la plupart des denrées et de leurs « importateurs », alors que le trafic d’espèces protégées constitue, selon un rapport de l’IFAW, la quatrième activité criminelle transnationale la plus lucrative au monde.

Pour remédier à ces problèmes, le comité français de l’UICN a proposé dix mesures lors de la 74e session de la CITES qui s’est tenue à Lyon du 7 au 11 mars derniers, parmi lesquelles traiter la criminalité organisée ayant un impact sur l’environnement comme une infraction grave, impliquer le secteur privé (notamment les compagnies aériennes) dans la lutte contre le trafic d’espèces sauvages ou encore la mise en oeuvre de mesures internationales afin de lutter contre la vente en ligne de produits illégaux issus de la faune et de la flore sauvages.

En attendant la mise en place de telles mesures, la sensibilisation des voyageurs et des consommateurs reste un outil important pour lutter contre ce trafic. A cet effet, une campagne sera lancée en France cet été.

 

Photo du haut : la couverture du rapport de l’IFAW sur les trafics de faune sauvage