Bernard Charbonneau : habiter la Terre

Voici le compte-rendu d’un colloque sur Bernard Charbonneau, précurseur de l’écologie, organisé du 2 au 4 mai 2011 à l’IRSAM (université de Pau).

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par Roger Cans

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Bernard Charbonneau – photo D.R.

Ce devait être un séminaire réunissant quelque 25 personnes autour d’une grande table. Ce fut un véritable colloque universitaire, rassemblant à chaque séance plus de 50 personnes, assises sur deux rangs, à la grande surprise des organisateurs eux-mêmes. Quinze ans après sa mort, Bernard Charbonneau, obscur professeur agrégé d’histoire et géographie, bordelais d’origine et béarnais d’adoption, fait enfin parler de lui au-delà du cercle de ses admirateurs.

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Il revient à Francis Jauréguiberry, professeur de sociologie à l’université de Pau et des pays de l’Adour, de faire la présentation d’ouverture. Bernard Charbonneau, selon lui, « critiquait le modernisme triomphant, prométhéen, qui n’est pas forcément progrès ». A travers le mouvement personnaliste, il exaltait la liberté individuelle. Une liberté parfois « anxiogène », si on la compare à la fuite en avant de l’être social conformiste qui se réfugie dans « l’emballement occupationnel ». Bernard Charbonneau dénonçait le temps qui s’accélère, qui prive de repères, qui broie. N’existe plus alors que le temps présent, la réactivité, le zapping, le bombardement de l’information, « la surchauffe occupationnelle ». Il a tout fait pour que l’on retrouve « l’épaisseur du temps », la réflexion, la méditation.

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La conférence introductive intitulée « Le sens de la terre chez Bernard Charbonneau » est prononcée par le philosophe Daniel Cérézuelle, directeur scientifique du PADES. Il reprend une expression chère à Bernard Charbonneau, « la grande mue ». La grande mue, c’est la croissance technique indéfinie, après l’immobilité des sociétés anciennes. La religion et les idéologies essayent d’accompagner cette croissance, mais c’est un emballement qui broie comme un glissement de terrain. La course à la puissance, « par la force des choses », entraîne un contrôle policier de plus en plus totalitaire. Plus grandit la puissance, plus l’ordre devient prioritaire. La nature, au contraire, est le symbole de la liberté.

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Daniel Cérézuelle, qui a bien connu Bernard Charbonneau, lui trouve un « côté rimbaldien » par sa révolte de jeunesse. Ses écrits et dessins, qui ont été conservés depuis l’âge de 14/15 ans, en sont la preuve. En 1931, à l’âge de 21 ans, il traverse le nord de l’Espagne jusqu’à la pointe extrême de la Galice. Pour lui, le roc « finis-terre » est un symbole : il marque la fin des terres, et donc de la liberté.

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En 1933, il s’attache à l’image de l’arbre, qui monte vers le ciel grâce à ses racines. « L’homme est un animal qui rêve de liberté mais ne la supporte pas ». Pour lui, l’agriculture modèle le paysage, alors que l’industrie la détruit. Il propose de « se mettre en ménage avec la nature pour rendre la terre habitable ».

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« L’espace géographique chez Bernard Charbonneau » est traité par Alain Cazenave-Piarrot, maître de conférence HDR en géographie à l’université de Toulouse II. Pour ce lecteur enthousiaste de Bernard Charbonneau, pas de doute : la géographie imprègne toute son œuvre, comme en témoignent ses titres (Le jardin de Babylone, Finis Terrae, Tristes campagnes, Chroniques du terrain vague dans La Gueule ouverte, etc.). Le professeur de géographie jette constamment un regard panoramique sur les paysages. Et il considère que l’effort physique, seul, permet la découverte du terrain.

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Bernard Charbonneau a hésité pour ses sujets de thèse entre la presse de Suisse alémanique et l’histoire du journalisme. Mais son maître à la Sorbonne refuse ses projets et l’étudiant Charbonneau « se retire et voyage ». Dans la campagne proche ou parfois plus loin. En 1933, il se rend aux Canaries en bateau de Bordeaux, via Lisbonne, Cadix, Casablanca, etc. En 1938, il parcourt l’Autriche. En 1939, la petite Kabylie, en Algérie. En 1949, il arpente l’Espagne, encore très rurale. Il aime « s’arracher » à la civilisation de la « bagnole », qui impose ses infrastructures.

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« Le fatum charbonnien se déploie entre l’hubris (la démesure), la nemesis (la vengeance) et l’ordo (l’ordre) ». « Ordo », pour lui, c’est le jardin harmonieux, équilibré, où l’on se sent bien, une terre habitée et « ménagée » au sens propre. Il partage son temps entre ses jardins d’hiver et d’été, ses parties de pêche dans les gaves, ses combats contre l’équipement de la montagne et du littoral. Il combat le « régrès », mot forgé par Elisée Reclus pour désigner le contraire du progrès.

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On en arrive aux liens d’amitié qui ont marqué Bernard Charbonneau : sa proximité avec Jacques Ellul, bordelais et personnaliste comme lui dans les années 1930, puis tous deux contempteurs de la grande ville après la guerre. Ce lien très fort est décrit par Jean-Sébastien Ingrand, pasteur et théologien, directeur de la Médiathèque protestante de Strasbourg. « Ellul a toujours reconnu sa dette envers Charbonneau », souligne-t-il. « Pourtant, ils sont très rarement lus ensemble ». Quand ils se lancent dans le « personnalisme gascon », dans les années 1930, ils publient des textes polycopiés à deux mains. Et notamment un manuscrit de 150 pages, qui dénonce la ville, accusée de remettre en cause la liberté. « L’homme des villes est riche d’argent, mais pauvre d’espace et de temps ». La ville est un lieu d’inhumanité, la banlieue surtout, espace banalisé et uniforme, l’exact opposé de la campagne. La ville est un lieu d’artifice, où la nature est vaincue.

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Mais attention : il ne faut pas idéologiser la nature, qui se défend très bien toute seule. C’est l’homme qui est fragile, et surtout sa liberté. Bernard Charbonneau avec Le jardin de Babylone (1969) et Jacques Ellul avec Sans feu ni lieu (1975), se retrouvent sur ce point. De fait, en 2008, la population urbaine mondiale dépasse la population rurale. Le professeur d’histoire et géographie « post-chrétien » s’attache au symbole de Babylone, tandis que le professeur de droit constitutionnel et théologien protestant utilise celui de Ninive. Dans les deux cas, on retrouve l’orgueil humain qui se ferme à Dieu. La mégapole est une masse qui ne peut survivre que par le sacrifice des libertés. C’est alors que les deux hommes se séparent : contre le catastrophisme de Charbonneau, Ellul s’attache à l’espérance chrétienne, qui mène du jardin d’Eden à la nouvelle Jérusalem annoncée dans l’Apocalypse.

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Il revient alors à un jeune doctorant de l’université de La Rochelle, Sébastien Morillon, de passer en revue la jeunesse de Bernard Charbonneau (1910-1937). Il souligne d’abord son ascendance mixte : un grand-père paternel catholique, proche des milieux politiques d’Agen, qui fera du petit Bernard un enfant élevé catholique. De l’autre côté, un grand-père maternel protestant, qui fera du jeune Bernard un éclaireur unioniste en culottes courtes, marqué par le scoutisme protestant. A l’école, l’enfant est un élève « difficile et turbulent ». Il se sent enfermé dans un milieu bourgeois. « Toute ma jeunesse fut angoisse et révolte », écrit-il en 1936, l’année où il fait son service militaire et est réformé pour myopie. Devenu « post-chrétien » selon son propre aveu, il n’est plus sensible qu’aux sensations physiques comme le chaud, le froid, les odeurs, les spectacles, etc.

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Lecteur d’Elisée Reclus, ce géographe fils de pasteur alsacien appelé à exercer en Béarn, Bernard Charbonneau dévore Le sentiment de la nature (1866). Et c’est en 1937 qu’il publie son manifeste (resté polycopié) : Le sentiment de la nature, force révolutionnaire. Pour le jeune personnaliste gascon, le sentiment de la nature est à la « révolution naturiste » ce que la conscience de classe est au militant communiste ou l’appartenance au peuple allemand la force du combattant nazi.

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Un invité québécois, Jacques Dufresne, philosophe admirateur de Michel Serres (Le contrat naturel, 1990), directeur de la revue « Agora, Recherches et Communications », trace alors un parallèle entre le parcours de Bernard Charbonneau et celui de Ludwig Klages, un pionnier allemand de l’écologie aujourd’hui oublié. Ludwig Klages est un chimiste qui renonce à la carrière universitaire pour se consacrer à la défense de la nature. En 1913, il fait une conférence intitulée « L’homme et la terre ». En 1915, il fuit l’Allemagne par haine de la guerre.

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Un autre parallèle est fait entre Bernard Charbonneau et André Gorz, par Isabelle Lamaud, doctorante à l’IEP de Bordeaux. Elle souligne combien Charbonneau est méfiant envers le « progressisme », tant vanté à gauche, tout en militant pour l’émancipation de l’individu. La critique de l’idéologie technicienne est bien partagée entre Charbonneau, Ellul, Illich et Gorz. Pour eux, les outils ne sont pas neutres. Pour Illich, l’auto, la médecine, l’école même débouchent sur l’inverse de leur finalité première. L’auto asservit, la médecine rend malade et l’école fait des ignares. C’est aussi La société contre nature de Serge Moscovici.

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Dans les années 1970, André Gorz (qui signe aussi Michel Bosquet dans ses chroniques du Nouvel Observateur), devient écolo sous l’influence d’Illich. Désormais, la lutte écologique n’est qu’une étape vers la fin du capitalisme. Il explique que la sphère de la nécessité est prise en charge par une production centralisée. A l’opposé, la sphère de l’autonomie est l’espace des loisirs et de la coopération.

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La grande différence, c’est que pour Charbonneau, il faut revaloriser l’énergie humaine, donc l’effort physique, alors que pour Gorz, les nouvelles technologies vont permettre une production éclatée, donc la fin du capitalisme centralisé.

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Une parenthèse s’ouvre avec Jean-Paul Gachet, retraité de l’INRA, qui dresse un tableau historique de l’agriculture dans le Sud-Ouest, chère à Bernard Charbonneau. « La terre ne ment pas, mais la science peut la faire mentir », dit-il. Exemple : la truffe. Le diamant noir du Périgord est l’association d’un mycélium et d’un arbre (chêne pubescent, chêne vert ou noisetier), que l’on taille avec soin pour laisser la lumière inonder le sol. Aujourd’hui, on produit des truffes en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en Poitou, mais elles n’ont pas de goût !

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Deuxième exemple : le maïs. En 1840, on en cultivait 600 000 hectares. C’était la céréale du pauvre, comme le haricot tarbais. En 1938, il n’y avait plus qu’une production paysanne en Alsace, en Bresse et en Aquitaine : 200 000 hectares seulement. Soudain, en 1962, l’INRA relance la production de maïs à tout va. Les prairies naturelles disparaissent au profit du maïs d’ensilage, pour l’alimentation du bétail. Les zootechniciens l’emportent sur les améliorateurs des plantes. Le maïs devient hégémonique et crée un nouvel ordre social. Au grand désespoir de Bernard Charbonneau.

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Le 3 mai, on revient au tandem Ellul/Charbonneau avec Frédéric Rognon, pasteur devenu professeur à l’université de Strasbourg. Il souligne combien « la tradition chrétienne, chez Charbonneau, navigue entre fascination et répulsion ». Par le scoutisme protestant, entre 10 et 16 ans, il découvre la nature lors des camps au bord des étangs des Landes. Il avoue lui-même « l’origine chrétienne de mon amour de la nature et de la liberté ». Puis c’est la rencontre avec Jacques Ellul, dès 1927 au lycée. Une amitié qui durera 60 ans. Ellul découvre la nature à travers Charbonneau.

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En 1936, il écrit : « Ma rencontre avec Ellul m’a empêché de complètement désespérer ». Ellul constate les « positions violemment anti-chrétiennes » de Charbonneau, agnostique post-chrétien, pour qui la religion est résignation, assortie d’un conformisme spirituel et social. Avec elle, la liberté n’est plus à conquérir. On le voit dans les campagnes : l’Eglise catholique encadre les paysans qui détruisent la campagne. Elle leur sert de caution.

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Charbonneau s’en prend aussi au paléontologue jésuite, Pierre Teilhard de Chardin. Il dénonce sa théologie totale, sa sanctification du progrès technique, sa passion dévorante de l’absolu. Il déplore une démesure théologique qui endosse le totalitarisme technique et scientifique. Il est hérissé par la justification de l’hubris technicienne.

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Enfin, Charbonneau voit dans « la grande mue » la responsabilité du christianisme. Depuis la Genèse, qui confie à l’homme la maîtrise de la nature, jusqu’à Ellul, pour qui l’homme est « lieutenant de Dieu » et pense que la dévastation de la terre est le résultat du recul du christianisme. Pour Charbonneau, le christianisme est le poison et son antidote. Le protestant Rousseau réintègre l’homme dans la nature. Capitalisme et écologie sont la spécialité des pays protestants.

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On en vient alors au « professeur » Bernard Charbonneau, tel qu’il a été perçu par ses élèves. Michel Papy, maître de conférences d’histoire retraité, a enquêté auprès de 35 anciens élèves de l’école normale de Pau, où Charbonneau a enseigné l’histoire et géographie à partir de 1946. Pour certains, il apparaît comme un « clown », qui fait du vélo avec son pantalon dans les chaussettes. Pour d’autres, il était celui qui arrivait à mobylette et demandait à ses élèves d’arrêter le moteur.

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Pour les cours, en revanche, il se conformait parfaitement au programme. Mais il avait besoin de sortir périodiquement des « vannes », afin de faire rire les élèves et de se faire plaisir. Il n’appréciait pas du tout lorsque ses vannes passaient inaperçues. Sa désinvolture avec les chiffres était proverbiale. Il lançait des chiffres différents selon son humeur. On l’appelait « Beniat », terme affectueux pour Bernard en béarnais. Pourtant, il maintenait la distance avec ses élèves, qui le considéraient comme « froid et distant ». Il aimait le jurançon (le vin local) et les parties de pêche. Les élèves le savaient « penseur », mais il ne leur parlait jamais de ses écrits. Pour eux, c’était « un citadin » que son mal être poussait à promouvoir la nature.

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Professeur de géographie au lycée d’Orthez, Michel Rodes, militant écologiste protestant, témoigne à son tour de sa rencontre avec Ellul et Charbonneau. Dès 1962, il a suivi des études bibliques menées par Jacques Ellul, puis ses conférences sur le bonheur en 1965. Il fait la connaissance de Bernard Charbonneau lorsqu’il prend sa retraite, en 1971. Le professeur devient « jardinier et forestier », chez lui, et militant dans l’action, pour sauver le site du Soussouéou, dans les Pyrénées, ou lutter contre le veau aux hormones. Il déplore l’état d’esprit « suiviste » du Béarnais, qui accepte le monstre du gaz de Lacq. Il rejoint bien sûr la SEPANSO (société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le sud-ouest) et participe au colloque de Huesca (Aragon) en 1976. Il rédige ses « Chroniques du terrain vague » pour La Gueule Ouverte de Pierre Fournier. Il écrit dans Combat Nature, d’Alain de Swarte, dans Réforme, l’hebdomadaire protestant (avec le Bordelais Jacques Kressmann) et dans Foi et Vie, la revue de Jacques Ellul. Sa devise : « Ma conscience me suffit » (Martin Luther). Jacques Ellul porte ce jugement : « La pensée de Bernard Charbonneau est une pensée aristocratique ».

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Un doctorant en histoire à l’université de Bordeaux, Timothée Duverger, retrace ensuite l’action de Bernard Charbonneau en faveur de la côte aquitaine. Il rappelle que la Mission interministérielle d’aménagement de la côte aquitaine (MIACA) a d’abord été confiée en 1967 à Philippe Saint-Marc (aujourd’hui membre des JNE), un énarque soucieux de développer en priorité l’hinterland landais, plutôt que de faire la Grande Motte comme Philippe Lamour sur la côte languedocienne.

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Mais il est limogé en 1970 et remplacé par Emile Biasini, un aménageur qui veut bétonner la côte. En 1973, Bernard Charbonneau devient président du Comité de défense de la côte aquitaine, qui dénonce une « invasion étrangère » et une « opération coloniale ». Il est indigné par la trahison des élites locales et révolté par l’absurdité du monde. « Je ne pardonnerai jamais aux Bordelais : ils sont Arcachonnais avant d’être Landais ». Bernard Charbonneau arbore le béret basque comme un marqueur local et donne comme consigne : « tu ne seras jamais ni préfet ni soldat ». C’est l’époque où Jean-Claude Guillebaud, lui aussi défenseur de la côte aquitaine, est mis à pied du journal Sud-Ouest.

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Daniel Cérézuelle intervient : Bernard Charbonneau avait la conviction d’un message à transmettre, mais il a toujours souffert de ne pas y réussir. Il était un orateur brillant, mais il ne cherchait pas à séduire. L’auditeur devait se débrouiller…

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Un sociologue de Paris, Benoît Leroux, explique que Charbonneau se méfiait de la mode du bio qui fleurissait dans la société urbaine et industrielle. Voir les péripéties de Nature et Progrès. Paradoxalement, c’est le marché qui crée en France l’extension de l’agriculture biologique. Dans le Gers, certains producteurs bio ont de grandes surfaces qui rapportent et les posent en champions.

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Enfin, Jacques Julien, maître de conférence à Paris VII (retraité), souligne que « le développement accéléré fait le vide », comme le constatait Bernard Charbonneau. Pour le Gascon, « habiter, c’est se sentir chez soi », car l’homme n’est pas fait pour la flexibilité et la mobilité sociale. Il faut résister à l’urgence et laisser les choses s’enraciner, laisser du temps au temps comme disait un ancien président. Retrouver « l’épaisseur du temps », comme l’indiquait le premier conférencier du colloque.

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