….par Christine Virbel |
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Les citoyens se sentent de plus en plus concernés par les questions et les choix environnementaux, surtout lorsque des catastrophes comme celle de Fukushima, la perte de la biodiversité (poissons de mer, pollinisateurs) ou l’appauvrissement de pans entiers de population révèlent combien ces choix sont importants pour notre santé, mais aussi pour le devenir économique de chacun et des pays.
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Bien souvent, ces mêmes citoyens se sentent démunis pour traduire cette volonté dans les faits ou peu suivis par les décideurs politiques, notamment. Le combat peut-il accélérer le passage vers une société écologique et plus respectueuse des hommes au XXIè siècle ? Quel combat ?
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Les individus ont beaucoup plus de poids qu’ils ne le pensent et les leviers sont nombreux pour accélérer la transition.
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Nos achats, par exemple, sont des orientations économiques et des signaux politiques forts. Un achat biologique promeut une agriculture plus respectueuse de la biodiversité, de la qualité de l’eau (que l’on retrouve à nos robinets) et de l’air. Il offre par ailleurs la possibilité à des agriculteurs locaux de trouver des débouchés au(x) fruit(s) de leur travail.
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Le choix d’un chauffe-eau solaire permet quant à lui de favoriser les énergies renouvelables et non polluantes. Multipliés par des millions de personnes, ces achats ont un poids énorme.
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Les achats locaux favorisent l’emploi en France et diminuent les émissions de CO2 dues au transport. Mais un achat de produit étranger peut aussi être un signal quand il fait parler la balance commerciale : acheter un produit bio d’un pays voisin (le plus proche possible pour limiter les émissions de CO2) peut inciter les décideurs à augmenter (et non diminuer) la prime à la conversion vers le bio en France pour répondre à la demande et limiter le déficit commercial.
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Nos non-achats sont aussi des signaux clairs envers les professionnels de la distribution, en différant par exemple l’achat d’un meuble en bois jusqu’à ce que l’on trouve un produit similaire certifié FSC, c’est-à-dire dont le bois provient d’une forêt gérée durablement.
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Nos achats et non-achats quotidiens sont de réels moyens d’expression démocratique et des outils de conversion économique de notre pays.
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Autre levier possible : le vote, que nos aïeux ont obtenu au prix de nombreux sacrifices. Il faut l’utiliser et participer au débat public pour dire clairement ce que l’on veut, même si la conviction envers tel ou tel parti politique n’est pas toujours totale. L’engagement politique peut être l’étape suivante, mais la création d’une association est également une forme utile d’organisation permettant de passer à la vitesse supérieure.
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Le lobbying, vilain mot pour parler d’une pratique de toujours visant à défendre les intérêts d’un groupe, est nécessaire notamment pour informer les élus. On le retrouve aussi dans certains comités, comme celui qui a révisé la Stratégie nationale pour la biodiversité, dans lequel se trouvaient entre autres les ONG de défense de l’environnement, le ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, les maires de France, la Fédération des parcs naturels, les chasseurs, le Syndicat des aménageurs lotisseurs, la FNSEA, des syndicats de salariés…
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Cette pratique est acceptable lorsqu’elle est représentative des différents intérêts. Elle ne permet pas forcément d’imposer ses idées, mais permet le plus souvent d’empêcher le passage de décisions allant contre les intérêts de son groupe. Elle nécessite donc du temps et des moyens supplémentaires.
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La manifestation, montée en puissance légale de l’expression, peut faire la différence également, surtout quand elle renforce les leviers précédents.
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La réflexion ne serait pas complète sans citer la désobéissance civile qui n’est pas légale et donc non recommandable. Elle a pourtant apporté dans l’histoire de grands changements (lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis). Dans le cadre de la protection de l’environnement, celle-ci est surtout menée par Greenpeace. Elle a été utilisée par José Bové, contre les cultures OGM, pour ouvrir le débat à l’ensemble de la société. Lorsque l’on sait aujourd’hui que nos aliments ne peuvent plus être garantis à 100 % sans OGM, on peut se demander si cette forme d’action qui ressemble le plus au combat n’est pas la preuve d’un refus de débat démocratique à l’origine. Elle n’existerait sans doute plus si les problèmes étaient discutés ouvertement, comme c’est le cas actuellement avec les gaz de schiste en débat à l’Assemblée Nationale (certes après des manifestations, mais sans actes de destruction, à ma connaissance).
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Une chose est certaine : si l’on ne décide pas du monde dans lequel nous souhaitons vivre, d’autres le décident pour nous. L’implication est donc nécessaire sous ses formes légales, et si combat il y a lieu, il doit être un combat d’idées car ce combat assure aussi le respect de la démocratie.
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* Titre en référence à la parution d’un volume de textes inédits de François Terrasson intitulé Le Combat pour la Nature (Editions Sang de la Terre), sur lequel le site des JNE reviendra prochainement.
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Cet éditorial, comme tous ceux de ce site, n’engage que son auteur.
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