L’Association écologique de Boumerdès (AEB) a placé dans son siège, un chauffe-eau solaire, marquant le premier pas de sa démarche qui vise à promouvoir, au niveau local, l’utilisation des énergies renouvelables.
par M’hamed Rebah
Cette action fait partie d’un projet de l’AEB, intitulé énergies renouvelables et changement climatique, financé par le Fonds de l’environnement mondial, qui comprend l’installation de deux autres chauffe-eau solaires dans des communes de la wilaya de Boumerdès (NDLR : ville côtière du centre de l’Algérie, située à 45 km à l’est d’Alger), et un programme de sensibilisation sur les énergies renouvelables vers les établissements d’enseignement et vers les élus locaux.
Certes, l’installation de chauffe-eaux solaires n’entraînera pas automatiquement la disparition de la bonbonne de gaz utilisée pour se chauffer en hiver et cuire les aliments, sachant que beaucoup de villages et hameaux de la wilaya ne sont pas raccordés au réseau public de distribution de gaz. Quand l’hiver approche, c’est la course vers les bouteilles de gaz butane.
Dans les années 1970, ce problème ne se posait pas, grâce à une politique volontariste pratiquée pour l’approvisionnement en gaz naturel des zones rurales. Une décennie après, l’économie de marché lancée en substitution forcée à l’option socialiste, a ouvert la voie à la privatisation dans les circuits de distribution du gaz butane, accompagnée inévitablement de la spéculation commerciale sur ce produit, devenu alors plus rare et plus cher. Du coup, les familles pauvres des zones rurales, privées de la facilité qu’elles avaient à se procurer le combustible indispensable à leurs besoins domestiques, surtout en période hivernale, ont mis de côté leur réchaud à gaz (la tabouna) et renoué avec le kanoun, poêle en terre cuite, et le charbon.
La coupe de bois pour les besoins de consommation énergétique domestique est venue s’ajouter ainsi aux facteurs connus de destruction des forêts, alors qu’à la fin des années 1960, la préservation de la couverture forestière a été justement l’une des motivations de la politique énergétique algérienne en milieu rural, encourageant l’utilisation du gaz par les ménages et les artisans.
Le thème de l’entrée de la bouteille de gaz dans les habitations et du recul de l’utilisation du charbon, en milieu montagnard, a été traité, en son temps, par le cinéaste Mohamed Bouamari (une pensée pour ce sympathique réalisateur, décédé le 1er décembre 2006, à Alger) dans son très beau film El Faham (Le Charbonnier, 1972). En 2020, en milieu rural, les ménages qui peuvent acquérir des bonbonnes de gaz en achètent plusieurs, stockées sans protection contre le risque d’explosion qui finit souvent par se produire, comme cela s’est passé le 6 novembre dernier, à Gouraya, dans la wilaya de Tipaza, à la suite d’incendies de forêt.
Dans les localités rurales, dont certaines sont appelées « zones d’ombre » (du fait de la pauvreté des habitants et de leur mise à l’écart de l’accès aux services publics de base), l’introduction de l’énergie solaire est la seule solution alternative à l’absence d’alimentation en énergie électrique conventionnelle. Récemment, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, et le ministre de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, Chams Eddine Chitour, ont convenu de créer une commission mixte composée d’experts des deux secteurs pour l’élaboration d’un plan d’actions dédié aux collectivités locales visant à introduire d’une manière progressive l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables dans les projets d’infrastructures (nouvelles constructions, réhabilitation du vieux bâti et éclairage public).
L’AEB, et d’une façon plus générale les associations écologiques qui sont dans le travail de proximité, devraient participer, comme partenaires, dans l’élaboration et la mise en œuvre de ce plan d’actions. Parmi les objectifs du plan, figure la prise en charge des zones d’ombre en matière d’alimentation en énergie par les énergies renouvelables, et l’identification des assiettes de terrain pour l’emplacement des nouvelles centrales de production d’électricité à partir de sources renouvelables. Une action de communication et de sensibilisation en matière de transition énergétique et d’énergies renouvelables est également prévue.
Le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire a mis en application depuis quelques années, son propre programme qui prévoit, entre autres, qu’en 2020 au moins une école soit dotée d’énergies renouvelables dans chaque commune. Pour sa part, l’AEB envisage d’établir un état des lieux en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique dans la wilaya de Boumerdès, au niveau des écoles et des habitations ainsi que pour l’éclairage public.
La situation sanitaire due à la pandémie de coronavirus a créé de sérieuses difficultés au mouvement associatif du fait des restrictions aux déplacements et aux regroupements, imposées à ses membres par les mesures de prévention édictées par l’Etat et par les institutions sanitaires. La plupart des actions que développent habituellement l’AEB depuis plus d’une trentaine d’années – nettoyage des plages, reboisement, classes environnementales, sorties écologiques pour les enfants, floralies,… – se font par la mobilisation de ses adhérents sur le site où elles se déroulent. A l’exception des réunions qui peuvent se tenir à distance, les formes d’adaptation permettant, dans le contexte de crise sanitaire, la poursuite des activités qui exigent la présence des membres de l’association sur le terrain, n’ont pas encore été trouvées.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du mardi 1er décembre 2020.