Les priorités sociales, un peu partout dans le monde, ont pris le pas sur la préoccupation climatique présentée par les médias comme l’urgence de l’heure.
par M’hamed Rebah
La preuve : l’augmentation du ticket de métro à Santiago du Chili et le mouvement de protestation qu’elle a provoqué ont conduit à délocaliser un événement planétaire majeur, ou prétendument tel, et faire traverser l’Atlantique à la COP 25 qui devait se tenir dans la capitale chilienne, pour la poser à Madrid en Espagne. Mais les apparences sont sauvées, c’est comme si la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (du 2 au 13 décembre 2019) se déroulait au Chili : la COP 25 est sous la présidence du gouvernement du Chili et la présidente désignée de la conférence est la ministre de l’Environnement du Chili, Carolina Schmidt Zaldivar.
L’Espagne fournit la logistique. Le site des Nations Unies nous apprend que « la COP 25 présentera la multitude d’actions climatiques menées par les entités non-Parties et contribuera à stimuler l’action des régions, des villes, des entreprises, des investisseurs et de la société civile ». Une langue de bois qui n’a rien à envier à celle des dirigeants politiques. Selon le même site, la conférence comprendra la 25e session de la Conférence des Parties (COP 25), la 15e session de la Conférence des Parties faisant office de réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CMP 15) et la 2e session de la Conférence des Parties servant de réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA 2). La 51e session de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA 51) et de l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI 51) se tient du 2 au 9 décembre 2019. Que de sigles ! Pour quels résultats? Les premiers commentaires des journalistes spécialisés qui couvrent les COP, l’une après l’autre, ne sont pas réjouissants. Claude-Marie Vadrot, journaliste français qui a « suivi sur place avec tous leurs acteurs, officiels ou officieux, la plupart des conférences sur l’environnement et sur le climat depuis Stockholm, Rio, Johannesburg, Berlin, Kyoto, Bali, Paris, Katowice, ou Copenhague », a annoncé sur son blog et sur le site des JNE qu’il n’ira pas à Madrid pour la COP 25. « Tout simplement parce que je n’y crois plus », explique-t-il. « À lire les nouveaux avertissements des Nations Unies et des climatologues, je comprends, enfin penseront certains, que toutes les négociations n’ont servi et ne servent plus à rien », ajoute Claude-Marie Vadrot ,qui a décidé de ne plus s’associer « au théâtre d’ombres que sont désormais les conférences sur le climat dont trop de figurants ne rêvent que de la prochaine…».
Sans attendre les résultats de la COP 25, les regards se portent déjà vers la COP 26 qui aura lieu en 2020 à Glasgow (en Ecosse) et d’où devrait venir le succès. Il y en a qui y croient. Plusieurs milliers de personnes ont défilé, vendredi 6 décembre, dans la capitale espagnole pour mettre la pression sur les dirigeants réunis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Incontournable maintenant, la jeune Greta Thunberg a appelé à la responsabilité de tous.
Côté Algérie : le commissaire aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Noureddine Yassaa, est présent à Madrid aux côtés de la ministre de l’Environnement et des Energies renouvelables, Mme Fatima Zohra Zerouati. Dans les milieux officiels, on fait observer que la participation algérienne à la COP 25 « intervient à quelques mois de l’adoption du Plan national climat (PNC) pour la période 2020-2030, qui se veut un outil pratique pour appliquer la politique nationale de lutte contre les effets négatifs des changements climatiques sur plusieurs domaines vitaux qui se manifestent, souvent, par des variations climatiques brusques, la diminution du niveau de la production agricole, la baisse du niveau de l’eau et la dégradation de sa qualité, la hausse de la demande sur l’énergie et le déclin de la biodiversité, outre une hausse des températures et des incendies de forêts aux graves conséquences sur la santé, voire la vie des citoyens ». Ce plan consiste en 155 opérations et activités visant à la fois l’adaptation aux effets du changement climatique et l’atténuation par la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est prévu de prendre en compte la dimension Climat dans les différentes politiques publiques de développement en Algérie.
A travers les COP, le point de vue algérien est restée inchangé : « le traitement des questions climatiques doit reposer sur la responsabilité historique des pays développés, principaux générateurs de gaz à effet de serre, durant ces dernières décennies, ainsi que la prise en compte des différences entre ces pays et ceux en voie de développement ».
Pour rappel, l’Accord de Paris sur le climat, adopté en décembre 2015 et ratifié par l’Algérie en octobre 2016, vise à limiter le réchauffement climatique « bien en dessous » du seuil des 2 degrés Celsius, et encourage la poursuite des efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré Celsius. C’est le premier accord sur le climat à vocation universelle. L’Accord part du principe des « responsabilités communes, mais différenciées » inscrits dans la Convention de l’ONU sur le climat de 1992 : « les pays développés continuent de montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus » et les pays en développement « devraient continuer d’accroître leurs efforts d’atténuation ». L’Accord de Paris prévoit d’aider les pays en développement. Le financement promis à ces pays a été fixé à hauteur de 100 milliards de dollars par année jusqu’à 2020 (objectif prorogé à 2025), où il devrait être revu à la hausse. Cette question est encore floue.
Cet article est paru dans La Nouvelle République (Alger) du mardi 10 décembre 2019.