L’amiante est revenu dans l’actualité pour rappeler qu’il constitue toujours un gros problème d’environnement et de santé publique en Algérie, en dépit de l’assurance donnée par le ministre de l’Education nationale, Abdelhakim Belabed, qui a affirmé, au début du mois de septembre, à l’occasion de la rentrée scolaire 2019-2020, que le gouvernement avait décidé de mettre fin dans les écoles au préfabriqué contenant de l’amiante.
par M’hamed Rebah
Un mois après, début octobre, c’est le Premier ministre, Noureddine Bedoui, qui annonçait une accélération de la cadence de l’élimination de l’amiante de toutes les bâtisses et structures qui en contiennent. Une commission ministérielle a été chargée de les recenser et d’arrêter un calendrier pour l’exécution de cette opération dans les plus brefs délais. Au même moment (14 octobre 2019) notre confrère Le Quotidien d’Oran relayait l’inquiétude de parents d’élèves qui signalaient la présence d’amiante dans quatre salles de classes de l’école primaire où sont scolarisés leurs enfants.
Les parents d’élèves savent que l’amiante est un matériau cancérigène et ils savent aussi que beaucoup d’écoles en activité, datant de l’ère coloniale, en contiennent. C’est un problème sérieux, mais les autorités locales veulent rassurer. Selon notre confrère, « les services techniques de la commune d’Oran affirment que le nombre d’établissements scolaires contenant de l’amiante au niveau de la wilaya n’est pas important, et que plusieurs ont déjà fait l’objet de démolition ». Il y a deux ans, la direction de l’environnement de la wilaya d’Oran a recensé une quantité de 953 tonnes de déchets d’amiante générée annuellement, principalement par les travaux de réhabilitation et de démolition dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Un confrère a rapporté des cas où des habitants ont procédé eux-mêmes au désamiantage de leurs demeures et ont jeté les déchets « n’importe où ».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé l’amiante parmi les dix produits chimiques qui font partie de notre vie quotidienne, mais qui sont très dangereux et, mal gérés, peuvent poser un problème majeur de santé publique. Selon l’OMS, tous les types d’amiante entraînent un cancer du poumon, un mésothéliome, un cancer du larynx et un cancer de l’ovaire et une fibrose pulmonaire (asbestose).
Les spécialistes de l’OMS expliquent que «l’exposition survient lors de l’inhalation de fibres d’amiante en suspension dans l’air, sur le lieu de travail ou à proximité des usines où l’on manipule de l’amiante, ou présentes dans l’air à l’intérieur des logements et des bâtiments où l’on trouve des matériaux friables contenant ce matériau ». Pour éliminer les maladies liées à l’amiante, ils recommandent de « cesser d’utiliser ce matériau, sous quelque forme que ce soit; éviter l’exposition à l’amiante présente dans les bâtiments et l’exposition au cours de l’opération consistant à retirer les matériaux qui contiennent de l’amiante ayant servi au flocage d’un bâtiment; améliorer le diagnostic précoce et le traitement des maladies liées à l’amiante ; la réadaptation sociale et médicale; établir des registres des personnes exposées et/ou ayant été exposées à l’amiante ».
L’amiante a été systématiquement utilisé dans les constructions en Algérie, particulièrement dans les années 1980. En outre, ce minéral était transformé dans quatre cimenteries qui ont été fermées, mais on ne sait pas quel sort a été réservé aux usines privées qui utilisent de l’amiante. En Algérie, l’amiante a été banni à la fin des années 1990, mais ses effets persistent, non seulement dans les constructions, mais dans tous les produits où il se trouve incorporé, et à travers les poussières soulevées par ses dans ses déchets. Il y a quelques mois, des informations ont fait état de pièces détachées importées, refoulées au port d’Oran pour non-conformité, parmi lesquelles certaines contiennent de l’amiante. Les déchets d’amiante entreposés dans des terrains vagues sont facilement éparpillés par le vent. Ils continueront de constituer un danger sérieux pour la santé des populations tant que la question de leur élimination n’aura pas trouvé une solution définitive.
On ne sait rien de la mise à jour du cadastre national des déchets spéciaux qui permet de connaître et suivre l’évolution de leur production, à travers la quantification des déchets générés, stockés, valorisés ou traités et l’identification des sources de déchets et leur localisation, et sur la base duquel est élaboré le nouveau plan national de gestion des déchets spéciaux (PNAGDES). L’ancien PNAGDES a été élaboré en 2002 pour une durée de dix ans.
Le ministre de l’Intérieur vient de présenter devant le gouvernement un exposé qui fait le point sur l’élimination de l’amiante et avance des propositions pour mettre en place un mécanisme qui permettrait d’en finir avec les risques liés à ce matériau. En mai 2017, lors d’une journée de sensibilisation sur la sécurité et la santé au travail, organisée par le Centre hospitalo-universitaire de Tizi-Ouzou, un spécialiste de la médecine du travail a parlé de la difficulté à localiser le risque lié à l’amiante et à identifier les sources d’exposition des travailleurs à l’amiante : où se trouve ce matériau, quel sont les bâtiments et produits qui en contiennent, combien de travailleurs ont été exposées ? Enfin, les opérations de désamiantage dépendent de la mobilisation des ressources financières nécessaires.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du lundi 11 novembre 2019.
A lire aussi, un article du Monde sur l’amiante dans les écoles en France.