A l’issue de près de quarante années de vie professionnelle dans le domaine de la protection de la nature, à côtoyer les acteurs du monde rural (agriculteurs, forestiers, élus locaux, chasseurs, pêcheurs, propriétaires privés, administrations, associations de protection de la nature) et à m’intéresser aux relations entre l’Homme et la Nature sur les traces de François Terrasson, j’ai acquis la conviction qu’en France, le sentiment anti-nature est particulièrement bien ancré.
par Jean-Claude Génot *
Certes, je n’ignore pas que la régression de la nature est un phénomène mondial qui n’est pas spécifique à notre pays. J’ai avancé quelques hypothèses sur l’attitude anti-nature de la France dans un chapitre intitulé L’exception française dans un de mes livres (1). C’est pourquoi j’ai lu avec grand intérêt le livre de Valérie Chansigaud paru en 2017 : Les Français et la nature. Pourquoi si peu d’amour ? (2).
Dans ce livre, Valérie Chansigaud, qui étudie l’histoire de l’impact de l’homme sur la nature, a réuni de nombreuses données qui montre le retard des Français par rapport aux Anglo-Saxons et aux Allemands dans de nombreux domaines tels que les livres sur la nature, la photographie animalière, les documentaires naturalistes avec la première réalisation française un demi-siècle après les Britanniques, les émissions de télévision sur les animaux et les revues scientifiques sur l’écologie qui apparaissent dès le début du XXe siècle aux Etats-Unis avec Bulletin of the Ecological Society of America en 1917 tandis que son équivalent français le Bulletin de la Société d’écologie ne voit le jour qu’en 1969.
Parmi les grands voyageurs, géographes et naturalistes du XVIIIe et XIXe siècle, on retient les noms du Suisse Augustin Pyrame de Candolle (1778-1841), de l’Allemand Alexander von Humboldt (1769-1859), un pionnier de la biogéographie, et des Britanniques Alfred Russel Wallace (1823-1913) et Charles Darwin (1809-1882) à qui l’on doit la célèbre théorie de l’évolution par la sélection naturelle. Mais qui, en dehors des spécialistes, a retenu le nom du français Aimé Jacques Alexandre Goujaud dit Bonpland (1773-1858) alors que ce dernier a accompagné Humboldt en Amérique du Sud ? De plus, aucun concept fondateur de l’écologie scientifique n’est dû à un Français : les Allemands Haeckel (1834-1919) pour le terme écologie et Möbius (1825-1908) pour la biocénose, le Britannique Tansley (1871-1955) pour l’écosystème et l’écotope, le Russe Vernadsky (1863-1945) pour la biosphère, les Américains Clements (1874-1945) pour le climax, Soulé et Wilcox pour la biologie de la conservation et Wilson et Rosen (1930-2006) pour la biodiversité.
Humboldt mérite une mention spéciale car il s’agit bien d’un homme hors du commun. Pour ses contemporains, il était « l’homme le plus célèbre au monde après Napoléon » (3). Il était admiré de personnes aussi remarquables à leur époque que les poètes Emerson, Wordsworth et Goethe, un écrivain comme Thoreau, un scientifique comme Darwin que Humboldt a inspiré pour son expédition sur le Beagle et l’écriture de L’origine des espèces et des hommes politiques comme Jefferson et Simon Bolivar. Il a fréquenté tous les savants de son temps : Arago, Cuvier, Lamarck, Gay-Lussac et Laplace. Ce qui a rendu sa personnalité si marquante est, outre sa passion pour les sciences au sens large, son approche globale de la nature, son sentiment de nature et le parallèle qu’il faisait entre le sort des hommes et celui de la nature face à l’exploitation.
Enfin, il n’y a aucune personnalité chez nous qui puisse rivaliser avec les Américains Henry David Thoreau (1817-1862), John Muir (1838-1914) ou Aldo Leopold (1887-1948) qui ont fortement marqué leur époque et ont un écho encore aujourd’hui en dehors des Etats-Unis. Valérie Chansigaud aurait pu également rappeler que le premier parc national au monde a été créé en Amérique du Nord en 1872 et les premiers parcs nationaux européens en Suède en 1909, en Suisse en 1914 et en Italie en 1923, alors que le premier parc national français date de 1963.
Selon l’historienne, la plus grande indifférence à la nature des Français est une question de préjugés culturels. En matière d’idée préconçue, le sentiment hostile à la nature qui préside à l’époque des Lumières est illustré par cette célèbre citation de Buffon (1707-1788) : « La nature brute est hideuse et mourante ; c’est moi et moi seul qui peut la rendre agréable et vivante ». Buffon apporte la preuve qu’on peut décrire la nature et n’avoir aucune empathie pour elle, pire une forme de haine. De là ont découlé les assèchements de marais, les recalibrages de rivières et l’exploitation des vieilles forêts.
Comme autre exemple de préjugé, Valérie Chansigaud analyse les distinctions faites entre les différentes espèces vivantes, notamment celui qui conduit les scientifiques à consacrer 40 % de leurs articles aux mammifères alors que ces derniers ne représentent que 9 % des vertébrés. Elle nous rappelle également que dans l’art pariétal, la plupart de dessins ne concernent que des gros mammifères. Mais s’agit-il d’un préjugé ou d’une solidarité intra spécifique, car n’oublions pas que Homo sapiens est un mammifère. Qui plus est, les dessins des célèbres grottes préhistoriques rendaient hommage aux mammifères qui occupaient sans aucun doute une place de choix dans leur cosmologie.
Ainsi on peut également penser que c’est la fascination de l’homme pour le loup qui l’a conduit à domestiquer ce prédateur. D’ailleurs cette alliance entre l’homme et le loup domestiqué devenu chien est sans doute à l’origine de la réussite de l’homme moderne grâce à une chasse plus efficace (4). Quand des penseurs ont tenté de s’intéresser à la nature comme le géographe anarchiste Elisée Reclus (1830-1905), ils n’ont pas réussi à faire passer leurs idées vers la société civile et n’ont pas permis l’émergence d’associations ou d’organisations sociales qui agissent concrètement pour la nature comme ce fut le cas en Grande-Bretagne. Le géographe ne sacralise pas la nature comme Thoreau ou Muir parce qu’il est plus anarchiste que naturaliste et souhaite surtout s’opposer aux conservateurs qui utilisent la nature pour justifier l’asservissement de l’homme. Il est loin du militant de la cause sociale, animale et environnementale, Henry Stephens Salt (1851-1939), qui estime que la morale doit s’appuyer sur le fait que tous les êtres vivants sont parents. Une ébauche de l’éthique éco-centrée d’Aldo Leopold qu’on ne trouve chez aucun penseur français de cette époque. Qu’est-ce qui a manqué à Elisée Reclus pour être retenu dans l’histoire de la pensée écologique au niveau international ? Un manque de recul lié à son présupposé d’ordre moral selon lequel l’humanité pouvait être améliorée par la révolution alors que Salt considère la civilisation moderne comme une barbarie, ce que le XXe siècle va malheureusement confirmer. Un manque de lucidité à propos de l’influence négative de l’homme sur la nature alors que George Perkins Marsh (1801-1882) dans son ouvrage L’homme et la nature montre que les activités pastorales et agricoles peuvent mener à la désertification par érosion des sols et au déclin des civilisations. Enfin, on ne sent pas chez Reclus l’amour de la nature d’un Humboldt et sa citation sur le loup : « Voilà bien le compère malfaisant, perfide, sanguinaire, lâche et vil de toutes façons ! » (5) ressemble plus à une saillie de Buffon qu’à une ode à la nature de Thoreau. On ne peut manifestement pas faire un bon avocat de la nature avec de telles opinions !
Pour Valérie Chansigaud, c’est le manque de soutien populaire aux défenseurs de la nature et le mode de scrutin électoral majoritaire qui explique la faiblesse des écologistes sur le plan politique et l’absence de prise en compte de la nature par les divers gouvernements. Pourtant la loi de protection de la nature rappelle que cette dernière est d‘intérêt général. Mais que vaut l’intérêt général face à la pression des intérêts particuliers ? L’auteure souligne que si la protection de la nature est mal considérée par les défenseurs des causes sociales, c’est parce qu’elle est éloignée des problèmes sociaux et politiques. Mais pourquoi ne reproche-t-on pas aux organisations telles que les syndicats, les associations de consommateurs, les associations familiales et autres ONG caritatives de ne pas se sentir concernées par la nature alors que nous lui devons tout, que l’on soit riche ou pauvre, malade ou en bonne santé, ouvrier ou professeur ? Comme le disait Romain Gary (1914-1980), cité dans le livre : « Ce n’était pas la peine de défendre ceci ou cela séparément, les hommes ou les chiens, il fallait s’attaquer au fond du problème, la protection de la nature ». L’intérêt pour la nature est une question de sensibilité et celle-ci peut être suscitée par de nombreux moyens, à une seule condition : que la protection de la nature devienne un projet de société fédérateur, ce que Valérie Chansigaud appelle de ses vœux avec ces mots : « un idéal politique mêlant démocratie et pluralisme ».
L’auteure n’a pas manqué de citer François Terrasson, qui s’est intéressé très tôt au désamour de ses contemporains vis-à-vis de la nature. Mais étrangement elle retient comme explication au rejet de la nature, le besoin de socialisation de l’être humain en utilisant une citation de Terrasson qui est loin d’être le cœur de sa pensée. D’abord, les défenseurs de la nature sont majoritairement des urbains, des êtres sociaux s’il en est, ce qui n’enlève rien à leur attrait pour le sauvage bien au contraire. La nature constitue un antidote à la vie trépidante des villes. Ensuite, c’est mal connaître Terrasson que de faire l’impasse sur la peur de la nature et le phénomène de double contrainte (6), pour expliquer ce réflexe psychologique anti-nature. Les gens ont peur de ce qu’ils ne contrôlent pas et ont du mal à admettre que la nature existe en dehors de l’humanité. Ils se comportent comme des schizophrènes : attirés par la nature libre et immédiatement pris d’une volonté irrépressible de la contrôler. En effet, cette peur et cette volonté de contrôle sont entretenues par tout un ensemble de messages qui s’adressent à nous directement ou indirectement, nous influencent, parfois à notre insu, et nous conditionnent dans nos comportements et nos représentations, ce sont ce que Terrasson a nommé les « Eléments de Conditionnement Mental ».
Il y aurait un champ à explorer sur la façon dont la nature est traitée par la publicité, les médias, l’enseignement, l’art et les défenseurs de la nature eux-mêmes. De plus, pour Terrasson c’est toute la civilisation occidentale qui est anti-nature (7) et pas uniquement la France. Ainsi la Ligue pour la Protection des Oiseaux a nettement moins d’adhérents que la Société Royale pour la Protection des Oiseaux (RSPB), mais cela ne fait pas pour autant de la Grande-Bretagne un pays où la nature sauvage se porte bien si l’on en croit le journaliste George Monbiot (8) pour qui les défenseurs de la nature britanniques sont « dendrophobes » et livrent les aires protégées de son pays à la dent de la « vermine laineuse », comprenez les moutons. Le pays aime les paysages ouverts entièrement façonnés par l’homme mais pas la nature en libre évolution. Au final, l’ouvrage de Valérie Chansigaud constate le retard des Français dans un certain nombre de domaines relatifs à la nature sans vraiment donner de précisions sur les facteurs explicatifs à l’origine des préjugés culturels.
Dans un texte relatif à une approche française de la protection de la nature fondé sur son expérience personnelle, Lucien Chabason (9) explique les faibles performances de notre pays en la matière. Cet énarque a dirigé le cabinet de Brice Lalonde quand ce dernier était ministre de l’Environnement et a travaillé au ministère de l’Environnement dix ans entre 1978 et 1988 ; il est conseiller auprès de la direction de l’Institut du développement durable et des relations internationales depuis 2005. Ce témoin privilégié du fonctionnement du « ministère de l’impossible » (surnom donné par le premier ministre de l’environnement Robert Poujade) estime que ce ministère n’a jamais eu les moyens de mettre en œuvre efficacement une politique en faveur de la nature car il dépend du corps des ingénieurs du génie rural des eaux et des forêts (IGREF), corps d’Etat en conflit d’intérêt permanent avec ses missions en faveur d’une politique agricole productiviste. La France a effectivement une spécificité relevée par Lucien Chabason : « Le paysan est devenu une figure centrale et intouchable de la République ». Dès lors, tout projet visant à améliorer le sort de la nature dans l’espace rural est soit affaibli, soit supprimé car selon lui : « l’intérêt général est constamment subordonné aux intérêts particuliers professionnels de court terme ». Voilà enfin identifiée une cause principale de cette protection de la nature « à la française » pour reprendre l’expression de Chabason. Cette survalorisation du paysan, qu’on ferait mieux de nommer exploitant agricole, qui a trop longtemps prévalu en France, repose sur la glorification des paysages ruraux façonnés par l’agriculture alors même que les pratiques ont changé. Elles sont aujourd’hui très intensives, à l’origine de certains scandales sanitaires et en train de nous mener au « printemps silencieux » (je veux parler de la réduction d’un tiers des populations d’oiseaux des campagnes en 15 ans établie par le CNRS et le Muséum National d’Histoire Naturelle).
Ainsi avec le soutien de l’Etat, des élus locaux et mêmes de nombreux gestionnaires d’espaces naturels, le pâturage va de soi dans les zones centrales des parcs nationaux de montagne et dans de très nombreuses réserves naturelles qui devraient être avant tout des sanctuaires pour la faune sauvage, grands prédateurs compris. Une transformation radicale des paysages ruraux français a eu lieu à partir des années 50 pour moderniser l’agriculture sous la conduite de l’Etat et de ses ingénieurs du génie rural, d’autant plus efficace que la France est centralisée et qu’elle a voulu faire de son agriculture une force de frappe économique. Cette politique a été dévastatrice car elle a détruit les paysages diversifiés de bocage, de prairies humides et de vergers traditionnels riches en biodiversité. Après plus d’un demi-siècle de cette politique, le constat est désastreux : paysages désolants, produits agricoles, sols et nappes phréatiques contaminés par les pesticides, effondrement de la biodiversité.
Dès lors, toute tentative pour restaurer la diversité naturelle dans l’espace rural est vidée de son sens, à l’image des mesures agri-environnementales, de la politique Natura 2000 et de la trame verte et bleue. Malgré les données qui s’accumulent sur les méfaits des pesticides agricoles, l’Etat continue de soutenir à bout de bras ce modèle non durable, pire il a inspiré la Politique Agricole Commune de l’Union Européenne. Cette vision de la protection de la nature dite « contractuelle » à la place du réglementaire montre depuis longtemps ses limites. Ceux qui avaient encore des illusions les ont entièrement perdues à l’issue du Grenelle de l’environnement. En effet dans la loi du Grenelle 1 (article 23), les plans de conservation de la nature doivent être compatibles avec les activités humaines mais pas l’inverse (10).
S’il fallait encore une illustration de l’anti-modèle de protection de la nature « à la française », la comparaison de la protection des forêts en France et en Allemagne est édifiante. Les deux pays se sont dotés d’une stratégie en faveur de la biodiversité. En France, la protection stricte en réserve intégrale et en îlots de sénescence doit représenter 1 % des forêts domaniales contre 10 % en Allemagne (en Rhénanie-Palatinat, ce seuil est presque atteint d’après G.J. Wilhelm, conseiller forestier auprès de la ministre de l’environnement et des forêts du Land). Quand les Romains ont envahi la Gaule en 52 avant notre ère, nos ancêtres vivaient depuis longtemps dans des paysages ouverts et les légions de César n’ont eu aucun mal à assiéger les villes et villages des Gaulois (11). Quand ils se sont attaqués aux Germains, ceux-ci vivaient dans de vastes forêts, entrecoupées de marécages impénétrables aux troupes romaines qui ont renoncé à envahir la Germanie. Les Allemands sont des « fils » de la forêt et leur attitude vis-à-vis de la protection des milieux forestiers aujourd’hui puisent dans cet héritage. En France, non seulement la forêt en libre évolution est intolérable philosophiquement à bon nombre de technocrates forestiers mais en plus le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt lui a assigné une autre tâche dans le récent plan national de la forêt et du bois 2016-2026 : « Adapter les sylvicultures pour mieux répondre aux besoins des marchés » (12). Une fois de plus, c’est la demande des intérêts de la filière bois qui est satisfaite sans aucune compensation écologique ni approche globale. On retrouve en forêt publique les mêmes réflexes des ingénieurs du génie rural que ceux mis en application en agriculture : une vision purement économique à court terme au détriment d’une approche globale d’intérêt général, longtemps mise en avant sous l’appellation de gestion multifonctionnelle balayée par le « produire plus » issu du Grenelle de l’environnement.
La France n’est définitivement pas un modèle en matière de protection de la nature. Il suffit de lire le tableau de bord des aires protégées 2018 de l’UICN France (13) pour s’en convaincre. Depuis 20 ans, le pourcentage des aires protégées de façon réglementaire en métropole stagne autour 1 à 1,4 %. Et encore, il suffirait de regarder les modalités de gestion de certaines de ces aires protégées pour souligner encore et toujours l’exception française avec une multiplicité d’activités humaines tolérées, voire promues, dans les réserves naturelles ou les zones cœur des parcs nationaux comme l’élevage, la chasse ou l’exploitation forestière. Alors d’où vient cette antipathie face à la nature, partagée par une majorité de nos concitoyens et incarnée chez nos décideurs, nos ingénieurs et nos penseurs ? La complexité de la construction des valeurs individuelles et collectives devrait nous conduire à rester prudent et ne voir qu’un pur hasard dans le retard français en matière de protection de la nature. Mais comment ne pas évoquer certains faits qui ont façonné la société française et peuvent expliquer cette position dominante anti-nature ? Le fait religieux car nous avons vécu longtemps sous l’influence d’une religion catholique qui a beaucoup contribué à éloigner l’homme de la nature. A ce propos la France n’a pas été considérée comme la fille aînée de l’église pour rien et la laïcité proprement française est bien à la mesure de la réaction à l’ancienne emprise religieuse sur la société. Par ailleurs les autres grandes religions monothéistes qui ont cours en France s’alignent sur la religion chrétienne pour ce qui est de considérer l’homme comme un sujet et la nature comme un objet.
Le fait rural qui s’exprime par la déforestation pour développer l’agriculture est sans conteste un élément ancré depuis au moins l’âge de bronze dans notre pays, même si la glorification du paysan relève de la période moderne. Le fait métaphysique cartésien car il extrait l’homme de la nature et a influencé profondément la science moderne. Le fait politique avec un centralisme ravageur quand il s’agit d’appliquer des mesures sans aucune considération pour la nature, avec des ingénieurs d’Etat, tous nourris des mêmes dogmes du progrès. L’exemple illustrant parfaitement cette spécificité anti-nature est l’attitude française face aux grands prédateurs (ours, loups). A ce propos, je ne résiste pas au plaisir de citer ce journaliste allemand du Süddeutsche Zeitung qui, en s’exprimant sur l’hystérie provoquée par les loups en France, donne son point de vue sur la relation des Français au sauvage : « Car la France est tout simplement le pays où a été suivi à la lettre le commandement de Dieu d’assujettir la terre, jusqu’aux haies de buis taillé. Ici, plantes et animaux sont traités avant tout en fonction de leur utilité, d’où une grande richesse du pays en savoureux produits du terroir, du vin à la viande d’agneau en passant par les fromages. Et c’est dans ce monde façonné par l’homme pour ses semblables que le loup sauvage fait aujourd’hui irruption » (article paru dans Courrier international du 1er au 21 août 2013). Si on pense comme Henry David Thoreau que la sauvegarde du monde est dans le sauvage, alors notre pays est mal parti…
*Ecologue
1 Génot J.-C. 2014. Plaidoyer pour une nouvelle écologie de la nature. L’Harmattan. 184 p.
2 Chansigaud V. 2017. Les Français et la nature. Pourquoi si peu d’amour ? Actes Sud. 187 p.
3 Wulf A. 2017. L’invention de la nature. Les aventures d’Alexander von Humboldt. Les Editions Noir sur Blanc. 636 p.
4 Durand S. 2018. 20 000 ans ou la grande histoire de la nature. Actes Sud. 240 p.
5 Reclus E. 1998. Histoire d’une montagne. Actes Sud. Babel. 227 p.
6 Génot J.-C. 2013. François Terrasson. Penseur radical de la nature. Editions Hesse. 237 p.
7 Terrasson F. 2008. La civilisation anti-nature. On ne peut pas vivre en parenté avec la nature sans comprendre ce que nous sommes. Sang de la Terre. 293 p.
8 Monbiot G. 2013. Feral. Searching for enchantment on the frontiers of rewilding. Allan Lane. 317 p.
9 Chabason L. 2013. Existe-t-il une approche française de la protection de la nature ? In Mathis C.-F. & Mouhot J.-F. 2013. Une protection de l’environnement à la française ? (XIXe –XXe siècles) : 335-340.
10 voir 1
11 voir4
12 Programme national de la forêt et du bois 2016-2026. Projet présenté au conseil supérieur de la forêt et du bois le 8 mars 2016. Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. 60 p.
13 UICN Comité Français. 2018. Tableau de bord des aires protégées françaises 2018. Rapport. 186 p.