La réunion gouvernement-walis (NDLR : hauts fonctionnaires de l’Etat qui dirigent les wilayas, collectivités territoriales décentralisées), tenue mercredi 28 et jeudi 29 novembre 2018, à Alger, est loin d’avoir fait la part belle à l’écologie locale, et si, finalement, celle-ci a été prise en compte, c’est par le biais de l’économie d’énergie imposée par les restrictions budgétaires qui ne permettent plus le financement des excès dans l’éclairage public ni le gaspillage dans la consommation d’électricité des administrations et établissements relevant des communes.
par M’hamed Rebah
Les inquiétudes créées par la situation financière du pays poussent à la «rigueur» dans les dépenses publiques, en premier lieu celles des collectivités locales. Les gestionnaires locaux doivent faire baisser la consommation d’énergie, non pas pour des raisons écologiques ou de développement durable, mais parce que l’Etat n’a plus suffisamment d’argent pour s’offrir le gâchis qui a caractérisé, dans ce domaine, les périodes fastes d’avant la chute des prix du pétrole sur le marché mondial. Le ministre de l’Energie, Mustapha Guitouni, a fait savoir aux walis que la consommation d’électricité des communes – dont plus de la moitié va à l’éclairage public – constitue 8 % de la consommation nationale de cette énergie. L’efficacité énergétique a toujours été une notion inconnue des administratifs et élus qui gèrent les communes, en dépit des appels qui leur sont lancés fréquemment par les autorités centrales, pour la rationalisation de la consommation énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables.
Le retard dans ce domaine apparaît à la lecture des recommandations issues des travaux de l’atelier « Service public de proximité », organisé dans le cadre de la rencontre Gouvernement-walis. Elles portent sur « la nécessité de mettre en place des mesures institutionnelles et réglementaires permettant de généraliser l’utilisation des énergies renouvelables et de rationaliser la consommation d’énergie au niveau des collectivités locales et de l’ensemble des secteurs ». Comme si rien n’avait déjà été fait dans ce sens. Pourtant, il existe une circulaire signée conjointement par le ministère de l’Energie et celui de l’Intérieur – qui a également en charge les départements des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire – pour demander aux collectivités territoriales de limiter la consommation de l’énergie et d’introduire les énergies renouvelables. Le ministère de l’Energie a signé aussi un mémorandum de coopération avec le ministère des Travaux Publics et des Transports, à propos de la transition énergétique, mais destiné surtout à alléger la facture de carburants des collectivités locales, par la rationalisation de la consommation d’énergie, la promotion du GPL (gaz de pétrole liquéfié) et du GNC (gaz naturel carburant), et la réduction de l’usage du gazole et de l’essence.
Qu’est-ce qui bloque, sur le terrain, la concrétisation des bonnes intentions des pouvoirs publics ? En fait, les assemblées populaires communales (APC) concernées n’ont pas les ressources humaines nécessaires à une démarche de transition énergétique. De plus, leur mode de fonctionnement, marqué par des réticences à faire participer les élites à la gestion locale, les prive de capacités humaines « dormantes », disponibles. Les plans élaborés d’en haut ne sont pas accompagnés par un effort de mobilisation des moyens humains pour les mettre en œuvre. Le personnel chargé de l’application des mesures décidées par les cadres des ministères et par les membres des «commissions intersectorielles», ne reçoit pas la formation exigée par les activités qui en découlent. Quand, en plus, ce personnel est faiblement motivé, voire pas du tout, ni moralement, ni financièrement, il ne faut pas s’attendre à ce que les objectifs prévus soient atteints. C’est le cas pour la démarche d’économie d’énergie comme pour le reste des préoccupations environnementales à caractère local : valorisation des déchets ménagers, économie d’eau, amélioration du cadre de vie… Sur ces questions, l’impression de faire du surplace, ou, parfois, pire, de régresser, correspond malheureusement à la réalité. Pour la gestion des déchets ménagers et l’hygiène publique, c’est carrément l’impasse. En février 2017, alors ministre des Ressources en eau et de l’Environnement, Abdelkader Ouali avait évoqué un projet de charte communale de l’environnement (CLE) tournée vers l’action, impliquant tous les acteurs locaux : citoyens, institutions, opérateurs économiques. Une bonne idée tombée dans l’oubli.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du mardi 4 décembre 2018.