COP 23 : a-t-on le droit de rester optimiste ?

Les ONG sont dans leur rôle de ne jamais se satisfaire des avancées onusiennes. C’est d’ailleurs peut-être grâce à cette « pensée unique », souvent relayée par une majorité de journalistes, que la pression reste maintenue sur les Etats.

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Plaidoyer des Iles Fidji pour rester ambitieux pour les générations futures lors de la séance plénière du 15 novembre 2017 de la COP 23 de Bonn

Mais une vision des choses peut en cacher une autre. Il y a eu de réelles avancées durant ses jours 15 jours de la COP23 à Bonn en Allemagne.

Rappels des objectifs de cette COP 23

Il s’agissait de poursuivre le travetats-Unisail de la COP 22 à Marrakech : la mise en oeuvre de l’Accord de Paris, le plus gros traité de l’ONU quasi-universel (seuls les USA ne l’ont pas signé), de 2015. Il a fixé l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2° C alors qu’actuellement, on se dirige vers un réchauffement catastrophique de 3° C.

On a dit cette COP très technique. C’est vrai :

  • Elle n’était pas ouverte au grand public. Son accès était limité aux Etats et aux représentants de la société civile : ONG, entreprises, syndicats, associations, peuples autochtones, collectivités …
  • Les Etats ont travaillé sur différents points pour préparer la future COP 24 de Pologne à Katowice. En 2018, les Etats sont censés présenter les efforts qu’ils ont fait, qu’ils sont prêts à faire et leur budget alloué. C’est le fameux dialogue de facilitation de Talanoa. Tout l’enjeu est d’atteindre l’objectif Zéro Gaz à Effet de Serre (GES) en 2050.
  • Les négociateurs ont travaillé également sur la mise en place de règles afin de vérifier les efforts de chacun, avec un principe de non-régression : ceux qui s’engagent, ne peuvent pas faire moins que l’année suivante.

Que l’on ne se trompe pas, cette COP était technique mais pas ratée, elle a connu des avancées. Et les grandes annonces seront prévues pour la future COP 24 de Pologne, en 2018.

L’urgence à agir, tous les voyants sont au rouge

Nous sommes aujourd’hui sur une trajectoire qui nous mène vers un réchauffement climatique de 3degrés.  Cela s’est accéléré depuis 2015. Il faut donc viser comme objectif de ramener le réchauffement climatique à 1,5° C. Pour ça, le calendrier des actions est fixé sur deux horizons : stabilisation des GES d’ici 2030 et division par deux (par 4 pour les pays riches comme la France, c’est le facteur 4) d’ici 2050, si on ne veut pas perdre le contrôle du climat.

Que retenir de positif de la COP 23 ?

  • Au niveau agricole, ça fait 6 ans que les Etats n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur de nouveaux modèles. On sait que les pesticides, l’élevage intensif et l’industrie agro-alimentaire représentent un tiers des gaz à effet de serre. Ca y est, un accord a été trouvé, ainsi que des financements, pour aller notamment vers l’agro-écologie et renforcer la sécurité alimentaire. C’est une sacrée évolution des mentalités, alors que jusqu’à maintenant, on se concentrait uniquement sur le problème des énergies fossiles.
  • Une autre évolution des mentalités : on fait enfin le lien entre commerce et changement climatique. C’est nouveau. Certains accords sont climaticides. C’est pourquoi la France demande que les négos en cours au niveau du CETA (accords transatlantiques censés faciliter le commerce entre l’Europe et le canada) prennent en compte la transition écologique. Et que les futurs accords avec le Japon et le Mercosur reconnaissent la supériorité du droit environnemental sur le droit commercial, selon l’Accord de Paris. L’idée est qu’à terme, un accord de commerce ne puisse pas accélérer l’émission de gaz à effet de serre.
  • Le Suisse Bertrand Piccard a annoncé la création de l’Alliance Mondiale pour les Solutions Efficientes avec à ses côtés, le Prince Albert II de Monaco. On se souvient, il avait fait le tour du monde avec son avion solaire Solar Impulse. Il a décidé de recenser plus de 1000 technologies propres dans le monde et de les soutenir financièrement. On peut déjà poster son projet sur son site http://www.solarimpulse.com
  • Une forte mobilisation américaine, des villes et des Etats, malgré la position de Trump de se retirer de l’Accord de Paris. Elles ont créée une plate-forme  : Centre d’action climatique des Etats-Unis. Et plus généralement, elles étaient plus de mille à venir du monde entier le 2e week-end, pour exprimer des revendications, transmises ensuite aux négociateurs. Leur souhait : relever l’ambition des plans climat de chaque pays. En parallèle, ça permet aux villes et régions de renforcer leurs coopérations dans ce domaine.
  • La Déclaration des droits et des devoirs de l’humanité est de plus en plus reconnue. Elle a été lancée à la COP 21, elle est portée par Corinne Lepage et de plus en plus de pays, de villes, d’entreprises la signent. Cette déclaration réaffirme le lien entre l’humain et l’environnement.
  • Les pays du G77 se sont sentis entendus (coalition de 77 pays en voie de développement) grâce à cette présidence assurée par les Iles Fidji, même si certains trouvaient qu’ils manquaient de fermeté dans les négociations et les revendications. D’ailleurs, il a été annoncé que les Iles Fidji devraient garder la main sur ce dialogue de Talanoa tout au long de 2018, y compris pendant la COP 24, en tandem bien sûr avec la Pologne qui prendra la présidence au 1er jour de la COP 24. En effet, le maintien du leadership fidjien sur le dialogue de Talanoa (plutôt que la transmission à la Pologne) est considéré par beaucoup de pays comme une garantie de plus grande ambition pour ce dialogue.
  • Il y a toujours autant d’enthousiasme du côté de la société civile (les associations, les entreprises, les ONG, les peuples autochtones). Chaque pavillon des différents pays rivalise d’imagination en terme de décoration et d’animation. Ils organisent beaucoup de conférences, d’évènements culturels. L’objectif est que tout le monde se croisent, présentent leurs expériences, tissent de nouvelles relations. Car on sait que 70 % des changements viendront des territoires et de la société civile.
  • Du côté des pays industrialisés, on a vu que la France et l’Allemagne ont pris le leadership sur les questions du climat. C’est assez rare que sur des COP techniques, des chefs d’Etats se déplacent. Or Emmanuel Macron et Angela Merkel étaient présents mercredi dernier.
  • La Chine et l’Inde ont décidé d’accélérer les investissements dans les voitures électriques.
  • Et pour la première fois, une coalition de 25 pays a été créée pour étudier la fin des centrales à charbon dans le monde. C’est un vrai challenge, face aux puissants lobbys de nombreux pays qui pour l’instant freinent sur ce point, notamment la Pologne qui accueille la COP 24 l’année prochaine.

Ce qui reste à faire

  • Accélérer la recherche de financements, pour faire face à la déforestation qui continue et pour soutenir les Etats les plus vulnérables. On craint une nouvelle tension entre les pays industrialisés et ceux en voie de développement. On sait qu’il faut trouver 100 milliards d’euros par an. On n’y est pas du tout. Le Fonds Vert, qui a recueilli une promesse de dons de 10 milliards, commence à être distribué aux pays du G77. Mais certains experts qui tentent d’accompagner ces Etats, soulignent le problème de la corruption localement, qui détourne les fonds.
  • Organiser la fermeture des centrales à charbon extrêmement polluantes. De nombreuses manifestations ont eu lieu d’ailleurs en Allemagne, dénonçant son modèle de centrales à charbon. L’année prochaine, la COP 24 aura lieu en Pologne, qui a également de nombreuses centrales du même type et qui est assez réfractaire à remettre en cause son modèle. L’accueil de la 24e COP fera peut-être bouger les lignes.
  • Bettina Laville, qui dirige le Comité 21 et qui suit les COP depuis 23 ans, constate également que les Etats ne sont pas allés assez vite dans la préparation de la COP 24.  Les Etats doivent mettre les bouchées doubles dans les 12 prochains mois.
  • Certaines grandes entreprises ont été dénoncées par les ONG, comme le Groupe AXA, qui détient tout de même 848 millions de dollars en actions et obligations dans des entreprises développant les centrales à charbon (rapport Les Amis de la Terre France). BNP Paribas a également été dénoncée par le Réseau Action Climat. On voit que les entreprises, malgré un puissant greenwashing, ne sont pas toujours de bonne foi.
  • Trois millions d’euros annoncés par Nicolas Hulot le 16 novembre pour financer des technologies propres via la plateforme : http://www.monprojetpourlaplanète.fr

 

Qu’attendre du Sommet du climat le 12 décembre 2017 à Paris ?

Ce Sommet interviendra 2 ans après la signature de l’accord de Paris, 20 ans après le protocole de Kyoto, le premier qui annonçait la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

Selon des journalistes rencontrés à la COP 23, l’idée de ce sommet aurait été glissée à l’oreille d’Emmanuel Macron, par le patron de la Banque Mondiale, au printemps dernier.

L’objectif est de :

  • se concentrer sur l’aspect du financement pour aider les Etats les plus vulnérables et de mobiliser davantage le secteur privé.
  • en off, renforcer le leadership d’Emmanuel Macron sur les questions du climat et de faire revivre le « Make our planet great again », lancé par le président le 1er juin lors du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris.

Ce sommet se déroulera du 12 au 14 décembre à La Seine Musicale, sur l’île Seguin (Hauts-de-Seine) et s’articulera autour des allocutions de dirigeants et de personnalités, de la présentation de projets innovants et de la tenue de quatre tables rondes toutes orientées vers les problématiques financières : comment soutenir la transition énergétique des territoires, avancer vers l’économie bas carbone et l’adaptation au changement climatique, mobiliser les financements publics, verdir la finance privée ?

Comment était l’ambiance sur place à la COP ?

Au sein de la COP, on a senti beaucoup d’énergie. Clairement, il y avait 2 groupes, celui des négociateurs et celui de la société civile. Ils se croisaient de temps en temps bien sûr.

Dans les salles des négociations, c’était très sérieux, les journalistes ne pouvaient pas assister aux réunions. Il y avait les salles plénières où intervenaient les ministres ou les présidents, comme ça a été le cas mercredi 15 novembre avec Emmanuel Macron.

Entre le site des négociations et le site de la société civile qui regroupe les ONG, les pavillons nationaux, les entreprises, les peuples autochtones, il y avait près de 20 mn de déplacement. Certains ont trouvé que cela compliquait les relations entre les négociateurs et les acteurs de la société civile.

Qu’en ont pensé les habitants de Bonn ? 

Nombreux sont ceux qui étaient ravis que cet évènement se passe chez eux. C’est une ville nostalgique du temps où elle était la capitale de l’Allemagne de l’Ouest. Avec la réunification, la ville a perdu beaucoup de ministères, les ambassades et une aura internationale. Aujourd’hui, ses principales activités sont celle des télécoms, des activités de quelques ministères et du siège allemand de l’ONU.

Ses habitants sont par ailleurs très sensible aux questions de la pollution et du changement climatique. A quelque 60 km de Bonn, près d’Aix-la-Chapelle, se trouve une des plus importantes mines de charbon à ciel ouvert, dévastatrice pour l’environnement. Elle a déjà déplacé des villages entiers et émet beaucoup de gaz à effet de serre.

Il paraît donc primordial de faire remonter auprès du grand public des annonces positives de la COP 23 car n’oublions pas  : « 100 % du public est au courant du réchauffement climatique. Seuls 10 % se mettent en action. Il faut convaincre les 90 % restants » (Hervé Pignon, directeur régional Hauts-de-France de l’Ademe)
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A voir pour découvrir les coulisses de la COP 23 : les vidéos du Youtuber Vincent Verzat et Facebook Partager c’est sympa.

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Cet article a été d’abord été publié sur le blog DD-Lab
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