Franc succès pour le cru 2017 Climate Chance à Agadir, au Maroc.
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par Dominique Martin Ferrari
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Passés les couacs inhérents au « badging » et les surchauffes internet, les trois jours de rencontres ont été des plus fructueux. L’accueil de la région de Souss n’a pas fait mentir les traditions d’hospitalité marocaines, et malgré les 5000 inscrits (et un peu moins de présents) on a pu apprécier cette réunion à taille humaine sans rapport avec la folie des COPs.
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Quel était l’enjeu ?
Les acteurs non étatiques : collectivités territoriales, syndicats, secteur privé et public, jeunes, femmes…tentent depuis quelques années de se faire entendre , et mieux encore, à faire reconnaître leur message par les Etats qui sont les signataires des grands accords mondiaux sur le climat. Certes, l’étape COP est indispensable pour formaliser, légiférer, officialiser les engagements à échelle mondiale. Mais il faut tant de temps pour tomber d’accord que pendant ce délai, le réchauffement s’accélère. « Nous n’avons plus le temps », ont rappelé les orateurs lors de l’ouverture. Des élus ont donc jugé pertinent de créer des ponts entre tous ces acteurs non étatiques et de rassembler leurs actions pour plus d’efficacité.
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Faire des ponts. La route fut longue
Dès avant Copenhague en 2010, la CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis) et d’autres associations d’élus se préoccupent du sujet et tentent d’organiser les réseaux de collectivités. D’autres vont plus loin. Parmi eux, le sénateur Ronan Dantec, alors en charge du projet Nantes ville verte. Il veut créer un lieu où les acteurs non étatiques se retrouveraient. La démarche fut construite à Nantes avec Ecocity, en septembre 2013. Mais le texte final défendant spécifiquement la ville durable est d’abord mal reçu à New York au siège de l’ONU, puis les signatures affluent.
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Le premier sommet climat et territoires à Lyon est un succès. On ne peut parler d’une vision claire des participants, mais « c’est une auberge espagnole où chacun trouve son bonheur. Tous ceux qui ont envie de dire quelque chose d’intéressant peuvent venir », précise Ronan Dantec. N’hésitant pas à expliquer : « On s’est inspiré d’Ecocity Montréal en 2011, d’Ecoville de Casablanca, initiative des élus africains où l’on avait assisté à un bouillonnement et à l’expression commune des acteurs. »
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Nous sommes à la fin d’un cycle, le lobby COP ne peut plus suffire.
Au lendemain de la COP 21, l’association Climate Chance est créée. Moins confortable pour les acteurs habitués au lobbying classique, les acteurs non étatiques peuvent y parler aux financiers, échanger en direct : le directeur de la Caisse des dépôts parle avec un universitaire lillois, Mestrallet (ex PDG d’Engie) discute avec les maires des communes marocaines et les conseille sur le montage financier de leurs projets. Ce type de lobbying n’existe pas à la COP, où la Banque mondiale reste maîtresse du jeu.
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Qu’en sortira-t-il ?
L’objectif des acteurs non étatiques est de devenir des associés au texte de facilitation de 2018. Texte qui selon l’accord de Paris devra analyser et évaluer les efforts d’atténuation, préciser les règles du jeu d’un nouveau système en vue de renégocier en 2020 les insuffisances et l’aggravation des phénomènes.
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Les acteurs de Climate Chance veulent délivrer des messages, travailler ensemble dans le cadre de coalitions thématiques en vue de structurer leurs échanges et de renforcer leurs actions climatiques concrètes et ainsi, mieux peser dans les débats ; ils espèrent en particulier renforcer les actions partout et dans tous les secteurs au sein des coalitions afin d’influer l’ambition pré-2020. La présence de Maria Spinoza, présidente de la CCNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques), a conforté l’importance de la réunion : « son équipe va regarder l’appel final », espère Ronan Dantec. Les acteurs français seront également un lobby fort, réuni le 10 décembre à Paris avant le sommet climat prévu par le président Macron le 12.
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C’est devant une salle pleine – ce qui est rare dans une réunion de clôture – et alors qu’une réunion de la CCNUCC avait démarré que fut lue dans l’enthousiasme la Déclaration d’Agadir de quatre pages rappelant tous ces espoirs. Les femmes, les jeunes toujours relégués ont apprécié d’y tenir une place dès le préambule.
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En conclusion, la championne marocaine du climat Hakima El Haité est venue secouer une dernière fois l’auditoire : « Avant, l’Afrique portait toute la misère du monde, sécheresse, manque de nourriture, sols épuisés… Aujourd’hui, les pays riches sont confrontés aux mêmes catastrophes liées au réchauffement climatique. Que l’on soit un pays dit plus développé ou que l’on soit le plus pauvre, la nature ne fait pas de concessions. »
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