Les JNE et l’AJE (Association des journalistes de l’environnement) ont organisé le mercredi 4 janvier 2017 à la mairie du IIe arrondissement de Paris un petit déjeuner avec Yannick Jadot, candidat des écologistes pour la présidentielle 2017.
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par Michel Sourrouille
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Yannick Jadot est le candidat des écologistes pour la présidentielle 2017, il en sera le 8e depuis René Dumont en 1974. Il trace les grandes lignes de la situation actuelle : « la science est affirmative sur la dégradation de environnement, le débat est omniprésent, mais il n’y a aucun dynamique politique. C’est étonnant alors que dans le même temps, certaines entreprises évoluent dans le bon sens. Il faut échapper à la deux tentations, celle du gouffre qui fait tomber dans les extrêmes comme aux Etats-Unis, et celle de la négation de la question écologique dont la primaire de droite a été une excellente illustration. Il s’agirait d’un incroyable retour en arrière de la pensée politique. »
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Il répond ensuite aux questions des journalistes. Nous reproduisons l’essentiel de ses réponses.
– au niveau constitutionnel : Yannick Jadot prévoit une troisième chambre qui se préoccupera uniquement du long terme et aura un droit de veto quand une loi ne suivra pas la feuille de route de l’écologie. Sa compétence sera large puisque tous les sujets de société peuvent être traités au prisme de écologie. Sa composition sera pluri-acteurs, un peu comme celle du CESE (Conseil économique, social et environnemental), mais en ajoutant des experts. Un vice-premier ministre en charge de la cohérence écologique, poste totalement nouveau, permettra de gagner des arbitrages. En effet, à l’heure actuelle, les Premiers ministres préfèrent l’économique à l’environnemental. La cas de Fillon sous Sarkozy a été significatif de cet état de fait.
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– budget de l’écologie : La purge de ces dernières années n’aide pas à traiter l’urgence écologique. Il faudra pallier le rapport de force qui penche trop systématiquement vers l’industrie, il faudra allier transversalité et cohérence.
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– biodiversité : la protection des aires marines et parcs naturels passe par le traitement des diverses pollutions, y compris le réchauffement climatique. Mais la gestion des conflits d’usage est complexe, le traitement par l’Union européenne de la pêche en haut profonde en est un bon exemple. La France avait une position ambiguë et l’Espagne faisait prévaloir l’intérêt de ses pêcheurs. Il ne suffit donc pas d’avoir introduit l’idée de pérennité de la ressource. Par exemple, les représentants de la flotte de pêche d’Intermarché prennent encore une réglementation comme un inconvénient sans en voir les avantages à long terme. Pour préserver la biodiversité, il faut aussi enrayer la destruction des écosystèmes par artificialisation des sols. A l’heure actuelle, les corridors de la trame verte et bleue sont mis à mal. Le gouvernement devra fixer une limite à l’artificialisation, avec des applications spécifiques au niveau régional.
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La protection de la nature implique surtout un changement de mentalité, une transformation culturelle qui fera abandonner le goût des ménages pour le pavillon individuel et le désir d’augmenter le nombre de m² par personne dans l’habitat. Il est nécessaire de savoir négocier, y compris avec les associations de chasseurs qui sont aussi en charge actuellement de la protection de la nature. Par contre, il faudra imposer des règles, comme l’interdiction de la chasse le dimanche.
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La problématique de la biodiversité renvoie enfin à notre rapport à l’animal. « Je ne suis pas végétarien » (dixit Yannick Jadot), mais notre plaisir-loisir ou gustatif ne peut passer par la souffrance animale. Notre façon de manger devrait évoluer. Quant aux loups ou à l’ours, les directives de protection édictée par l’UE sont claires.
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– agriculture : évidemment, le concept d’agro-écologie doit être valorisé. Le levier de la restauration collective sera utilisé pour orienter la consommation vers le bio et la paysannerie locale. Les aides à la conversion de la PAC iront dans ce sens. Le concept de souveraineté alimentaire est essentiel, ce qui remet en question aussi bien le CETA avec le Canada que le Tafta avec les Etats-Unis. Le modèle agroalimentaire à coût « compétitif » dans le commerce international est insupportable pour les paysanneries locales ; il faut combattre le poids des firmes multinationales, et pas seulement dans le secteur agricole. Pour une démocratie alimentaire, il faudra remettre en cause le couple FNSEA/gouvernement en vigueur aussi bien avec la droite qu’avec la pratique d’Hollande et Le Foll. Mais ce n’est pas tout, en matière alimentaire des considérations autres que le système syndical sont en jeu, telle la santé. Enfin, la perspective est bien entendu zéro phytosanitaires.
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– démographie (question sur la croissance de la population humaine qui empiète sur les écosystèmes des autres espèces) : la transition démographique repose surtout sur l’éducation des filles et le développement. Aller plus loin pose problème ; si on estime qu’il y a surpopulation, où faut-il agir, qui faut-il supprimer ? Attention à des discours comme celui de Sarkozy qui estime que le vrai problème, c’est la démographie africaine.
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– transports et énergie : il faut se méfier du discours technologique. La proposition de François de Rugy, « 0 % de transports carbonés en 2025 », repose sur l’hypothèse du recours à la voiture électrique. C’est une fausse bonne idée. Au niveau général, il y a une difficulté pour faire évoluer notre société : les lobbies pour protéger l’emploi existant sont déjà en place, mais les défenseurs des emplois à créer n’existent pas encore ! Nous (EELV) prévoyons une sortie complète du nucléaire en 2035. Il faudra revoir les rapports du gouvernement avec EDF et miser sur les coopératives citoyennes de production d’énergie.
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