Jamais notre monde n’aura été, paradoxalement, à la fois aussi matérialiste et aussi immatériel.
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par Elise Rousseau
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Une des dernières rigolades entendues à la radio : des parents se plaignent, avec une candeur désopilante, que leurs enfants d’école primaire regardent des vidéos pornos sur leurs smartphones.
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Que les enfants se créent dès le plus jeune âge une image science-fictionnesque de la sexualité, sans personne pour leur expliquer le côté kitch du truc, c’est certes un peu ennuyeux.
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Par contre, qu’ils soient de braves petits soldats de la consommation, au garde à vous du matérialisme le plus débridé, ça, ça ne choque personne. Personne n’y voit un problème moral. Personne ne trouve ça malsain.
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Qu’un gamin de 8 ans puisse avoir un smartphone hors de prix, et être formaté pour la course en avant consumériste, non, ça ne pose aucun problème.
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« On veut protéger nos enfants », disent les parents, la bouche en cœur, en payant au minot le dernier gadget à la mode. Les mêmes qui exhibent sur les réseaux sociaux ces mêmes bambins (au ski, à la plage, qui a fait popo, qui s’est tartiné le visage de chocolat…) sous toutes les coutures dès leur plus jeune âge, en dépit de toute intimité. Cherchez la logique…
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Une amie intellectuelle (sans portable, sans télé, sans Facebook, mais avec des livres… merveilleuse femme !), une belle humaniste qui résiste contre vents et marées, me disait l’autre jour : tout cela est une grande hystérie collective.
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Et ces désirs de consommation compulsifs, ne sont-ils pas pathologiques ? Consommer pour combler un manque affectif ? Pour se sentir exister ? Pour se re-narcissiser ? Mais comme consommer ne comble rien, mais génère plus de vide encore, alors il faut inventer de l’affect de consommation : les réseaux sociaux. Affect comblé un temps… Mais pour avoir accès tout le temps à ces réseaux addictifs, il faut avoir le dernier smartphone : pour poster en direct, avoir les dernières applications, et consommer sans fin, tourbillon de matérialisme immatériel.
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Et si notre planète se ruinait finalement pour une seule raison : parce qu’au fond, nous ne savons plus être en lien dans la vraie vie ? Dans la vraie vie qui ne coûte rien, dont la seule batterie est la vie, le seul disque dur nos cerveaux, et la seule chose tactile, nos peaux ? Quand on discute entre amis, on ne pollue pas…
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Plutôt que d’engueuler les mômes de mater du porno avec les outils qu’on leur donne pour le faire, ce serait bien d’expliquer aux enfants (et à de plus en plus d’adultes), que boire un coup avec des vrais copains, qu’aller se promener avec des gens qui nous « like » pour de vrai, que faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime, c’est quand même vachement bien, et en plus, c’est gratuit. C’est juste du lien, ça ne coûte rien, y a besoin de rien, juste d’être là, avec l’autre. Mais par contre, pour prendre son pied… faut déconnecter !
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