Il arrive parfois que l’on ait envie de se taire, d’éteindre les boutons de la radio et de la télévision, d’arrêter le flot dégoulinant d’infos mélangées jusqu’à l’écœurement.
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par Catherine et Bernard Desjeux
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On est bien placés pour le savoir : la presse nourrit la presse. Ils disent tous pareils, se répètent, se pompent allégrement. Tournez la tête à droite, tournez la tête à gauche… Un drame, un but, une foi… Une pépée s’est foutue à poil, une crise économique, le prix d’un baril, un mec écrit un livre, tous en parlent pour dire que c’est nul. Les experts dans des talk-shows vous expliquent comme on aurait pu éviter cette crise qu’ils n’avaient pas prévue, et ce qu’il faut faire, précisant que la suivante sera pire si l’on ne prend pas soin de les écouter. Le canard se met le bec où je pense.
Nous avons reçu un mail ce jeudi matin (8 janvier 2015) : » rendez-vous devant la mairie de Dolus d’Oléron ». On y va : pas un chat. Tant pis, on reste quand même. Quelques courses pour le lendemain, discutons avec la boulangère, regardons sans rien voir les soldes. Retournons vers la mairie, histoire d’être là : de partout, la place se remplit. À la nuit tombée, elle est pleine à craquer. Personne n’a jamais vu autant de monde dans les rues de Dolus d’Oléron, des jeunes, des anciens, des lycéens… Une bougie, une fleur, une pancarte. Ça bavarde entre amis, ça bavarde avec son voisin, on échange avec « l’autre » que l’on ne connaît pas et pourtant quelle joie de parler la même langue : celle du cœur, de l’énergie, du refus de se soumettre à la tyrannie.
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Nous y retrouvons la France que nous aimons, celle dont les valeurs sont reconnues dans le monde entier : liberté, égalité, fraternité.
Ce soir défile dans ma tête une vie de manifestations : la ségrégation aux USA, la guerre au Vietnam, la dictature de Franco, le Larzac, la libération de Mandela, le massacre de la nature, de la Loire etc, etc. Comme dans la chanson de Jean Ferrat, nous sommes une de ces petites voix qui disent « non ». Non à la pensée préfabriquée, non à la fatalité, non au pouvoir ; oui à la vie, à l’imagination. On a quand même de la constance ou de l’inconscience à demander de la démocratie, j’ai l’impression de n’avoir au départ jamais dépassé les 5 %, et encore je suis large. Alors, ce soir on se sent moins seuls. Bernard Maris, notre ami, était lui aussi un peu isolé dans les discours économiques, lui qui pensait que l’économie était l’organisation du partage, que le progrès n’avait d’intérêts que s’il permettait d’être plus. Quand je pense qu’il était aussi conseiller à la banque de France ! Essayez de retrouvez sa BD Vive la crise.
Nous ne sommes pas naïfs, la violence est une des composantes de la vie, elle est partout et il s’agit de la repousser le plus possible pour libérer des espaces de liberté. Comme nos amis du Mali qui s’avancent en première ligne dans une position autrement plus risquée pour dire non à l’obscurantisme.
Alors ce soir, oui j’ai les larmes aux yeux, je n’ai pas honte de manifester mon émotion, j’en suis fier, ensemble. bordel !
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