Danger : buse !

Un arrêté préfectoral a récemment autorisé la destruction par tir de deux buses variables ainsi que la destruction de leur aire de nidification. Il s’agit pourtant d’une espèce protégée.

 

 par Jean-Claude Génot *

 

Quelle ne fut pas ma surprise de lire récemment la copie d’un arrêté préfectoral autorisant la destruction par tir de deux buses variables ainsi que la destruction de leur aire de nidification. Normalement, la buse variable, comme tous les rapaces, est une espèce protégée par la loi. Que s’est-il donc passé pour qu’il y ait eu une dérogation au régime de protection ? Un an plus tôt, des buses variables au comportement atypique ont attaqué des cyclistes sur une petite route de campagne dans un village rural de Lorraine. Ce genre d’anecdote insolite se produit rarement, mais il existe quelques cas de promeneurs ou de joggeurs se faisant griffer à la tête par une buse agressive.

 

Qu’y a-t-il à dire de ce fait divers insignifiant en comparaison de tant d’autres sujets bien plus graves ? La buse variable est protégée, mais l’éventuelle destruction de deux spécimens ne menace en rien les populations de ce rapace diurne, commun en France. De plus, la procédure administrative a été respectée puisque le Conseil National de Protection de la Nature a donné un avis favorable à la demande de dérogation au régime de protection de l’espèce. Ce qui est rassurant, c’est qu’en pleine crise économique et dans un contexte de réforme générale des politiques publiques avec réduction des moyens et des effectifs, il y a encore assez de temps –il a tout de même fallu une année entre le moment de l’attaque et l’autorisation de destruction – pour s’occuper d’une histoire du type « Clochemerle ».

 

Si des buses variables, même un tant soit peu agressives, « mettent en cause la sécurité des personnes et des biens » (termes employés dans l’arrêté préfectoral), que dire alors des épandages de pesticides agricoles qui mettent en cause la santé des personnes et des « biens » vivants que sont et l’eau et le sol, donc la sécurité sociale, alimentaire et écologique ? Mais dans le domaine agricole, aussi sacré en France que le nucléaire, des arrêtés préfectoraux ont été pris pour contraindre des personnes à utiliser des pesticides et pas pour les en protéger !

 

Nul doute que cette décision ubuesque fera plaisir aux fonctionnaires de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, chargés d’exécuter la sentence de destruction, car comment localiser l’aire des buses « vélophobes » une année après les faits et comment être certains de tuer les buses incriminées si celles-ci ont disparu ou changé de comportement ou de territoire ?

 

Soyons heureux, la France dispose encore de services publics environnementaux efficaces au service de la population et de sa sécurité. Plus les humains deviennent envahissants et intolérants, plus la faune qui cohabite tant bien que mal dans les villes et les milieux ruraux sera plus souvent victime d’actes sécuritaires anti-nature.

 

* Ecologue