En 2013, protéger la nature, l’environnement, ça pourrait sembler évident. Au quotidien, pourtant, on se sent parfois encore en décalage…
.
par Elise Rousseau
.
Protecteur des « petites herbes », des « petites bêtes », des « oiseaux qui gazouillent »… « toi l’écolo », « toi qui aimes la verdure », etc. Comme si ce combat était quelque chose de pas vraiment sérieux, finalement. D’un peu dérisoire, parfois.
.
Plus dur encore, on oppose parfois la protection de la nature à celle des vies humaines. On nous explique que c’est bien plus important de protéger les vies humaines que la nature. Mais quel protecteur de l’environnement dit le contraire ? Et surtout, n’est-ce pas ce que nous faisons tous les jours, au quotidien, de protéger les vies humaines, en protégeant la nature ? Est-ce pour autre chose que l’humanité que nous travaillons ?
.
Sans les abeilles (qui rencontrent aujourd’hui de graves problèmes), nous n’aurons plus de pollinisation, et nous n’avons pas trouvé le moyen de les remplacer. Sans elles, finie l’agriculture, finis les fruits… Finis les hommes. Nous sommes tous liés. Nous ne sommes pas autre chose que la nature. Et sans nature, plus d’hommes.
.
La nature est un château de cartes. Si la gorge bleue à miroir disparaissait, peut-être en effet que ce château ne s’effondrerait pas. Si les abeilles disparaissent, il s’effondre immédiatement. Et nous avec. Jusqu’à quand, jusqu’à où, allons-nous jouer avec ce château de cartes ? Et comment savoir laquelle de ces cartes va faire s’écrouler tout le reste ?
.
Antoine de Saint-Exupéry disait des hommes, mais c’est valable pour tous les êtres vivants : « Nous sommes solidaires, emportés sur la même planète, équipage d’un même navire. »
Peut-être faudrait-il cesser de s’appeler « protecteurs de l’environnement », et s’appeler « protecteurs des hommes ». Cesser de dissocier l’indissociable. Et ne plus générer de confusion.
.
Peut-être faudrait-il rappeler que les « écolos » eux aussi meurent en menant leur combat. Parfois tués par cette nature même qu’ils essaient de préserver. L’un en allant étudier les derniers zèbres d’Afrique. L’autre la tête arrachée par un tigre. L’autre ayant contracté une maladie mortelle par des tiques, au fond d’insalubres marais… Et que nous les naturalistes, nous avons tous, autour de nous, perdu ainsi l’un de nos meilleurs amis, l’un de ceux qui nous faisaient rire, qui partageaient nos secrets, et qu’au-delà des petites fleurs, des petits oiseaux, on sait ce que c’est, la souffrance, l’absence, la perte des vies humaines. Et que l’envers de notre décor, ce n’est pas des graines germées bio et de grands idéaux, l’envers du décor, c’est simplement la vie dans ce qu’elle a de plus dur, de plus implacable, et qu’il n’y a rien de plus concret et de plus terre à terre que de protéger la nature. Et qu’à aucun moment, ce n’est facile, et que rarement, c’est valorisant.
.
Pourtant, on fait autant pour l’homme en protégeant la nature qu’en œuvrant dans une association de protection de l’enfance ou aux restos du cœur. On est juste simplement sur du plus long terme.
.
La protéger, nous protéger, ce n’est pas seulement pour que les enfants de demain puissent encore espérer voir la beauté puissante d’un éléphant, le vol énigmatique d’un gypaète barbu, ou les formes étranges d’une orchidée. C’est pour qu’ils puissent vivre, tout simplement. Qu’ils puissent respirer, manger, se soigner.
.
Les écolos sont parfois taxés de misanthropie, quand ils finissent par désespérer de n’être jamais entendus. Ils sont pourtant tous, souvent sans le savoir, par la nature même de leur engagement, de profonds et solides humanistes.
.
« Ce qui compte vraiment, dans la sauvegarde des condors et de leur congénères, ce n’est pas tant que nous ayons besoin des condors, c’est que nous avons besoin de développer les qualités humaines qui sont nécessaires pour les sauver. Car ce sont celles-là mêmes dont nous aurons besoin pour nous sauver nous-mêmes. » Conway Mc Millan
.