Dans le cadre de leur congrès 2013, les JNE ont organisé le 31 mai 2013 à Madières (Gard) une table ronde sur le thème « un label rivières sauvages, pour quoi faire ? »
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par Michel Sourrouille
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Il était question de la Vis, un torrent qui coule dans un canyon profond. Or une rivière totalement naturelle n’existe plus en France. Après 15 kilomètres de parcours souterrain, la résurgence de la Vis, près du cirque de Navacelles, est occupée depuis près de mille ans par un moulin maintenant abandonné qui fournissait la farine aux villages environnants. Aujourd’hui, une partie de l’effluent est captée par un canal qui court au flanc de la montagne pour alimenter une centrale hydroélectrique à Madières.
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Où est la sauvagitude, le wilderness, diraient les Anglo-Saxons ? Les écrevisses ont disparu, chassées par l’espèce invasive américaine. Il y a bien des truites autochtones. Les plus anciennes, « océaniques », subsistent depuis des siècles avant la résurgence. Mais Olivier Lebrun, le maire de Rogues, commune dont Madières fait partie, n’est pas dupe : une extension du tourisme est « mortellement dangereuse ». C’est ce qu’on appelle le tourisme autodestructeur.
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A l’origine, des pêcheurs découvrent un coin de nature sauvage qu’ils décrivent comme un paradis à leurs amis : des truites océaniques, dans le Gard, sur la Vis ! C’est bientôt un essaim de pêcheurs qui s’affaire autour du cours d’eau. Les poissons endémiques disparaissent, il faut maintenant faire des lâchers de truites d’élevage. Alors, le maire rêve d’une « maison de la Vis » pour éveiller les gens à ce que la nature peut nous apporter sans nécessairement y toucher.
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Nous en sommes là, nous ne pouvons plus côtoyer la nature sauvage, le wilderness ; nous ne pouvons plus rencontrer qu’un environnement anthropisé. C’est pourquoi le combat pour la préservation et l’extension d’aires proches de la vie sauvage doit s’étendre. Aux Etats-Unis, le Wilderness Act de 1964 protège intégralement certains espaces non habités de façon permanente par l’homme. En France, il y a des parcs naturels, il y aura bientôt des rivières sauvages : le label est en voie de création. Il s’agit de lutter contre la volonté de puissance des humains qui débouche nécessairement sur l’hubris, la démesure. Cette démesure finit par supprimer toute extériorité, tout référent basé sur une nature protégée de l’emprise humaine. Il n’y a plus que des finalités anthropocentriques. Alors l’homme se retrouve seul, confronté à lui-même, à la violence sociale ou économique. Il a donc besoin d’une nature sauvage, sanctuaire nécessaire à la pensée d’un équilibre entre humains et écosystèmes.
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Il s’agit de donner une valeur intrinsèque à la nature : les éléments de la biosphère possèdent une valeur en soi, leur valeur n’est plus simplement relative à l’usage que l’on peut en faire. Il s’agit d’une nouvelle conception de l’existence, d’un humanisme élargi porté par l’écologie profonde. Il s’agit d’affirmer un profond respect et même de la vénération pour toutes les formes de vie. Pour qualifier ce sentiment, Arne Naess emploie le terme de care : « Nous ne cherchons pas à déplacer notre souci [care] des humains vers les non-humains, mais à l’étendre et à l’approfondir [deepen]. Il n’y a aucune raison de supposer qu’il y aurait un potentiel de care humain constant et fini, et que, de tout accroissement du care pour certaines créatures, s’ensuivrait nécessairement une quantité plus réduite pour d’autres. »
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On aimerait vérifier cette conception avec la restauration des espaces naturels dégradés et la réhabilitation de rivières sauvages. Comme l’exprime Catherine Larrère, « Là où disparaît le wilderness, le care apparaît ». C’est pourquoi à notre avis, sur les rives à nouveau sauvage de la Vis, il ne faudrait que regarder et rien toucher. C’est la philosophie de la plongée sous-marine, regarder et rien toucher. Seulement contempler, ressentir, revivre. Sur une rivière à nouveau sauvage, il ne faudrait pas pêcher, même pas le « no kill » des pêcheurs à la mouche. Il faudrait même fermer des routes : la nature sauvage se mérite, il est nécessaire de marcher pour la retrouver.
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Alors un jour nous pourrions admirer les nuages en pensant à la beauté de notre planète. Alors un jour nous pourrions observer les truites s’approcher et nous regarder sans crainte. Alors le combat écologique prendrait sa véritable dimension, éthique, l’éthique de la Terre. Toutes les choses sont liées entre elles, telle devrait être la maxime principale qui résume l’écologie.
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Ci-dessous, le lien sur le débat rivière sauvage du vendredi 31 mai (106 Mo, environ 1h 50mn)
http://www.internuntia.fr/audio/ag_jne_riviere_sauvage/AG_JNE_Madieres_130531_plus_27db.mp3
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A écouter aussi, l’interview d’un propriétaire qui explique que le débat est biaisé (environ 11 minutes) :
http://www.internuntia.fr/audio/ag_jne_riviere_sauvage/DVT_D007_130601_Ghilhem_proprietaire_Fete_de_la_Vis_Gornies.MP3
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Merci à Richard Varrault pour ces enregistrements.
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