Voici le compte-rendu du petit-déjeuner de presse JNE à l’IDDRI le 28 mars 2013.
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par Roger Cans (avec Laurent Samuel)
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L’organisateur de la rencontre, Olivier Nouaillas, présente les intervenants, en l’occurrence Laurence Tubiana, directrice de l’IDDRI – Sciences Po (Institut du développement durable et des relations internationales) et Michel Colombier, directeur scientifique de l’IDDRI.
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Olivier Nouaillas rappelle que les JNE présents à Rio+20 avaient eu l’an dernier l’occasion d’une première rencontre, dans le cadre privilégié d’un appartement avec vue sur la plage de Copacabana… Laurence Tubiana est aujourd’hui « facilitatrice » du Conseil national du débat sur la transition énergétique (CNDTE).
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Laurence Tubiana indique que le Conseil national et ses pôles régionaux en sont aujourd’hui plus qu’à mi-parcours, puisque ses travaux doivent déboucher courant juillet prochain, avec un rapport au gouvernement. Elle anime le comité de pilotage. Quatre groupes ont été d’abord constitués :
– L’efficacité énergétique.
– Les énergies renouvelables.
– Le mix énergétique.
– Gouvernance et sûreté.
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Un cinquième groupe est né ensuite pour le financement, la compétitivité et l’emploi. Plusieurs milliers de débats ont donc eu lieu à ce propos, mais sans guère d’écho dans les médias, car il y a une clause de confidentialité. Mais, sur internet, le site fonctionne.
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Pour commencer, il a fallu faire l’état des lieux. On a ensuite pris en compte l’engagement européen pour la décarbonation et la précarité énergétique de beaucoup de nos concitoyens. Résultat : « on est loin du 20% d’énergies propres et du facteur 4 en 2025. Nous avons rencontré un problème difficile : il n’existe pas en France d’outil disponible pour faire un bilan complet de la production et de la consommation d’énergie. Pour l’avenir, nous avons environ 25 scénarios différents. Nous n’avons plus l’équivalent de ce que le commissariat au Plan avait publié en 1997. »
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« La question mère est la maîtrise de la demande : comment vivre mieux en consommant moins. Il nous faut un outil pour l’échéance de 2050. La wish list du Père Noël ne suffit pas. Et nous avons une obsession : ne pas détruire d’emplois. »
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Michel Colombier revient sur le sujet de départ : pourquoi la transition énergétique ? Il explique qu’on y est déjà, bon gré mal gré. Ce n’est pas une lubie du gouvernement ou des écolos. C’est un fait. On envisage déjà le gaz naturel pour les véhicules, ainsi que les sous-produits de la biomasse. Quatre grandes trajectoires sont envisageables :
1) On continue comme avant avec la stabilisation de la demande prônée par l’ADEME, appuyée sur le nucléaire et la biomasse.
2) On vise un changement structurel de la demande grâce à des mesures techniques : efficacité énergétique avec la voiture à deux litres de carburant aux 100 km, isolation des logements, etc.
3) On s’oriente vers la sobriété énergétique (comme dans le scénario Négawatt) en misant sur une déconnexion entre confort et demande en services énergétiques.
4) On lutte contre l’étalement urbain et ses effets désastreux sur les transports, ainsi que sur les multiples navettes des produits manufacturés.
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« Dans le débat en cours, on observe deux a priori bien ancrés : le nucléaire et les énergies fossiles. Il nous faut dépasser ces préjugés quasi religieux. »
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Question : la consommation d’électricité ne peut que monter avec la multiplication dans les foyers d’appareils « branchés » (téléviseurs, ordinateurs, congélateurs, portables, etc.). Quelle que soit l’origine de cette électricité, c’est elle qui commande dans notre société. Comment, dans ces conditions, maîtriser la demande ?
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Michel Colombier répond que des progrès énormes ont été faits pour produire des appareils électro-ménagers moins gourmands en électricité. La maîtrise de la demande commence là.
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Laurence Tubiana souligne la difficulté d’intervenir en France, pays de propriétaires, où le foncier est sacré.
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Michel Colombier indique que si l’on veut réduire le recours au nucléaire et aux énergies fossiles, il faut bien développer la biomasse. Mais il met en garde contre ceux qui décrètent en la matière le bon et le mauvais. Nous ne disposons pas de scénario de référence. Celui de l’AIE (Agence internationale de l’énergie) n’a rien à voir avec celui de RTE (Réseau de transport d’électricité) ou de l’Union européenne. En matière de bâtiment, même l’ADEME est désemparée…
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Laurence Tubiana insiste pour dire que le débat peut réussir à sensibiliser le public et les acteurs économiques. A qui lui demande s’il faut du courage politique pour promouvoir cette démarche, elle répond : « Pourquoi le gouvernement encouragerait-il la consommation d’énergie ? » L’Allemagne pousse à la transition, le Royaume-Uni aussi. La France ne peut qu’y souscrire, surtout si elle accueille le sommet Climat en 2015. Le rapport du CNDTE ne finira pas dans un tiroir, car ce n’est pas une commission. Il débouchera sur une loi de programmation.
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