Voici un article publié dans La Nouvelle République (Algérie) du lundi 25 juin 2012.
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par M’hamed Rebah
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Il y a vingt ans, le message transmis au nom de l’Algérie, par Mohamed Boudiaf, alors chef de l’Etat, à la CNUED (Conférence des nations unies sur l’environnement et le développement) qui se tenait à Rio, insistait sur la reconnaissance du « principe de la responsabilité commune et différenciée des Etats ». « La pauvreté et le sous-développement figurent parmi les causes essentielles de la dégradation de l’environnement », ajoutait le message. En juin 1992, les observateurs avaient noté la difficulté éprouvée par la CNUED à arriver à des compromis « pas tout à fait consensuels ».
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Vingt ans après, en juin 2012, le « principe de la responsabilité commune et différenciée des Etats » était toujours dans le discours algérien, étendu cette fois au Groupe des 77 et la Chine, au nom duquel a parlé Abdelkader Bensalah, président du Sénat algérien et représentant personnel du président de la République au Sommet de Rio. Les pays en développement ont insisté pour que ce principe soit inclus dans la déclaration adoptée par les dirigeants présents à Rio. Malgré l’opposition des Etats-Unis et d’autres pays industrialisés, il fait maintenant partie du « monde que nous voulons », intitulé du document final adopté par le Sommet. Mais il faudra peut-être attendre Rio+40 pour vérifier si, enfin, les bonnes intentions correspondent à la réalité.
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En attendant, le constat fait par les écologistes est amer : le monde est pire qu’il y a vingt ans. Ils ne sont pas les seuls à le penser, le président sud-africain Jacob Zuma estime que « nous vivons encore dans un monde caractérisé par de grandes inégalités ».
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A Rio, en juin 2012, ce qui a changé, c’est l’appellation : « Conférence des nations unies pour le développement durable ». Autre nouveauté : le concept d’économie verte. Dans une interview mise sur le site d’Alter-Echos, Egardo Lander, professeur de Sciences sociales à l’Université centrale du Venezuela, a décrypté le rapport «Vers l’économie verte» du PNUE (Programme des nations unies pour l’environnement) qui a été la « base conceptuelle, théorique et politique des débats autour de Rio+20 ». « Il est affirmé, explique Egardo Lander, que la logique de fonctionnement actuel du système capitaliste est inévitable et qu’il n’y a aucune possibilité de la modifier. Au fond, cette approche tend à approfondir la domination du capital financier, avec la complicité du système des Nations Unies, permettant d’éviter une mise en cause plus profonde du modèle économique dominant ».
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Les idées du PNUE sur l’économie verte n’ont pas été retenues à Rio. L’économie verte sort «indéfinie» du Sommet. « C’est bon pour la réalisation du développement durable, mais chaque pays a son approche ». En résumé, c’est ce qu’on en retient après le Sommet.
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La Chine, principal acteur de l’économie mondiale, ignore le concept d’économie verte et s’en tient à celui de développement durable. L’Algérie a donné sa propre interprétation. L’économie verte doit être fondée sur les principes convenus dans la Déclaration de Rio, notamment le principe de la responsabilité commune mais différenciée, et l’Agenda 21 ainsi que le Plan de mise en œuvre de Johannesburg (2002), a déclaré le représentant algérien. Il ajoute qu’« elle doit intégrer les trois piliers économique, social et environnemental du développement durable, reconnaître le caractère spécifique des économies et des priorités nationales ainsi que le droit souverain de nos pays sur leurs ressources naturelles ». Pour le ministre des Finances, Karim Djoudi, présent également à Rio, le financement de l’économie verte doit être assis sur le principe du pollueur-payeur, étant convenu que par «pollueur» on désigne les pays industrialisés. Voilà comment l’Algérie voit l’économie verte.
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Alertés par les altermondialistes qui ont multiplié les activités, à ce sujet, avant et pendant le Sommet de Rio, les écologistes algériens sont nombreux à regarder avec la plus grande méfiance le concept d’économie verte et à adhérer au mot d’ordre des initiateurs du Sommet de peuples tenu en parallèle à la Conférence de Rio : « Pour la justice sociale et écologique, contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs ».
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