La Trousse Corrézienne, imprimé à 1 300 exemplaires, fait l’objet d’une cabale orchestrée par la préfecture du Limousin et voit ses ressources baisser drastiquement. Nous avons profité de la parution du n° 53 de ce journal indépendant pour discuter avec Marie, rédactrice et secrétaire de direction.
par Jocelyn Peyret
Depuis 2022, un conflit s’est immiscé dans les rouages associatifs dans de nombreuses villes de France. De plus en plus de chantages au respect du Pacte d’engagement républicain, signé par de nombreuses associations, débouchent sur le refus de certaines subventions.
Télé Millevaches, qui est concernée par cette rupture d’un contrat de confiance entre l’État et les associations, a consacré deux documentaires diffusés début mars, qui regroupent plusieurs témoignages.
La subvention aux médias dits de proximité, à laquelle postule La Trousse Corrézienne, a été créée après les attentats contre Charlie Hebdo en 2015. Cependant, pour la première fois, en 2024, ce fonds lui a été refusé alors qu’elle en en bénéficiait jusqu’alors, à l’instar de nombreux autres médias.
Déjà en 2023, l’obtention de la subvention avait été une aventure rocambolesque. La Trousse Corrézienne, IPNS et Télé Millevaches n’apparaissaient plus sur la liste des médias soutenus.
Il s’agit d’une subvention de la DRAC (1), donc du ministère de la Culture. « Le préfet n’a aucun pouvoir, mais il avait quand même réussi à faire retirer nos dossiers de la Commission nationale. Au début, ça a réussi. Et puis on a eu un soutien assez fort de la DRAC. Les agents ont fait de la résistance en notre faveur, concrètement. Il y a eu un arrêté ministériel et la subvention nous a été versée. »
En 2024, le refus de subvention n’a pas été justifié pour « des questions politiques et le non respect du pacte républicain. Après ça veut pas dire qu’il n’y a pas de fondement politique à la décision. Il y a une traçabilité sur le fait qu’il y en a ». Pour La Trousse Corrézienne, il fut argumenté que « le modèle économique n’était pas assez solide. C’est quand même assez hallucinant quand l’Etat verse des millions d’euros à des gros médias qui appartiennent à des milliardaires. Il y a une incohérence flagrante dans le système de financement des médias ».
Certes, La Trousse Corrézienne a connu des années fastes et d’autres moins. Marie explique : « ces deux dernières années, on était un peu déficitaires, mais c’était un déficit contrôlé par rapport au fait qu’on avait une avance de trésorerie et que nous étions en train de remonter les ventes. Grosso modo, nous étions à l’équilibre ».
Aujourd’hui imprimé à 1 300 exemplaires, diffusé dans différents lieux et maisons de la presse, La Trousse Corrézienne rencontre une fin de non-recevoir quant à ses demandes d’êtres vendu dans les points Relais, entre autres à la gare de Tulle. Pouvons-nous supputer que la consigne vient de plus haut alors que cet enseigne appartient au milliardaire Vincent Bolloré ?
Quoiqu’il en soit, pour remonter la pente, La Trousse Corrézienne doit trouver de nouvelles ressources. Se devant de trouver de nouveaux abonné.e.s – atteindre le millier serait nécessaire – le journal local multiple les rencontres, comme le rallye organisé le 15 janvier dernier. Cet événement a vu naître de nouveaux espoirs : « Il y a des postes qu’on ne peut plus rémunérer, on a donc plus de travail pour nos bénévoles et leur nombre n’est pas extensible. Les besoins sont à la fois financier et humain. Au cours du rallye, la bourse aux bonnes idées et la discussion sur ce qu’on fait là concrètement étaient très intéressantes. Cela fait longtemps par exemple qu’on nous demande d’autres formats, audio notamment. Des agriculteurs nous expliquaient que dans leur tracteur ils écoutent pas mal de podcasts. C’est un truc sur lequel on a envie de travailler. Il y a des gens qui se sont proposés pour relire les articles, pour du montage, etc. Nous travaillons déjà avec Radio Bram qui héberge nos contenus. C’est difficile d’organiser beaucoup d’événements parce qu’on est concentré sur le journal, mais on a besoin d’aller rencontrer les gens ».

En attendant, le dernier numéro paru, le n° 53, a été « un des numéros les plus compliqués à travailler. On commence à préparer les articles et à choisir les articles environ deux mois avant la parution. A partir du mois de novembr,e nous avons commencé à préparer un journal sans savoir s’il allait sortir. Nous avons alors fait le choix de produire un 8 pages au lieu de 24 et de le faire en noir et blanc. On avait déjà reçu plus de propositions d’articles que ce qu’on pouvait mettre dans le journal, alors on les en a mis en ligne. »
Dans la sélection d’articles publiés dans ce n° 53, celui titré « l’État, les étrangers et l’hébergement d’urgence » parle du préfet qui annonçait qu’il « allait retirer les hébergements d’urgence alors qu’il savait bien qu’il ne pouvait pas le faire, que c’était illégal. C’était juste pour montrer ses gros bras, se faire de la publicité auprès de l’extrême-droite ».
Un autre article, titré « Résister, exister », est « une enquête historique, politique et sensible menée en Corrèze ». Il a été proposé par des gens qui enquêtent depuis une dizaine d’années dans la commune de Saint-Martin-la-Méanne, « où a été hébergée et aidée une dizaine de familles de Juifs immigrés et Résistants ».
La résistance s’exprime également dans ce numéro de La Trousse Corrézienne avec la promotion d’Ilico (Internet Libre en Corrèze), un fournisseur alternatif d’Internet qui héberge, entre autres, le site du journal. « Ils ont décidé de se lancer dans la fibre. En effet entre 2023 et 2030, commune par commune, les utilisateurs vont devoir passer à la fibre optique, sinon ils n’auront plus accès ni à internet ni au téléphone dit fixe. Ilico revendique un questionnement politique sur l’infrastructure. Ils ont déjà fait une démonstration par la pratique : faire son internet, c’est possible ».
Tout comme il vous est possible de participer à la prochaine rencontre avec La Trousse Corrézienne du 9 au 11 mai prochain. Elle est organisée avec Gesticulons en bas à gauche, un collectif de conférences gesticulées. « Nous en proposerons trois, dont celle de Mathieu Dalmais sur la sécurité sociale de l’alimentation. Il y aura aussi un banquet, des projections, des ateliers et la participation des élèves d’un lycée agricole ».
Sauvez La Trousse ? C’est possible !
Pour aller plus loin :
– Les émissions n° 269 avec La Trousse Corrézienne et la n° 270 avec Télé Millevaches sur www.lesautresvoixdelapresse.fr
– Le site de La Trousse Corrézienne : https://la-trousse-correzienne.org/
– Les documentaires de Télé Millevaches : https://telemillevaches.net/videos/des-assos-qui-se-tiennent-sages/ et https://telemillevaches.net/videos/un-tri-politique-des-associations-par-les-prefectures/
– Le site de l’IPNS : https://www.journal-ipns.org/
(1) Direction Régionale des Affaires Culturelles