Make my drill great again

 

 

par Antoine Bonfils

 

Drill, Baby, Drill.

C’est par cette incantation que Donald Trump, 47e président des Etats-Unis, a ouvert son second mandat lors de son investiture, le 20 janvier dernier. Une façon bien à lui de nous souhaiter la bonne année.

Alors qu’il prêtait serment sous la coupole du Capitole, la Californie, elle, d’où venaient les milliardaires de la Silicon Valley venus lui prêter allégeance, était toujours en proie à des méga-feux, attisés par des vents violents et la sécheresse. Les magnifiques villas de Pacific Palisades n’étaient plus que des cendres. Les chiffres donnent le tournis : 12 % de la surface de Los Angeles est ainsi parti en fumée en l’espace d’un mois.

Ironie de la situation, Moss Landing, la plus grosse usine « verte » de stockage d’énergie par batterie au monde, était en flammes également, alors qu’elle est pourtant située à plusieurs centaines de kilomètres au nord. La cause : un lithium inflammable qui supporte mal cette étonnante douceur estivale, en plein hiver !

L’Amérique découvre en ce mois de janvier qu’elle est tout aussi fragile face au changement climatique que le reste du monde, pire qu’elle n’y est pas préparée.

Pourtant, c’est à ce moment de l’histoire de l’Amérique que Donald Trump choisit pour annoncer au monde vouloir sortir des accords de Paris. Sous les applaudissements nourris et hilares d’un public MAGA revanchard acquis à sa cause.

En même temps, il a peut-être raison.

Qui se soucie encore de la planète, de la nature, du climat, des saisons ?

Qui se soucie vraiment de l’effondrement des espèces, de la disparition des zones humides ou s’inquiète encore de la déforestation ? Certainement pas ma fille de 14 ans, ou si peu.

La disparition de WhatsApp sur son téléphone revêt bien plus d’importance que celle du Kakapos, un perroquet-hibou de Nouvelle Zélande.

Et puis tant qu’elle peut prendre une douche tous les jours…

Comme elle dit, « mais pourquoi ce serait à elle et à ses contemporains, de réparer les bêtises qui ont été faites ? ».

« On sent bien que personne ne fait rien, aucune volonté politique, alors pourquoi vouloir à tout prix changer les choses ? »

Puis-je lui en vouloir ? Si même elle ne se sent pas concernée !?

La France, pays du Make Our Planet Great Again, est empêtrée dans ses comptes publics et son projet de loi de finance. Les agriculteurs ont décidé d’avoir la peau de l’OFB (Office Français de la Biodiversité). La survie même de l’ADEME ne tient qu’à un fil. L’écologie est sortie des radars. Presque pas un mot dans le discours de politique générale du nouveau Premier ministre.

Le concept d’écoterrorisme a gagné. L’écologie est devenue la cause de tous nos maux (économiques). Comme les immigrés, nous ne sommes plus les bienvenus. Ni en France, ni dans beaucoup de pays d’ailleurs. Le président argentin, Javier Milei, ne me contredira pas, ni l’Italienne Georgia Meloni. L’extrême droite et son projet xénophobe et mortifère gagnent progressivement toute la planète. L’Europe n’est pas plus épargnée.

Alors oui, quatre ans après la tentative de prise du Capitole, on peut dire sans retenue que l’arrivée – ou le retour – de Donald Trump et de son vassal libertarien va effectivement changer le monde !

À grands coups d’ordonnances et surtout d’esbrouffe, le président milliardaire, touché par une balle et par la grâce divine, a décidé de changer le visage de l’Amérique. De lui redonner sa splendeur passée. À commencer par le droit de forer partout du pétrole, même dans les zones protégées. Mais aussi d’annexer le Groenland, de récupérer le canal du Panama, de renommer le toit de l’Amérique du nom du président McKinley, le golfe du Mexique en golfe d’Amérique. Un énorme shoot de testostérone pour tous les convives du Capitole, en guise de bénédiction. Heureux les invités du Capitole, un nouveau feu s’éveille en leur cœur.

Comment ne pas retenir aussi cette phrase effrayante et si prémonitoire du patron de X, Tesla et Space X en ce jour d’investiture : « Ce n’est pas une victoire ordinaire, c’est un changement de trajectoire pour la civilisation humaine (…) C’est grâce à vous que l’avenir de la civilisation est sauvé. »

Tout est dit, l’homme le plus riche du monde, qui rêve d’aller sur Mars, qui investit des milliards dans l’immortalité, dans les implants cérébraux, dans la biologie cellulaire ou encore dans la génomique le dit sans détours : l’avenir de l’humanité n’est plus sur la Terre ! Aïe.

Une idée partagée également par Mark Zuckerberg, patron du groupe Méta venu assister à l’intronisation. Pour Zuckerberg, l’avenir de l’humanité passera par les métavers, comprenez les avatars. Vivre éternellement dans un monde virtuel.

Sans travail et remplacé par des machines, l’homme, n’aura plus d’autre occupation que sa propre distraction.
Alors il faudra l’occuper, et Méta est là. Tout comme Jeff Bezos, le deuxième homme le plus riche du monde, patron d’Amazon, également financeur de la cérémonie d’investiture. Tous les biens de consommation physiques passeront, dixit, entre ses mains, ou plutôt celles de ses robots manutentionnaires et de ses entrepôts.

L’humanité disparaîtra… ou pas !

À n’en pas douter, une nouvelle page vient de se tourner ce lundi 20 janvier 2025.

Une nouvelle histoire commence, celle d’une humanité qui se rêve ailleurs, sur une autre planète.

Une humanité qui perd toute humanité, toute connexion avec sa mère nature. Une nature consommée et modelée en fonction de nos besoins. Un support à nos activités, réduite à l’essentiel ! À l’image de ces tomates qui poussent sur du substrat de laine de roche ou de verre.

Nous comptons pour ça sur l’Intelligence artificielle, sur les ordinateurs quantiques, sur nos capacités de calculs, sur la géo-ingénierie, sur notre capacité demain à produire de l’énergie illimitée, des SRM, des EPR. Un monde fait de datas en tous genres.

Un monde où nous ne saurons plus qui croire, ou quoi croire. Un monde du fake, du détournement.

Et si ça ne suffit pas nous améliorerons les hommes, pour qu’ils continuent à vivre sur cette planète devenue inhabitable, à nos yeux, mais peut-être pas à ceux de nos enfants, ou de nos petits-enfants.

Cette page qui s’ouvre n’aura jamais vu une telle concentration de pouvoirs, de richesses, entre les mains de quelques hommes seulement. Vous avez dit des hommes !

Photo : le kakapo de Nouvelle-Zélande © Ourdailydel/Pinterest