Écolos, mais pas trop… Les classes sociales face à l’enjeu environnemental par Jean Baptiste Comby.

Alors que le constat d’un processus environnemental mortifère est partagé par une grande majorité de personnes (voir rapport de l’ademe) et traverse toutes les classes sociales (1) comment expliquer la faible mobilisation de l’ensemble de la population ? À partir de deux enquêtes réalisées entre 2012 et 2018 et de 20 portraits délivrés au long du texte, Jean Baptiste Comby, propose un éclairage sociologique.

L’écologie réformatrice, adepte de la fameuse « compensation », proche de ce « capitalisme vert » est portée par les classes dominantes de la bourgeoisie intellectuelle. (2) Celle, plus radicale, opposée au capitalisme, est portée par certaines couches de la petite bourgeoisie intellectuelle ainsi que des fractions issues de classes populaires, elles-mêmes très divisées (certaines de ces fractions y étant totalement réfractaires). Ces deux conceptions de l’écologie ne remettent guère en cause « l’ordre social » tel que notre société l’a fabriqué. L’écologie « populaire », présente dans presque tous les discours (le dernier portrait de Martine dans ce livre est particulièrement saisissant), ne porte pas de réelle signification car « sur le terrain écologique, les classes populaires sont mises à l’écart, culpabilisées ou divisées » alors qu’elles sont celles qui détruisent le moins et sont le plus souvent les premières victimes des problèmes environnementaux.

L’auteur propose de concevoir l’écologie comme « un puissant levier de contestation de l’ordre social », faute de quoi elle ne pourra sortir de l’impasse actuelle. Lutter pour redonner aux travailleurs-es et l’ensemble des citoyens le pouvoir de décider ce qui doit être produit, de quelles manières et changer en profondeur le système scolaire devraient être parmi les priorités des politiques écologistes. « Changer la société pour sauver– le vivant – ne consiste pas à changer les mentalités mais à modifier la structure des relations sociales au sein desquelles ces mentalités se forment ».

Jean Baptiste Comby entrevoit un rapprochement entre une portion de la petite bourgeoisie intellectuelle politisée, militante, non capitaliste et une grande partie des classes populaires, une « alliance écologique de classes » pour conduire ensemble une lutte des classes sans laquelle l’écologie ne serait que du gaspillage. « La cause écologiste gagne à s’articuler davantage avec les mouvements féministes, décoloniaux, syndicalistes pour mieux faire ressortir les inégalités au principe de l’écocide en cours ». À nous d’y réfléchir. (3)

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Éditions Raisons d’agir, 181 pages, 14 € – www.raisonsdagir-editions.org
Contact : Tél.: 01 55 28 79 93 – raisonsdagir@gmail.com
(Pierre Grillet)
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Notes
1 – L’auteur nous rappelle que, selon l’INSEE, la part de la bourgeoisie (cadres et professions intellectuelles supérieures) dans la population active était en 2020 d’environ 19%, celle de la petite bourgeoisie de 33%, celle des classes populaires (employés et ouvriers) de 47%.
2 – Dans le paquet « écologie réformatrice », l’auteur évoque : The Climatic Créatives Platform (TccP), les Fresques du climat, le Shift Project de Jean-Marc Jancovici, EELV (les Verts) … Nous pourrions rajouter la fondation pour la nature et l’homme, certaines associations de protection de la nature, les CPIE avec leur fameuse « neutralité engagée » … Et bien d’autres encore, tous « écolos, mais pas trop… » !
3 – Une conférence gesticulée entre l’auteur et Anthony Pouliquen, intermittent du spectacle, avec, comme thème principal, l’impasse d’une écologie qui voudrait transformer la société sans toucher aux hiérarchies sociales, intitulée : « l’écologie sans lutte des classes, c’est du gaspillage » est également accessible sur youtube

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