Vous aurez largement le temps de lire ce livre lors d’un déplacement en TGV si vous quittez les yeux de vos écrans. Du reste, Gaspard d’Allens vous le rappelle : « nous sommes collectivement incarcérés dans un système qui nous isole du vivant et notre cellule se mesure à la taille de notre écran de smartphone ou d’ordinateur ». En outre, il précise « la forêt n’a pas besoin de brûler, elle a déjà disparu dans la plupart des esprits », ou encore « On n’a pas seulement oublié la forêt. On nous l’a fait oublier ». Ainsi nous voit-il devenir « la génération canapé ».
Ces propos pourraient surprendre un public néophyte croyant qu’on n’a jamais autant parlé de forêt que depuis l’année de parution du livre de Peter Wohlleben, de la vague sylvothérapie, et de la campagne des plantations d’arbres pour fixer le co2. Mais il y a un problème pour la nouvelle humanité ayant rétracté son biotope dans le monde virtuel des écrans. Dès lors que l’image de forêt se substitue à la forêt réelle, s’ensuit, une perte de perceptions directes générant un engourdissement de nos motivations pour se mobiliser devant toutes alertes. On pourrait d’ailleurs rajouter qu’elles ne sont pas toutes relevées ! De même, quand elle est coupée du terrain, l’opinion publique est plus facilement conditionable aux argumentaires d’une sylviculture industrielle dite « extractiviste ». Or, elle n’a de cesse de s’inscrire en faux avec la valeur paysagère et écosystémique des forêts. D’où un gros malaise de suspicion concernant une loi votée le 2 février 2023 donnant droit à faire payer des amendes de 750 euros aux promeneurs circulant dans des propriétés forestières. En effet, on ne peut s’empêcher de penser que cette loi vise à interdire le public de voir et sentir la forêt alors qu’il est démontré que cela reste légitime pour sa santé, son éveil, et son équilibre ! Mais interdire l’éveil sensible permet surtout de juguler à la source tout pouvoir de la société civile de s’alerter quand la forêt est gérée au mépris de son écosystème…
S’ensuit que ce livre nous introduit à un plaidoyer énonçant les motivations légitimes de notre société souffrant de l’extrapolation aveugle d’une sylviculture industrielle. Dès lors, il s’agit d’un livre d’accompagnement à une cause collectivement soutenue par plusieurs acteurs-phare, comme l’intersyndicale des forestiers, SOS Forêt, le RAF (le Réseau des Alternatives Forestières), l’association Canopée, et maintes ONG, dont certaines impliquées dans l’acquisition foncière pour rendre les boisements aux écosystèmes forestiers. L’ensemble de ces acteurs se réunissent occasionnellement sous l’enseigne « Appel des forêts vivantes ». Donc ce livre permettra à tout lecteur de prendre le train en marche pour comprendre la marche en train d’émerger, autant celle de la société civile que celle des professionnels voulant actionner l’aiguillage pour obliquer la gestion forestière vers une autre direction.
Liens à remarquer concernant l’auteur : reporterre.net/Vous-balader-en-foret-vous-expose-desormais-a-une-amende & www.noussommesforet.com/podcasts/gaspard-dallens-la-sensibilite-au-vivant-et-aux-forets-peut-etre-politique
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Éditions du Seuil, collection Libelle, 72 pages, 4€90 – www.seuil.com
Contact presse : Séverine Roscot. Tél.: 06 16 23 37 50 – sroscot@seuil.com
(Bernard Boisson)
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