Sous ce titre étrange qui attire la curiosité, Jean Foyer, anthropologue du CNRS, nous livre les conclusions d’une vaste enquête sur les vignerons biodynamiques en Anjou. Ce chercheur, qui avait auparavant étudié les controverses autour du maïs transgénique au Mexique, s’est immergé pendant cinq ans dans un monde foisonnant qui se révèle riche en fortes personnalités (plusieurs d’entre elles ont droit à un portrait détaillé avec photos) et en débats stimulants (notamment autour des meilleures façons de commercialiser leurs produits). Loin de l’image trop souvent passéiste du bio, l’« écosystème » du vin biodynamique angevin se révèle aussi très ouvert à l’innovation technique et sociale, dessinant « d’autres rapports au politique, aux savoirs et à la nature ».
On regrettera cependant un certain manque de distance critique (à notre humble avis) de l’auteur sur les théories et pratiques « non conventionnelles » de la biodynamie (recours à des préparations intégrant des substances comme la corne de vache, plantations en fonction des cycles lunaires, etc.). De même, l’anthroposophie, courant philosophique créé par Rudolf Steiner qui sous-tend la biodynamie, souvent accusé de racisme, voire, pour une partie de ses animateurs, de collaboration avec le régime nazi, est l’objet d’une certaine indulgence de la part de Jean Foyer. Celui-ci nous assure que la plupart des paysans rencontrés y ont rarement fait référence, sans qu’il se pose la question de savoir si ce « désintérêt » est sincère, ou le symptôme d’une volonté de ne pas trop dévoiler une pensée ésotérique, c’est-à-dire destinée à ne pas être exposée aux yeux de tout le monde.
Reste qu’on ne peut que partager la conviction de l’auteur, pour qui la biodynamie constitue l’une des voies vers une « réanimation du monde ». « De la prise en compte d’entités non humaines (des étoiles aux microbes) à la mise en place de formes de solidarités interindividuelles, elle élargit la sphère de la polis en même temps qu’elle (ré)invente des formes d’action collectives plus fluides », écrit Jean Foyer dans sa conclusion, oubliant au passage le principal apport de ces vignerons à la collectivité, à savoir la production de vins dont presque tout le monde s’accorde à souligner les qualités gustatives !
.
Éditions Wildproject, 304 pages, 21 € – wildproject.org
Contact presse : presse@wildproject.org
(Laurent Samuel)
.