Le 18 novembre dernier, les JNE ont organisé une sortie au Jardin des Plantes de Paris pour découvrir la vie et l’intelligence des corneilles.
par Olivier Nouaillas
Dans la grande cage disposée dans le jardin écologique du Jardin des Plantes, où elles se sont laissées capturer par attrait de la nourriture, une dizaine de corneilles noires se déplace de façon relativement calme. « Vers midi, Frédéric Jiguet, qui dirige un projet confié en 2015 au Muséum d’histoire naturelle par la mairie de Paris visant à mieux connaître la population des corneilles noires, viendra les baguer. Cela permet, par l’intermédiaire d’un programme de sciences participatives, de suivre leurs déplacements dans la région parisienne, voire en France », nous informe d’emblée Marie-Lan Taÿ Pamart, bénévole et, elle aussi, en charge de ce suivi au Jardin des Plantes.
En cette matinée pluvieuse de novembre, nous sommes une dizaine de membres des JNE à avoir le privilège de mieux comprendre le fonctionnement social de ces corvidés. « Il faut d’abord apprendre à les distinguer du corbeau freux ou encore du choucas des tours », nous apprend Marie-Lan, en montrant un classeur contenant des photos de ces différentes espèces. Les corneilles, reconnaissables à leur bec intégralement noir, sont arrivées à Paris dans les années 1970. Et elles ont progressivement supplanté les pies en prospérant surtout à partir des années 90 à cause … de l’application du plan Vigipirate ! « En effet, le remplacement des poubelles fermées par des sacs poubelles transparents les a attirées en ville car il est très facile pour elles de les percer avec leur bec. Car ce qui les motive en premier, c’est la recherche de nourriture, d’autant plus qu’elles sont omnivores. Elle se nourrissent autant de petits mammifères, de graines que de déchets ». Aujourd’hui, selon le dernier recensement effectué, il y aurait environ 650 couples à Paris sur une population estimée entre 1 à 3 millions de couples en France. Autant dire que c’est loin d’être une espèce en voie de disparition. D’autant qu’on estime qu’une corneille peut vivre jusqu’à 20 ans. Ainsi, grâce aux bagues posées par le Muséum et au suivi participatif, on sait désormais que certains d’entre elles ont été observées aussi bien près de la cathédrale de Bourges qu’au port de Dunkerque, et même pour la plus éloignée, à Maastricht aux Pays-Bas, à plus de 400 kilomètres de la capitale.
Pourtant, victimes de préjugés et faisant parfois peur (notamment depuis le célèbre film d’Hitchcock, les Oiseaux), elles ont au contraire une vie sociale très riche. « Oui, il arrive qu’elles puissent attaquer en période de reproduction. Quand, par exemple, leur petit est au sol et que quelqu’un (autres oiseaux, passants, etc.) peut constituer une menace pour leur progéniture. Mais il faut savoir aussi qu’elles ont une très bonne mémoire des visages, et qu’elles se souviennent pendant des années des personnes qui se montrent gentilles avec elles », souligne Marie-Lan. Sur X à l’adresse @Jastrow75, cette « corneilliste » les appelle par des surnoms (Charlie, Alice, Bob, Pabo, etc.) et donne plein d’infos, autant scientifiques qu’amusantes, sur leur mode de vie, ainsi que sur les spots parisiens où on peut les observer. Une passion qu’elle sait faire partager à tous les publics qu’elle rencontre, des jeunes scolaires aux… membres des JNE.
Pour ma part, de retour dans mon 14e arrondissement après cette visite instructive au jardin des Plantes, je ne regarde plus les corneilles de la même façon. Ainsi, que ce soit au jardin de l’Atlantique, sur la dalle végétalisée au-dessus de la bruyante gare Montparnasse, qu’au tranquille et luxuriant parc Montsouris, j’observe en premier leurs pattes. Afin de repérer, à mon tour, les fameuses bagues de couleur et apporter ainsi ma modeste contribution à ce programme participatif, utile à notre connaissance de la biodiversité parisienne.
Pour aller plus loin
Vivent les corneilles, Frédéric Jiguet. Un plaidoyer pour une cohabitation responsable (Actes Sud, 2024)
La femme corneille, Geoffroy le Guilcher et Camille Royer (Edition Futoropolis, 2023). L’histoire de Marie Lan Taÿ-Pamart, notre guide au Jardin des Plantes, racontée en bande dessinée.
L’éthologie (presque) facile, Agathe Liévin-Bazin (Delachaux et Niestlé). Par une spécialiste de la vie sociale des oiseaux et qui anime également le blog Le nid de pie.
Un site participatif : https://corneilles-paris.fr Où chacun peut remplir un formulaire indiquant ses propres observations de corneilles baguées dans la région parisienne.
Une sortie bien encadrée !
par Carine Mayo
Outre Marie-Lan Taÿ-Pamart, bénévole au Muséum National d’Histoire Naturelle que l’on peut suivre sur X à l’adresse @Jastrow75, cette sortie était également accompagnée par Agatha Liévin-Bazin et organisée par Marc Giraud.
Agatha Liévin-Bazin, docteure en éthologie, nous a présenté son livre L’éthologie (presque) facile paru aux éditions Delachaux & Niestlé. Un ouvrage qui décrit l’éthologie moderne, moins anthropocentrée, qui s’intéresse davantage aux individus et à leurs émotions. Spécialiste du comportement social des oiseaux, Agatha (alias Docteur Agatha McPie) est aujourd’hui vulgarisatrice scientifique et blogueuse.
Marc Giraud, membre de longue date des JNE, naturaliste de terrain et auteur d’une cinquantaine de livres de vulgarisation scientifique, nous a présenté la nouvelle collection de petits guides qu’il a conçue pour apprendre à identifier facilement les espèces qui peuplent notre quotidien, en collaboration avec la Fédération des Clubs CPN (éd. Delachaux & Niestlé). Trois titres sont déjà parus : Reconnaître facilement les animaux, Reconnaître facilement les oiseaux et Reconnaître facilement les insectes. Le premier vient d’être nommé « Livre remarquable » par l’Académie vétérinaire de France.
Nous avons eu également la chance de visiter le Jardin écologique du Jardin des Plantes qui est d’ordinaire fermé aux visiteurs !
Photo du haut : les JNE à la découverte des corneilles au Jardin des Plantes de Paris © Claire Robert